« TEAHUPO’O, le Souffle de la Vague » d’Ingrid Astier ou le line-up de la mort

On se souvient tous de Point Break, le film de Kathryn Bigelow avec Patrick Swayze et Keanu Reeves, le blond et le brun. Ces surfeurs incandescents et sexy, les corps offerts à la vague, en quête d’absolu et de liberté ultime. Ingrid Astier s’est emparée de ce mythe de la glisse avec une fougue d’initiée. À quelques semaines de la compétition olympique de la discipline, les éditions Au Vent des Îles ont eu la bonne idée de republier son roman paru, en 2019 chez Equinoxe. De quoi nous faire rêver avant les épreuves à venir.

« TEAHUPO’O, Le Souffle de la vague » se déroule à Tahiti. C’est là que se trouve la plus belle vague du monde. Elle est le mirage du « Bout de la route. Le rêve de tout waterman digne de ce nom ». S’y confronter revient à être la vague, à accepter de ne pas savoir où sont le haut et le bas, la montagne et le large. S’y confronter impose de posséder « l’esprit étincelle du samouraï ». C’est la Mecque des plus grands riders. Le Prince local s’appelle Hiro. Un homme débarque. Taj, le mec avec de l’ambition, de la technique, du courage et du style. « Les quatre données réunies qui seules impressionnaient ici. » Mais Hiro le devine immédiatement. Ce sera le début des ennuis parce que cet homme réveille en lui « le peuple des ombres ». Sa sœur Moea est enfin rentrée au pays. Un exil de sept ans, et un fils, Tuhiti, qu’elle lui a laissé et qu’il a élevé comme le sien. Sept longues années pour lui transmettre des valeurs, les siennes. Mais l’époque a changé. Une redoutable drogue a remplacé le bon vieux gros pétard. Elle fait des ravages au sein de la jeunesse locale. On l’appelle ice.

Taj représente ces forces noires qui ont pris possession d’un territoire saturé de parfums capiteux et enveloppé d’une moiteur lourde et collante. Il a aimé une femme par le passé, une femme qui vient de rentrer chez elle. Se croiseront-ils ? Hiro est aussi lumineux que Taj est sombre. Il fut un gosse de riche, de parents divorcés, sa vague à lui vient de Maui à Hawaï. « La plupart des grands surfeurs ont deux voies : la maîtrise totale de leur corps jusqu’à l’obsession ou la consumation. Taj faisait partie de la seconde catégorie. » Il canalise sa rage dans l’excès, la drogue bien sûr mais aussi en se noyant dans un corridor d’eau déchaînée, dans une cathédrale supposée imprenable. Il ne cherche pas la paix comme Hiro mais la dissolution de sa propre souffrance dans quelque chose de plus grand.

Roman Noir par excellence dont on devine une fin tragique, « TEAHUPO’O» est dominé par la plume incendiaire d’une Ingrid Astier en osmose avec son sujet. On l’imagine au bord de l’eau, les yeux rivés sur un Pacifique bouillonnant où des hommes au physique d’Apollon se mesurent à l’extrême limite, à celle qui ressemble à la fuite ultime. En se prenant pour des demi – dieux. Les premières lignes de ce superbe roman prennent forme. Le tube les attend.

« TEAHUPO’O, Le souffle de la vague, d’Ingrid Astier, Éditions Au Vent des Îles, 356 pages, 21 euros.

 

 

 

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