Il y a un petit côté Marvel chez Amaka Mbadiwe, super héroïne du troisième et dernier roman de Leye Adenle. Le titre ne dit pas autre chose. « Tout va bien se passer » nous conte les dernières aventures de l’avocate survoltée de l’écrivain nigérian. On trépigne beaucoup, on accélère sévère, on souffle, on s’essouffle, on a chaud, on transpire mais on ne lâche pas d’une semelle la redresseuse de torts qui survole les artères saturées de la capitale Lagos.
Amaka coule des jours heureux avec Guy Collins à Londres depuis six mois. Tandis qu’il part travailler, elle va faire son jogging, puis après une bonne douche, elle s’offre un café tout en travaillant pour son association les Street Samaritains, qu’elle pilote pour l’instant à distance. Mais on ne se refait pas et justicière d’un jour, justicière toujours. Justement, de l’autre côté de la route, il y a un salon de manucure qui l’intrigue. Il y a des barreaux aux fenêtres du salon. Elle remarque aussi que les employées ne regardent jamais les clientes dans les yeux. Elle renifle l’exploitation. Cela lui rappelle les filles et les femmes vulnérables auprès desquelles intervenaient les Street Samaritains, et à qui elle a consacré sa vie.
Au même moment, à des milliers de kilomètres, à Lagos, capitale du Nigéria, un autre drame est en train de se mettre en place. Au cœur de l’histoire, la bagatelle de cent millions de dollars. Pour cette somme là, on peut franchir beaucoup de lignes quand on veut mettre la main dessus. Par exemple, tuer. Ce que font Dave et Pete sans sourciller. Ils abattent un couple de pasteurs, Anita Brown et son mari, Frank Brown, un petit coquin qui avait rendez-vous avec une prostituée dans cette chambre d’hôtel avant que la partie de plaisir ne tourne vinaigre. Problème, la demoiselle a tout vu. Elle s’appelle Funk. Les deux lascars l’ont loupé parce qu’elle était bien cachée mais elle sait très bien que ce n’est qu’une question de temps avant que l’on apprenne qui elle est, et que surtout on la retrouve.
Et voilà Amika repartie dans son pays natal. La justice n’attend pas. On retrouve les sujets chers à l’auteur : corruption, police et politique, sexe, drogue et Africa Beat. Amika est comme un poisson dans l’eau. Telle une super héroïne avec une cape fendant l’air, elle ne craint pas de s’attaquer aux plus forts, souvent au péril de sa vie. Cette fois, c’est la connivence politico-religieuse qu’elle a dans le collimateur. La scène qui ouvre le roman avec ce pasteur adultère donne le ton. Le Nigéria est profondément croyant. Il faut avoir assister à une messe dans un quartier défavorisé pour se rendre compte de la mainmise des prédicateurs milliardaires sur leurs ouailles. Bien qu’elles soient déjà à peine en mesure de se nourrir ainsi que leurs familles, elles versent leur obole à des vampires porteurs de croix ou autre qui n’hésitent pas à les saigner toujours un peu plus. Amaka va tout faire pour retrouver Funk avant que cette dernière ne soit tuée. Mené tambour battant, avec un gentil flic et un gros ripoux qui met des bâtons dans les roues d’une Amaka aussi téméraire que obstinée, « Tout va bien se passer » est une critique sans concession des gouvernants et du monde bling bling des prédicateurs. Un polar fusion et passionné.
« Tout va bien se passer » de Leye Adenle, traduit de l’anglais (Nigérian) par Céline Schwaller, Éditions Métailié, 424 pages, 22 euros.