« Baignades » de Andrée A. Michaud : en eaux troubles

La honte. En une fraction de seconde. Et qui vous tombe dessus à cause d’une remarque assassine de vos voisins. Comment peut-on laisser une fillette de cinq ans se baigner, nue dans le lac ! Ce sera le premier de la longue liste d’accrochages qui va transformer les vacances au camping de Laurence et Max en véritable enfer sur terre.

La Canadienne Andrée A. Michaud sait y faire. Elle débroussaille la nature grandiose qui l’entoure pour en faire un territoire hostile où les hommes perdent la raison. Comme Max qui déjà contrarié par l’incident précédent, voit dans le geste d’un copain sur leur fille Charlie, la marque d’un pédophile. Et qui fou de rage, décide de partir sur le champ et en pleine nuit. La suite relève quasiment du film Délivrance. Deux copains, Simard et Vaillancourt, commettent l’irréparable sur une femme, à la suite d’une orgie de sexe qui a mal tourné. Rien ne s’arrange lorsqu’ils croisent le chemin de cette famille en fuite dans une nuit lacérée par l’orage. L’un des deux lascars tue Max tandis que l’autre l’enterre. Fin abrupte de la première partie.

La romancière aime camper des situations dont les débuts s’annoncent idylliques  et trompeurs. Au fil des années au cours desquelles elle a écrit pas moins de quatorze romans, elle s’est construite une sacrée réputation d’ensorceleuse. Chez elle, la nature est omniprésente. Doit-on s’en méfier ? Un peu. Mais l’homme a toujours sa part de responsabilité. Lui qui s’y aventure dominateur et conquérant. La Québécoise est souvent à la limite du thriller estampillé horreur. Tout juste avons-nous repris notre souffle que la romancière récidive dans la deuxième partie de son récit. Nous sommes quatre ans après cette nuit dantesque au milieu de nulle part. On ne sait pas encore ce que sont devenus les protagonistes. On est toujours autour d’un lac. Les parents attendent leurs enfants pour leur réunion annuelle. On apprend ainsi que Laurence et sa fille ont survécu. Madeleine, la maman, ressent pourtant comme une pointe d’inquiétude. Leur fille a annoncé qu’elle venait avec son nouvel ami. N’est-ce pas un peu tôt ? Madeleine aimait tant Max.

Elle ne croit pas si bien dire. Andrée A. Michaud passée maître dans le suspens angoissant, procède de la même façon. Elle asphyxie le lecteur en multipliant les signes du malheur, ceux qui vont s’abattre sur une famille déjà bousculée. Et tout le monde va s’y mettre gentiment. La maman et les frères. Pas de pitié pour l’ennemi. Lequel ? Le nouveau petit copain. On n’en dira pas plus. Pour les amateurs de frissons en situation ordinaire, il faut lire Baignades avec son lot d’expressions canadiennes savoureuses. Mais plus jamais on ira camper ou faire trempette dans un lac, avec insouciance.

Baignades de Andrée A.Michaud, Éditions Rivages Noir, 300 pages, 21 euros.

 

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