« Jayne Swift, celle qui guérit » de Minette Walters : une femme médecin dans la guerre

C’est une héroïne comme la littérature en produit parfois. Flamboyante, subversive et entêtée. « Jayne Swift, celle qui guérit », est la dernière création de la très Anglaise Minette Walters. Sur fond de guerre civile entre royalistes et parlementaires, la romancière se détourne du Noir et nous parle autant d’amour que d’Histoire et de politique.

Dorset, 1642. La région est connue de l’écrivaine. Elle y réside. Elle est sa source d’inspiration. Minette Walters signe son troisième roman historique régionale. On est en pleine guerre civile. Les Royalistes sont fidèles au roi Charles 1er. Les Parlementaires, eux, veulent limiter les pouvoirs du souverain (qui sont encore divins à cette époque) et renforcer le Parlement. Un homme mène la  fronde : Oliver Cromwell. Le contexte historique illustre une période peu connue en France : la naissance de la seule République anglaise qui dura onze ans avant que la monarchie ne soit restaurée en 1660, avec l’accession au trône de Charles II. Mais il ne fut plus question de droit divin.

Minette Walters nous fait vivre les aventures de Jayne Swift qui a étudié la médecine. Enfin, disons qu’elle l’exerce mais ne peut porter le titre de médecin. Interdit aux femmes. Petit problème pour ces Messieurs, elle possède le don. Mais avec des convictions qui en ces temps de bruit et de fureur, il est dangereux d’afficher. « Jayne, elle, reste neutre, son seul but étant de soigner les malades, quel que soit leur bord. » Le personnage est formidable. Féministe avant l’heure. Elle se présente d’ailleurs comme « le docteur ». Audacieuse dans tous ses choix. Prenez William Harrier, quand elle le rencontre la première fois, il prétend être un simple valet de Lady Alice. « Jayne observa le nouveau venu. Il portait les habits simples d’un domestique, mais son regard, vif et assuré, trahissait une intelligence peu commune ». Et très vite, « elle ne peut s’empêcher de s’interroger sur la position véritable de ce William ».

D’aventure en aventure, Dame Swift nous fait traverser les lignes des deux belligérants, son cœur penchant sérieusement du côté des parlementaires, bien que issue elle-même d’une famille de royalistes. Nous suivons toutes ses péripéties professionnelles et amoureuses. Il est assez savoureux de la voir battre en brèche tous ces vieux schnocks encore adeptes de soins obsolètes. Jayne ne cache pas sa croyance dans les herbes et le soin au naturel. Mais elle sait aussi inciser. Les ruses qu’elles utilisent pour convaincre les hommes blessés ou malades très rétifs à être soignés par une femme sont audacieuses. Le colonel Blake n’y voit que du feu. Il a reçu une balle qui s’est logée dans sa botte. Jayne sort son scalpel le plus aiguisé et une paire de pinces en argent. Elle lui demande d’inspirer profondément et de compter les secondes dans sa tête pendant qu’il retient son souffle. Lui assurant ainsi de pouvoir mener cette opération en moins de soixante secondes. Défier les combattants, en voilà une bonne idée. « Ce stratagème échouait rarement , surtout auprès des patients de sexe masculin. Retenir leur respiration leur évitait de bouger, et la plupart étaient si désireux de lui donner tort qu’ils se concentraient sur les secondes qu’ils égrenaient au lieu de se crisper dans l’attente de la souffrance. Le colonel Blake ne fit pas exception… Il s’était si bien préparé à une minute de douleur que la brièveté de l’intervention fut un soulagement ». Elle vous enlève aussi les furoncles avec un savoir-faire de sorcière.

Lyme Regis, la ville assiégée par le Prince Maurice, va lui donner la possibilité de vivre intensément. Elle prend la direction d’un hôpital désaffecté. Elle y découvre l’amitié sans les codes sociaux et l’égalité des sexes. Devant ce don de guérison naturel qu’elle semble posséder, plus personne ne discute le fait qu’elle soit une femme. Mais sa neutralité exaspère. Quand le Prince Maurice l’a fait appeler pour soigner ses hommes qui pourtant assaillent sans pitié la forteresse, elle accepte. Elle demande néanmoins la permission au colonel Blake qui lui répond : « Je n’ai jamais entendu parler d’un médecin qui ait franchi les lignes pour traiter les représentants des deux camps ».

Et William dans tout ça ? Elle va le recroiser au fil des pages. Mystérieux, séduisant et trouble. La romancière nourrit cette histoire d’amour au rythme de l’époque. Lentement. Il y a d’abord le respect et la complicité, puis l’attachement et enfin la déclaration. On aime beaucoup cette histoire d’amour où l’homme n’attend pas de celle qu’il aime de rester à la maison pour élever les enfants. Ce sont des regards, des joutes verbales, des gestes furtifs, une cour délicieuse et d’un autre temps. Cette façon intrépide, qu’elle a de lui parler de ses sentiments : « Vous êtes décidément un homme insupportable », tout en se laissant enlacer. On en frémit. Romantique. Tout simplement.

« Jayne Swift, celle qui guérit » de Minette Walters, traduit de l’anglais par Odile Demange, Éditions Robert Laffont, 752 pages, 39.95 euros. 

 

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