« The Visitants » de Randolph Stow

Un festival de couleurs, de bruit, de mots et de formules. « The Visitants » de Randoph Stow nous transporte loin, très loin, sur l’île reculée de Kailuana, en Papouasie, là où les loris, ces oiseaux colorés, se confondent autant avec le feuillage qu’avec le langage. Un officier de patrouille, Alistair Cawdor, s’est suicidé. Le gouvernement colonial enquête. Il interroge cinq témoins. Kaléidoscope de sensations vives et moites. Le roman publié par les Éditions Au Vent des îles est une véritable claque littéraire.

Il y a donc le planteur, K. M. Macdonnell, la domestique de maison, Saliba, l’élève officier de la patrouille australienne, T. A. Dalwood, l’interprète du gouvernement Osana et l’héritier de Dipapa, le chef de Kailuna, Benoni. Deux Blancs et trois Noirs. L’investigation elle-même est dirigée par M. G. Browne, officier de district-adjoint, sous-district d’Ositwa, Territoire de Papouasie. Clairement, on ne rigole pas avec les formes et mises en forme en 1959, dans cette partie du monde. Chacun livre sa version des faits à Browne qui intervient finalement très peu dans le récit sauf pour donner les résultats de son enquête à la fin de l’ouvrage.

Que s’est-il passé dans cette maison qui « saigne », selon Saliba ? « Une maison est un château selon l’officier de district, une défense. Une maison est une conque ». Il n’empêche, un homme y est mort. Ajoutez à cette disparition aussi soudaine que tragique, deux autres histoires. La première est celle qui agite les villageois. Qui héritera en effet « du commandement des villages » à la mort du vieux chef DIPAPA. La deuxième concerne la pseudo existence d’un objet volant non identifié, fait lui-même relié « aux espoirs, croyances et cultes du cargo millénaristes ». Et c’est le mort qui en parle mieux dans son journal où il consigne en italique tous les événements. « Le 29 octobre, une rumeur avait circulé dans les villages selon laquelle un vaisseau spatial avait emporté les trois hommes qui vivaient sur l’île de Budibudi où ils gardaient la plantation de noix de bétel de DIPAPA ». Selon lui, l’hystérie s’empare alors des hommes et de leur esprit. Il devine ce qui s’est passé mais la fureur a mordu son âme.

Trois récits imbriqués avec trois niveaux de lecture et différents types de langage. L’Australien Randolph Stow fut lui-même un visiteur, un étranger. Pendant trois mois, à l’âge de 23 ans, il est à la fois élève officier de patrouille et assistant anthropologue pour gouvernement australien. Le chef est vieillissant, la puissance coloniale redoute une déstabilisation politique locale. L’écrivain est doué, il a un don pour les langues et très vite, apprend le Kiriwina, ce qui lui permet de converser directement avec la population sans passer par le filtre d’un traducteur. C’est une des très grandes forces du roman. Ainsi les Blancs sont les Dimdims ou les taubadas. « E » signifie oui, « Bi ta los », « Allons-y » ou encore « Kwim », « traînée ». Soyons franc, la lecture du roman n’est pas aisée mais une fois que le pli est pris, le charme fonctionne et l’on se prend à s’imaginer regarder la pluie « dans la lumière vert-jaune d’une claire fin d’après-midi ».

« The Visitants » par Randolph Stow, traduction de Nadine Gassie, Éditions Au Vent des Îles, 282 pages, 23 euros, ebook : 11.90 euros.

 

 

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