« Les Braises de l’incendie » d’Éric Decouty : le juge et l’avocate en quête de vérité

Faire ce qui est juste. Le juge Gaspard Krause a passé sa vie professionnelle à essayer de s’y tenir. Au point de se brûler les ailes. Désormais, on le laisse végéter dans un coin. Mais un nouveau dossier va le remettre dans la course. Est-ce une bonne chose ? Sa femme malade le met en garde :  » Tu ne vas pas faire de connerie, cette fois ? » Que veut-elle dire ?

Un drame, une tragédie. Vingt-huit victimes innocentes meurent dans l’incendie d’un hôtel insalubre dans le 9ème arrondissement de Paris. Voilà son prochain défi. Oui mais. Ce sont des immigrés africains et le bâtiment était pourri. Le dossier sent les embrouilles, la patate chaude qu’ on se refile. Si Gaspard Krause en a hérité, c’est qu’il n’y a pas d’autre raisons. La visite du procureur adjoint dans son bureau ne dit pas autre chose et sonne comme un avertissement. Que se cache-t-il derrière cette soudaine sollicitude ?

Travailler, creuser, enquêter, trouver les coupables malgré le message subliminal des huiles au-dessus de lui qui dit bien, surtout ne pas faire de zèle. Mais une jeune femme, Nathalie Ségurel, avocate pénaliste du barreau de Bobigny,  a recueilli le témoignage de Maboussou, une fillette qui a perdu sa maman dans ce drame et qui affirme avoir vu son frère, Tano Diomandé, cette nuit-là, les suppliant de quitter le lieu au plus vite. Krause s’agace, « ce n’est pas un bureau de l’aide sociale », mais accepte de lire le témoignage. Qui pique sa curiosité. Lui qui a passé sa vie à faire un pas de côté n’est pas insensible à l’approche peu conventionnelle de cette jeune avocate. Il se lance. Le plus important, désormais, est de mettre la main sur cet adolescent ivoirien de 16 ans.

Qui n’a pas l’air d’avoir envie d’être retrouvé. A-t-il quelque chose à se reprocher ? Est-il de mèche avec le marchand de sommeil ? De fil en aiguille, le tandem découvre « un système bien huilé de corruption des services de contrôle afin de pouvoir entasser des migrants au mépris des consignes de sécurité ». Il n’y a pas une personne responsable mais toute une chaîne d’intervenants. Tano lui-même a un profil problématique. Il n’a pas de papiers, il a volé de l’argent dans cet hôtel, il a fréquenté des dealers et des imams peu recommandables. Krause regarde le dossier devant lui et entrevoit la suite  : La vérité contre la promesse d’un avenir ravagé pour Tano et sa petite sœur.

Éric Decouty a tissé une intrigue politico-judiciaire et sociale à partir d’un véritable fait-divers. Cet ancien journaliste maîtrise parfaitement les rouages de la justice et surtout ses lenteurs. La bonne volonté ne suffit pas. La belle dame craque de partout : faute de temps et de moyens. Le suspens du roman est au service d’un objectif : celui de démontrer les mécanismes sans limites de la rapacité des hommes. Mais l’empathie du juge et de l’avocate n’est pas sans danger. Faut-il suivre la loi à la lettre ou laisser parler son cœur ?

Les Braises de l’incendie d’Éric Decouty, Éditions Liana Levi, 352 pages, 21 euros.

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