« Dernier Cri » de Hervé Commère : quand la vérité n’est pas si bonne à dire

Les premières pages sont trompeuses. Nous sommes au Bangladesh. Un jeune homme, Rafi, trime dans une usine textile. Il économise pour délivrer sa sœur de treize ans d’un mariage forcé et l’emmener ensuite en Californie où elle rêve de devenir championne de surf. Deuxième entrée, la France. Focus sur un certain Étienne Rozier, ancien flic, reconverti homme à tout faire aux méthodes musclées pour un cabinet de lobbying parisien. On se doute qu’à un moment donné du roman, ces deux histoires vont se télescoper. Mais Hervé Commère a corsé son intrigue, mieux, il l’a multipliée. « Dernier Cri », est un polar social de grande tenue où les méchants et les gentils ne sont pas forcément ce que l’on croît. Où la misère économique peut même faire dérailler ceux animés des meilleures intentions. 

Alors, on rembobine. Rozier, le gars au salaire triple, amoureux de sa femme, fête son anniversaire. Son meilleur copain, Olivier, lui offre un voyage à Rotterdam. Une histoire fumeuse de salon du tuning. En réalité, il a rendez-vous avec une dame qui s’avère être aussi journaliste. Mais Anna Dufossé est assassinée dans la chambre. Le début de l’enfer. Par réflexe, Rozier préfère fuir plutôt que d’attendre les policiers. Mauvaise idée. Il le dit lui-même, il a eu deux vies. Désormais, il va entamer la troisième. Celle du fugitif qui tente par tous les moyens de prouver son innocence. Une sorte de Harrison Ford sans Tommy Lee Jones à ses basques. Parce que l’affaire ne fait pas la Une très longtemps. Qui s’intéresse à la mort d’une femme dont l’amant a fichu le camp, prouvant ainsi que c’est sûrement lui le meurtrier.

Étienne Rozier débarque à Elbeuf. C’est un bled qu’il connaît bien, il y a passé une partie de son enfance. Avant, il est passé par la ZAD de Bonneterre où il a pactisé avec un des membres, jusqu’à lui emprunter son identité. Désormais, il se fait appeler Swann Artigaud et pousse l’identification en se faisant charcuter le visage la même balafre que le zadiste. Ses nouveaux copains ont toujours besoin de munitions pour verrouiller leur cause. Ils vont analyser tous les documents que Étienne/Swann, désormais passé dans leur camp, leur envoie après avoir pirater des ordinateurs de l’entreprise de nettoyage où il s’est fait embaucher. Anne la journaliste les avait dans le collimateur. Est-ce pour cela qu’elle a été tuée ?

À force de creuser, Rozier en est convaincu. Tout est là criant de vérité, devant lui, les pourris qui exploitent les pauvres et les clandestins, comme Rafi. Malade, mourant, Rafi l’honorable frère qui jusqu’au bout aura tout fait pour sa sœur. Rozier accumule les informations qui pourraient enfin l’innocenter et au passage aider ce Rafi. Il veut sa vérité, il l’aura. Mais la justice ? Est-elle toujours celle que l’on croît ? Hervé Commère se sert des clichés pour mieux les casser. Les protagonistes se refilent la patate chaude de la misère comme s’ils avaient la peste. Et les miséreux, eux, que demandent-ils ? Du respect. Et du travail. Et ce n’est pas forcément ce que Anne Defossé leur offrait…

« Dernier Cri », de Hervé Commère, Éditions Fleuve Noir, 480 pages, 21.90 euros.

 

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