« Les Morsures du Silence » de Johana Gustawsson : la plus French Noir suédoise

« Ma fille est morte. La mienne aussi ». Il n’y a pas de mot en suédois pour décrire un parent veuf ou orphelin de son enfant. Il existe en sanskrit : « vilomach », qui signifie « contre nature ». La commissaire Maïa Rehn vient de donner un nom à la peine de Sophia Akerman en deuil de sa fille.

Johana Gustawsson aime les duos. Elle s’est fait connaître dans le monde du polar avec celui de sa série « Roy&Castells ». Elle revient en ce début d’année 2025 avec un autre tandem, celui d’Aleksander Storm, commissaire dans le grand nord suédois, sur la mer gelée de Stincklinge, et de Maïa Rehn personnage inspirée en partie de sa propre histoire, puisque Française mariée à un Suédois, et qui vit aussi sur l’île de Lidingö,  située face à la capitale, Stockholm. Puiser en soi reste toujours une source d’inspiration judicieuse. La plus française des écrivains de romans policiers suédois a su encore une fois tirer parti de son parcours personnel pour monter une intrigue où les différences nationales se rejoignent dès qu’il s’agit de grands thèmes universels comme la mort ou le crime.

La romancière aime aussi frapper les esprits dès les premières lignes. Une femme, Anna Hellström, se tire une balle dans la bouche devant une salle de classe ahurie. Nous sommes en juin 2023. Quatre mois plus tard, la mère de cette dame désespérée demande à Maïa d’enquêter sur ce décès tragique et spectaculaire et sur son petit-fils, Gustav, accusé de viol. En parallèle, une autre disparition violente réveille l’île congelée. Le commissaire Aleksander Storm est à la manœuvre. Daniel Brink est retrouvé mort en habits de Sainte-Lucie, le crâne fracassé. Un meurtre sur l’île de Lidingö. De quoi faire saliver la presse locale qui fouille dans ses archives. Et retrouve la trace d’une autre mort violente, celle de Jenny Dalenius, le jour de la Sainte-Lucie en 1999, vêtue d’une aube blanche et coiffée d’une couronne de bougies. Son petit ami de l’époque, Gustav Hellström, fut reconnu coupable et incarcéré. Il devait sortir il y a peu mais s’est suicidé quelques jours avant sa libération. Gustav, fils d’Anna Hellström et petit-fils de Sophie Akerman. Qu’est-ce que c’est que ce micmac ? D’autant que les décès ne s’arrêtent pas là. Quel rapport entre ces morts ?

Maïa qui est en congé sabbatique après le décès de son mari et de sa fille, reprend du service bon gré mal gré. Elle rencontre Aleksander et le couple professionnel se met en place. Doucement. La Franco-Suédoise est plutôt douée dans ce pas de danse à deux, à cheval entre les lignes, en équilibre sur une mer gelée. Elle navigue elle-même entre deux cultures. Maïa fait connaître de bons vins à Aleks. Et nous aide à comprendre les mœurs locales qui imposent aux habitants du cru à se tenir à bonne distance les uns des autres. Une gageure pour cette Méditerranéenne habituée à gesticuler et embrasser son prochain comme du bon pain. Mais le résultat est là, une écriture à double détente. « Les Morsures du Silence » est un thriller maîtrisé qui se lit au chaud, sous la couette. Parce que comme le dit un personnage du roman, il n’y a pas de mauvais temps en Suède, juste de mauvais vêtements.

« Les Morsures du Silence » de Johana Gustawsson, Éditions Calmann Lévy Noir, 387 pages, euros.

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.