« Captagonia » de Pierre Pouchairet : l’alliance de la Syrie, des Russes et du 9-3 pour écouler « la drogue du djihadiste »

L’écrivain est un habitué des récompenses. La dernière date du 9 octobre quand il reçoit le Prix du roman d’espionnage, lancé par la Manufacture de livres, en collaboration avec l’Amicale des anciens des services spéciaux de la Défense nationale (AASSDN) et co-édité avec les éditions Konfident, pour “Captagonia” qui met en scène un de ses personnages fétiches, la policière franco-palestinienne, Maïssa Thabet. Quand la fiction télescope la réalité…

Une histoire d’amour entre une Palestienne et un Israélien. C’est tellement dingue que l’auteur l’élimine dans un préambule qui court sur trois malheureuses pages. C’est dire ! Le plat de résistance arrive cinq ans plus tard. D’abord dans un pavillon en banlieue de Brest, puis au Bureau central d’Interpol à Lyon, au tribunal de Paris, en audience correctionnelle. Ou encore à Damas, à Dubaï, en Bretagne et à la frontière irako-syrienne. Vous l’aurez compris, nous allons beaucoup voyager. Un peu comme le captagon, cette « drogue des djihadistes » qui fait des ravages, en Occident. L’ancien policier Pierre Pouchairet est dans son élément, lui qui par le passé fut, en autre, le chef de groupe, chargé de la lutte contre le trafic de drogue. Des substances dont il connaît parfaitement les modes de fabrication et de distribution. Pas étonnant qu’il se soit intéressé à cette merde qui a beaucoup alimenté les conversations depuis le début de la guerre en Syrie.

Il suffira d’une séance de PowerPoint à Interpol sur l’évolution du trafic international de ce produit dans le monde pour comprendre que la drogue rapporte un maximum. Cinq milliards de dollars et une maison-mère basée à Damas. Dans l’univers de l’écrivain, un des frères de Bachar est à la tête d’une partie du business. Mais il n’est pas le seul. D’autres very bad guys comme les moukhabarats, les services de renseignements syriens, ont pris leur envol et fait élaborer une nouvelle molécule, dérivée du captagon, dont l’usage s’est avéré mortel. De quoi alerter tous les services occidentaux qui ne doutent pas un seul instant qu’il s’agisse d’un mauvais dosage mais plutôt d’une volonté délibérée d’entraîner le plus de morts possibles. Si les Syriens sont dans le collimateur, ils ne sont pas les seuls. Les gars du FSB, ex-KGB, et notamment le colonel Ivan Aliev, chef de l’antenne russe à Damas, sont également dans leur viseur. Parce que les Russkofs ont eu besoin de relais en France. Et pour ça, ils se sont adressés aux frères Balawi, originaires du 9-3, des caïds qui gèrent désormais leur business de Dubaï, aux Émirats-Arabes-Unis. Mais comme toujours dans ce trafic illégal mais oh combien lucratif, il y a toujours des embrouilles. Et ça ne rate pas. L’un des frangins, Akim, est enlevé par les Russes.

Entre alors en scène, Maïssa Thabet. Parfaite dans le rôle. À cheval entre deux cultures, elle a l’avantage de parler arabe et de penser comme une flic française. Un mélange qui tombe à pic pour la mission qui lui est confiée. Pour les amateurs de l’auteur, la demoiselle est connue. Elle est déjà apparue précédemment avec une autre policière, Léanne Vallauri de la PJ de Brest (Finistère). Deux bretonnes dont l’une a largué les amarres et travaille cette fois, pour son collègue et ami Gabin Mournet de la DGSI, qui l’a appelé à la rescousse. Il confirme auprès de chefs dubitatifs : « Je la connais bien. Il suffira de la canaliser mais elle est fidèle et elle n’a qu’un but, mettre hors d’état de nuire les trafiquants russes. » Et ils sont costauds les Russes de Pierre Pouchairet. Andreï Zerninsky, revenu en grâce auprès du Kremlin, est chargé d’écouler le captagon hors de Syrie. «  Gagner des parts de marché, faire du fric « , tel est le leitmotiv de tous ces gangsters. Forcément, par tous les moyens.

La fidélité au pays et à son corps de métier va être remise en question chez Maïssa. Après tout, son père est un haut fonctionnaire de l’Autorité palestinienne. Certes, sa mère est française. Mais la méfiance est une seconde nature chez les espions et les faits sont à charge pour la demoiselle qui va devoir prouver son allégeance sans faille à une nation française sans états d’âme dès qu’il s’agit de sa sécurité. Pierre Pouchairet signe un roman d’espionnage au cordeau, bien informé et crédible. Mission accomplie.

“Captagonia” de Pierre Pouchairet, Éditions La Manufacture de livres avec Konfident, 364 pages, 20,90 euros.

 

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