Un vrai roman noir. Qui commence comme une bleuette solide. On est en 2001. Un couple Jane et Louis Fay, start-uppers au top de leur vie à Vancouver. Vrai, aimant et complice. Jane a du flair. Elle dit. Louis suit. Mais ce sera la fois de trop. Mauvais investissement, ruine, fuite. Et là, c’est l’embardée, en plein désert californien, là où les gens ne posent pas de questions. On passe violemment au tragique dans le dernier ouvrage de Dominique Forma. Jane quitte Louis. Comme ça, « parce qu’elle a toujours eu le talent de résoudre les problèmes efficacement ». Sous un soleil meurtrier. Louis survit. On comprend que « Bombay Beach, Californie » va être un peu plus tordu que prévu.
C’est à lui que l’on s’intéresse de prime abord. Lui que l’on va suivre dans sa nouvelle vie parmi les cinquante marginaux éparpillés sur deux kilomètres et qui se tiennent à bonne distance d’un système qui le leur rend bien. Ça lui va. « Il fait siennes les règles de vie de Bombay (Californie). Il est absent de son passé, il n’a aucune sorte de futur en vue, le présent lui offre l’infini». Puis, c’est Sandy Valley, « où il n’y a rien à voir ». Louis y loue un appartement à son image. Vide de souvenirs. Après Bombay Beach, il a travaillé à Vegas pour Johnny Chang. Il a remis de l’ordre dans la comptabilité du bonhomme. Ce dernier un jour lui a présenté un autre gars, Josh Gilmore. Et rebelote. Louis assainit ses comptes. Il a des ex-femmes et des gosses qui veulent le plumer.
Gilmore est un gars envieux. Il lorgne sur Vegas comme un sale gosse. Il vient accompagné d’une créature, Miss Missy Carpo, de vingt-cinq ans sa cadette. Leur but : organiser un tournoi de poker entre célébrités. Enfin, surtout elle, parce qu’elle a une idée de dingue, elle veut faire venir Bodgia. Louis ne sait pas de quoi elle parle. Bodgia, enfin, « la nouvelle Paris Hilton », en noir et plus musclée. À vrai dire, quatre-vingt-cinq kilos de muscles, une catcheuse de la W W E. En perte de vitesse… Gilmore veut que Louis fasse ce qu’il sait très bien faire : signer un deal. Louis prend ses quartiers dans un motel de moyenne catégorie. Depuis que Jane l’a planté, il est en pilotage automatique.
Et il la voit. Sur un panneau immobilier de Los Angeles. Jane, en photo, qui vend des maisons sur Ventura Boulevard. Elle n’a pas changé. Enfin, si. « Elle a l’air heureuse ». Le souffle court, dix ans sans nouvelles et cette question sans réponse : pourquoi et de cette façon. Dominique Forma amorce la tragédie de face. Il n’y aura pas de jolie réunion, Jane est en affaire avec les mauvaises personnes. Non pas qu’elle l’ait vraiment décidé. Mais elle a une fille, Aurora. Alors, les questions de Louis attendront, il y a urgence, celle de se sauver, elle et sa fille. Mais Louis ne l’entend pas ainsi, ok, il n’aura pas toutes les réponses, mais Aurora ? Il en est le père ou pas ? À croire que Jane n’a pas totalement épuisé son capital cruauté. « Elle est de toi si tu le veux », dit-elle à Louis. L’Amérique des excès, des personnages du bas-côté, Dominique Forma signe un roman sableux et hypnotique, superbement atroce.
« Bombay Beach, California » de Dominique Forma, 272 pages, 13.90 euros.