« Grindadráp » de Caryl Férey : écologie et tradition, face à face sanglant

Caryl Férey a une façon bien à lui de montrer qu’il aime la nature. Aussi têtu qu’un sale gosse qui veut faire passer un message aux adultes qui ne comprennent jamais rien, il s’obstine à se balader aux quatre coins du globe en exposant la dame sous toutes ses plus vilaines coutures. Cette fois, il a posé ses bagages aux îles Féroé. Son personnage principal aussi. Soren Barentsen, l’ex-flic de Copenhague, hanté par une tragédie passée, pensait y couler des jours tranquilles. Moins de dix crimes recensés depuis la Seconde Guerre mondiale. Un vrai bonheur en perspective. Mais une vilaine tempête va rebattre les cartes. Et faire découvrir au continental qu’il est, le visage cruel de certains Féroïens. Caryl Férey signe un polar aux embruns toxiques et rouge sang dans un décor où les descendants de vikings perdent leur âme un peu plus chaque année.

Pas besoin de convaincre les membres de Sea Shepherd (« Le berger des mers »), l’organisation d’intervention pour la préservation des baleines, que ces îliens ne sont pas des gentils. Et ces derniers le leur rendent bien. La cause écologique n’a pas du tout la cote dans le coin. Et rien ne va aller en s’arrangeant. La nature va même s’en mêler. Une tempête meurtrière et la célébration du Grindadráp (Grind) vont une nouvelle fois sceller cette mésentente. C’est une tradition qui perdure dans le coin et qui consiste à chasser les mammifères marins. Un sport national local protégé en quelque sorte par le statut d’autonomie de cette province vis à vis du Danemark et qui, de facto, l’exclut de l’Union européenne. Donc des traités. Ça tombe bien. Si les baleines sont protégées par la Convention de Berne, l’archipel indépendant n’est pas signataire. Résultat, chaque année, c’est une chasse aux cétacés en open bar.

Mais cette fois, c’est une boucherie, un vrai massacre. Entre la tempête et cette cérémonie ancestrale, la plage est un cimetière à ciel ouvert. « Une odeur de sang et de mort a investi les lieux ». Les deux écologistes, rescapés du naufrage du Sea Shepherd, tombent sur cette orgie de cadavres et l’un d’eux arrive à filmer la scène en douce avec son téléphone. La journaliste Eirika Novak qui les accompagne est menacée par les pêcheurs locaux. Il y a d’autres morts, et non des moindres. Au milieu de cette barbaque sanguinolente, le chef du « grind », en personne. Le capitaine de police, Soren Barentsen peut dire adieu à ses rêves de tranquillité. Soudain l’air marin se raréfie sur cette île balayée par les vents. Les hommes renouent avec la sauvagerie. Ce n’est pas pour ça que Barentsen avait signé. Mais il est trop tard.

« Grindadráp » de Caryl Férey, Éditions Gallimard Série Noire, 384 pages, 20 euros.

 

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