« L’expérience Pentagramme » de Yves Sente : des bulles dans la tête

Un tempo ultra-rapide pour un Jason Bourne de la plume. Une intrigue qui tient carrément la route sur plus de 500 pages. Pari réussi pour ce « novice » du genre.  Yves Sente, célèbre pour être l’un des ses scénarios de BD comme Black et Mortimer, ne semble pas vouloir ronronner avec le succès et prend de nouveaux risques. De beaux personnages, une documentation sérieuse, une connaissance américaine issue de sa jeunesse, et un regard cinématographique, le « BD man » met un point final à son récit, en mode « il se pourrait bien qu’il y ait une suite ».

Une base au milieu de nulle part en Amérique. Une femme qui s’enfuit et qui se fait rattraper. Puis on bascule sur cinq personnages au profil différent mais avec un point commun : avoir servi à l’armée et avoir participé il y a 17 ans à un programme d’expérimentation, « L’Expérience Pentagramme »,  pour arrondir leurs fins de mois. Le genre de truc tellement ultra secret que d’emblée on vous fait signer une clause de confidentialité. Parce que l’expérience tourne court. Tous se plaignent de céphalées carabinées. Tous quittent l’armée, sauf un, le capitaine, pilote chasse, Damon Sheperd, brillant et malheureux, son fils étant mort d’une overdose et son ex-femme partie avec l’avocat du divorce. Ils prennent tous le même médicament pour soulager leur migraine. Un médoc donné gratuitement et à vie par les militaires. Gratuit ? Ils auraient dû se méfier.

Le Pentagone est un labyrinthe constitué d’agences qui ont le chic de ne surtout pas communiquer entre elles. On sait ce que cela a donné le 11 septembre entre la CIA et le FBI. Là, c’est un peu le même topo. Surtout quand il s’agit d’expérience, genre Docteur Folamour. La DARPA (Agence américaine dédiée aux projets de recherches avancées pour la Défense) a orchestré l’expérimentation qui visait à implanter dans le cerveau humain des dispositifs capables d’augmenter les capacités cognitives mais aussi potentiellement de prendre le contrôle de la personne à distance. Ce qui explique que les cinq ex-cobayes qui ne se connaissent pas décident tous, à peu près au même moment, de tout plaquer et de répondre à la voix qui leur intime de se rendre à Waterloo, en Belgique. Sans comprendre le pourquoi du comment. Dans cette aventure d’apprentis sorciers, l’armée a travaillé main dans la main avec une crapule qui n’est pas sans rappeler la famille Sackler aux États-Unis, largement responsable de la crise des opioïdes uniquement par appât du gain. Un certain Charles Fessenheimer, un allumé à la Elon Musk, est à la tête de ce Big Pharma. La gars a des rêves de grandeur, de contrôle du monde et de ses habitants. Il possède les scientifiques et l’armée, les cobayes. Une affaire qui aurait dû rouler mais qui a dérapé, et désormais tous sont dans le damage control.

Parce qu’un système automatisé de la DARPA prévient « quand un volontaire d’une ancienne expérimentation médicale sur la gestion des traumatismes de guerre disparaît ». Et c’est exactement ce qui se passe avec le pilote de chasse. L’enquête militaire interne est menée par la commandante Waya W. Wings. Qui va de découverte en découverte, débusque la taupe auprès du général et alerte que ce n’est pas un mais cinq disparus. Elle se lance à leur poursuite. Sa mission : les déprogrammer. Yves Sente signe un thriller pulsé où la science est détournée à des fins mercantiles. Où la maîtrise du cerveau humain est la tentation ultime du contrôle absolu.

« L’expérience Pentagramme » de Yves Sente, Éditions Verso/Seuil, 480 pages, 21.90 euros

 

 

 

 

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