« Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques » de Iain Levison : sûrement

Donner des conseils juridiques dans un bar à stripteaseuses. Fallait y penser. Retour super gagnant du romancier américain, Iain Levison, qui nous concocte une histoire de dope, de mafieux de seconde zone sur le ton qui le caractérise : faussement nonchalant, le regard perçant et généreux envers ses personnages. Une histoire de ouf qu’on imagine pourtant possible dans une Amérique où l’on tire encore sur un président, en campagne électorale.

Justin Sykes est ce qu’on appelle un avocat commis d’office. Il offre ainsi ses services à ceux qui ne peuvent se payer les big shot du barreau américain. Il tente à sa modeste manière de redresser un système judiciaire basé davantage sur le dollar que sur la justice. Et il y met du cœur. Mais quand un gus s’approche et lui propose pour mille dollars de l’heure tous les jeudis de faire partager son savoir auprès de jeunes dames dévêtues, il se dit pourquoi pas. Fallait quand même être un poil naïf pour croire que le Kitties Gentleman’s Club n’est qu’un bar à  stripteaseuses un peu miteux, situé sur Arrington Avenue. Encore plus naïf pour gober que ces créatures dénudées aient véritablement besoin de quelques conseils juridiques. D’autant que le deal est franchement curieux. Une fois la séance terminée, Justin qui habite pourtant à 15 kilomètres de là, doit aller s’enfermer au motel voisin sans parler à qui que ce soit, et repartir le lendemain à 5 heures du matin. Mais Justin est un bon gars toujours un peu à court d’argent. Alors, il accepte le deal sans oublier de laisser ses clés de voiture à Marcus Sayles pour qu’il en fasse un double. Justin hésite. Mais Marcus s’esclaffe :  » Vous croyez que j’ai envie d’une vieille Hyundai pourrie alors que je conduis une BMW M8 2023. » Marché bizarre mais marché conclu. Iain Levison aime les marginaux de l’Amérique. Il leur porte un regard quasi amoureux. On croise Misty, Liz ou encore Devon, la plus coriace des danseuses. Celle qui pose le plus de questions. Pourquoi un type comme Justin qui a fait Columbia se retrouve avocat commis d’office. Le genre de fille impossible à baratiner. Le genre de fille dont Justin pourrait bien tomber amoureux.

En attendant, il enchaîne les jeudis, remarque une femme dans la quarantaine et distinguée. Puis, c’est Phil Avellino le plombier qui fréquente aussi le strip. Lequel a photographié la plaque d’immatriculation de sa voiture. Tous des faux clients ?, s’interroge Justin. Mais c’est toujours mieux que sa routine à négocier des peines avec un procureur plus puissant que lui. Le genre à dégainer les condamnations les plus sévères. Sur un ton caustique, Iain Levison nous raconte une Amérique des riches et des pauvres dans un système judiciaire impitoyable pour ces derniers. Il suffit de regarder Donald Trump, toujours en vadrouille, alors qu’il a été reconnu coupable de 34 chefs d’inculpation à New-York, acquitté en Floride bien qu’il ait embarqué chez lui des dossiers qui n’auraient jamais dû franchir les murs de la Maison Blanche. Le cœur du romancier bat pour les laissés-pour-compte. Tableau doucement cruel d’une nation où le rêve pour tous s’est perdu quelque part, sur une bretelle d’autoroute où flics et criminels s’entretuent parfois.

« Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques » de Iain Levison, traduit de l’Anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson, Éditions Liana Levi, 240 pages, 22 euros.

 

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