« Un autre été grec » de Makis Malafékas : buffet froid au soleil des néo-hipsters

Rock and Roll. Dans le ton et l’approche des personnages et des situations. Cette fois, le romancier hellénique Makis Malafékas à la plume très Gonzo pose sa carcasse sur le spot de tous les surfeurs du monde, le Lagoon de Messakti, sur l’île d’Ikaria. « Un autre été grec » confirme le talent de l’auteur qui continue son travail de sape de l’intérieur d’une Grèce asphyxiée par le tourisme. Du beauf au roots en passant par le néo-hipster.

Son personnage fétiche, Mikhalis Krokos, traverse une mauvaise passe. Quand son copain de longue date, Valandis Karatzakos qui lui-même est très pote avec la red chef du magazine City Life, lui propose de dégager d’Athènes et de sa fournaise infernale pour sa magnifique villa d’Ikaria, Krokos voit là le meilleur des plans du moment lui tomber du ciel. Gardien d’une maison de riches et mode de vie de surfeur fauché, chargé en prime de feuilletonner la vie de ces adeptes de la vague en mer Egée, pour City Life, franchement l’idéal en ce bas-monde. “ Ça matchait à fond. Une putain de plume. Des blaireaux de surfeurs, en feuilleton. Pas plus trendy et alternatif. Avec ma signature.” Le mec à la mauvaise passe dit oui. Évidemment.

Son régime est normal basique et personnel. Vodka, tonic, bières, chips au bacon, Cheetos au fromage et puis allez encore un petit Jameson. Les capotes à la pharmacie. Après tout, ce sont des vacances studieuses mais quand-même des vacances. Avec lui, on entre dans le monde des néo-hipsters ou encore des slash envahisseurs. “ Ceux qui ne peuvent pas camper sans leur MacBook planqué au fond de la tente… avec leur “trend”, leur super spot, y’a trop de monde, les touristes vont tout ravager, bonne chance les gars, nous on va aller squatter ailleurs… le fléau, c’est eux parce que le néo-hipster, lui, entre-temps, est devenu local.” De la came premier choix pour une nouvelle grinçante qui devrait couler de source, prendre les lecteurs et les aficionados des mythes grecs à rebrousse-poil. Mais l’inspiration patine. Les dieux ne sont pas avec lui sur ce coup-là. Trop de distractions.

Celle-là, il ne l’a pas vu venir. Ce jour-là, il est à son poste d’observation. Il mate la plage, les surfeurs et les petites nanas. Mais ce qui l’aperçoit à travers ses jumelles lui coupe l’envie de tout. Une femme, et pas n’importe laquelle, Afroditi, celle de son ami Valandis, est en train de mourir sous ses yeux. De quoi décuiter sur le champ. “Elle était morte, et les mouettes hurlaient au-dessus de nos têtes, tandis que la sirène du Samu montait au loin.” Comment allait-il annoncer la nouvelle à son copain ? Alors, lui l’indolent, le branleur à moitié bourré tout au long de la journée, s’est dit qu’il fallait qu’il enquête.

Et il va aller de découverte en découverte. Eva Laskari, la fille dont il a fait connaissance sur le spot de surf, est en réalité la sœur d’Afroditi. “ Elles faisaient toutes les deux du surf. L’une comme une pro, l’autre un fer à repasser.” Avec Makis Malafékas, tout arrive souvent par les demoiselles qu’il croise sur son chemin. Une sorte d’aimant à emmerdes. À commencer par celle qu’il voit déjà comme “ la surfeuse-déesse de Messakti, la “Mara” de sa nouvelle.” Les dialogues du romancier se font alors assez savoureux.

  • Ça vaut que dalle.
  • Quoi donc ? Ici ?
  • Le livre que tu lis.
  • Le Pynchon ?
  • Il ne connaît rien à la Beach community, ni aux drogues, ni à la folie.

Sa “Mara” n’est pas plus indulgente lorsqu’ils se revoient plus tard. Lui pense que c’est une totale virago. D’autant qu’au moment de conclure leurs petites affaires et après l’avoir enduit de crème solaire sur le dos, elle s’est relevée, et elle a dit en fixant la brume à l’horizon : “ Ça craint, ici, les vagues vont encore monter, faut qu’on se taille toute de suite.”

En réalité, elle s’appelle Eva Laskari et elle est la demi-sœur d’Afroditi. Avec un point de vue très particulier sur le pseudo noyade de sa frangine. Qui, j’ai oublié de le signaler, est aussi membre de l’Église de Scientologie. Ce qui n’est pas rien dans l’équation et la résolution de la mort d’Afroditi. Sous dehors de j’en foutre en mode estivale, Makis Malafékas se paie la tête avec un talent juvénile de tous ces néo-hipsters, enchaînés à leur ordi-portable et de toutes les manifestations réchauffement climatique. Une remise à l’heure des pendules de la pensée mainstream tribale, aussi salvatrice que jouissive.

« Un autre été grec », de Makis Malafékas, traduit du grec par Nicolas Pallier, Asphalte Éditions, 224 pages, 21 euros. 

 

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