« L’Ange déchu » de Marty Holland : la serveuse, le menteur et l’innocente

C’est une époque où le mouvement MeToo aurait déclenché des rires gras. Une hérésie, aurait-on même pensé. D’ailleurs, si d’aventure une femme voulait écrire un roman noir, elle avait l’intelligence de signer sous pseudo et en utilisant un nom masculin. Ce fut exactement le cas de Marty Holland qui en réalité s’appelait Mary Hauenstein.

Rien n’est banal dans la vie de cette dame. Son succès et sa chute sont dignes d’un vrai roman. Une enfance californienne après une naissance en 1910 ou en 1913 dans l’Ohio, et la demoiselle rejoint Hollywood, grand pourvoyeur de boulots dans ces années-là, comme secrétaire-dactylo à la Paramount. Très vite, elle se lasse des mauvais scénarios, prend la plume elle-même et se met à écrire des pulps, le genre à la mode. Fin 1944, pas frileuse du tout, elle vend les droits de son premier roman, Fallen Angel, à la Twentieth-Century Fox et décroche la timbale. Du jamais vu. 40,000 dollars, soit l’équivalent de 600 000 euros aujourd’hui. Deux géants du cinéma s’en emparent. Otto Preminger en 1945 puis Robert Siodmack cinq ans plus tard, dans une nouvelle adaptation. La chance appartient aux innocents, dit-on.

L’histoire de son roman est simple et s’inscrit bien dans l’air du temp de cet Hollywood des gangsters. Eric Stanton, une fripouille pas antipathique mais au regard fuyant débarque à Walton, une bourgade au milieu de nulle part, sur la côte californienne. Évidemment, il est fauché comme les blés. Stella Flint, la serveuse du café du coin est d’une beauté vénéneuse. Traduisez, je vaux mieux que ce trou à rat. Ils matchent d’emblée et Stella lui rapporte que dans ce bled il y a quand-même deux sœurs dont le pactole s’élève à dix mille dollars chacune. Le plan se dessine très vite. Séduire Emmie, l’une des deux frangines, voire l’épouser, la plumer puis se barrer avec Stella.

Problème. Stella est retrouvée morte, assassinée. Un flic débarque de New-York. On dit que c’est l’as des as. Ce fin limier de Mark Judd a même eu droit à un reportage entier dans True Detective, le magazine policier. Il a des méthodes peu orthodoxes mais grandement appréciées. On a donc le mauvais joli garçon, la belle fille du coin, le flic obstiné, la poulette innocente, en bref, le Bien contre le Mal. Dans leur ouvrage, Les femmes de la Série Noire, Natacha Levet et Benoît Tadié n’hésitent pas à « rapprocher le talent de Holland à celui de Simenon. On est chez les petites gens, dans un trou paumé et dans l’envers du décor de l’histoire ». Une chose est certaine, à force de lire de mauvais manuscrits, Marty Holland a su éviter tous les pièges du nanar pour sortir un pur roman noir.

L’Ange déchu de Marty Holland, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par France-Marie Watkins, révisée par Manon Malais, Éditions Gallimard Série Noire, 245 pages, 14 euros.

Les femmes de la Série Noire par Natacha Levet et Benoît Tadié, Éditions Gallimard Série Noire, 175 pages, 19 euros.

 

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