On retrouve le couple infernal Fish Pescado, détective privé, surfeur, et Vicki Khan, sa girl-friend, joueuse de poker, avocate et espionne toujours un peu malgré elle. Leur créateur, le Sud-Africain Mike Nicol nous a concocté quelques nouvelles aventures dans ce quatrième volet d’une série d’espionnage survoltée : « Rabbit Hole ».
On est toujours dans les magouilles post- Mandela. Les Sud-Africains entre eux et les étrangers qui essaient de mettre le grappin sur tout ce qui peut arrondir leur petit bas de laine, déjà pourtant bien garni. L’auteur se délecte de toutes ces sales combines qui font de très beaux matériaux fictionnels. Cette fois, l’entreprise dans le viseur de l’écrivain s’appelle Amalfi Civils, une société de construction et d’ingénierie. Au départ, une structure propre tenue par Angela Amalfi. Mais il y a des turbulences et l’un de ses deux frères, Rejab (Rej) Ben Ali, en est à l’origine. Gourmand et ambitieux, il a bien l’intention de contourner les lois en vigueur afin de parvenir à ses fins. Les Américains, toujours prêts à rendre service, attendent de rafler la mise. Rej favorise un accord à trois : Amalfi Civils, les Américains et le gouvernement sud-africain pour un projet surnommé « Renaissance ». Si tel était le cas, leur boîte ramasserait un gros paquet mais le gouvernement sud-africain serait contraint à rembourser les traites pendant des décennies. Angela veut garder les mains propres. Elle s’obstine à dire non.
Disons que ça, c’est le squelette du roman. Parce que à peine tapis dans l’ombre de la narration, et terriblement encombrants, il existe aussi les services secrets. Ceux des grandes nations et même ceux d’intérêts privés. Et là, Mike Nicol n’a pas son pareil pour nous faire cohabiter, sur des pages entières, avec les individus les plus douteux de l’existence. Comme le colonel Kaiser Vula, un paraplégique de la SSA (State Security Agency) dont la directrice est surnommée la Voix. Le gars est coincé dans son fauteuil mais est plus dangereux qu’un mamba. A son service (forcé) Tyrone Mansoor qui émarge aussi comme chef de la sécurité chez Amalfi, exclusivement aux ordres de Rej. Pratique quant il faut espionner son patron. Tyrone, c’est un peu le nettoyeur. Un cadavre par-ci, par-là, le gars ne fait pas trop dans le détail. Il y a aussi Mart Velaze un espion qui obéit à la Voix, la directrice des opération secrètes, ayant un agenda pouvant diverger de celui du colonel Kaiser Vula. Et John Webster, employé au consulat américain. Tiens donc, la CIA.
Il reste la belle Vicki Khan, ancienne agente de la SSA. Elle a raccroché, elle veut vivre la vie de madame tout le monde, s’envoyer en l’air avec son surfeur de petit ami, s’écarter des jeux en tout genre et se dorer la pilule au soleil. Mais espion d’un jour, espion toujours. Dans cette partie, impossible de prendre sa retraite. Parce que les ex-employeurs savent toujours où trouver leurs anciens factotums. Un détail qui va être cruellement rappelé à la belle Vicky. Pêle-mêle, Mission Impossible, Jason Bourne ou encore Reacher, « Rabbit Hole » carbure à plein régime. Pas de temps mort, des personnages sympas et des méchants jouissifs avec une mention spéciale pour le frangin qui se prend pour un loup. Mike Nicol utilise cette toile de fond romanesque pour dresser un constat implacable d’une Afrique du Sud qui a bien du mal à prospérer proprement avec la disparition de « Madiba », surnom de Mandela. Rabbit Hole, en référence au trou du lapin du roman de Lewis Carroll, Alice au pays des Merveilles, c’est l’envers du décor sud-africain. La violence et la corruption comme mariées à la vie à la mort.
« Rabbit Hole » de Mike Nicol, traduit par Jean Esch, Éditions Gallimard/Série Noire, 528 pages, 22 euros.