« Les Mouettes » de Thomas Cantaloube : des agents très spéciaux

Les amateurs du genre ont sûrement tous regardé le mythique Bureau des Légendes et les aventures de Malotru. On pouvait donc se dire mais quelle mouche a piqué le romancier Thomas Cantaloube avec cet ouvrage qui sent très fort le pur produit marketé. En réalité, le résultat d’une opération pas banale lancée par les éditions Fleuve Noir. Une fois n’est pas coutume, un roman sera conçu d’après une production télévisuelle. Exercice un peu casse-gueule dont se sort l’écrivain avec un certain brio. On dévore « Les Mouettes » comme une bonne petite série télé.

Le romanesque. Le capitaine Yannick Cordan qui ne se remet toujours pas de la mort de sa femme Clarisse et carbure aux antidépresseurs ( sans le dire à sa hiérarchie ), ne vit pas très bien d’avoir été relégué au rôle de simple formateur de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité extérieure). Lui, le mec de terrain. Autant une offense personnelle qu’un véritable gâchis pour cet habitué des situations les plus compliquées qui puissent exister. Seulement voilà, un de leur jeune élément prometteur est coincé avec les lascars du GSIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans) au milieu de nulle part, dans le désert sahélien. Il s’appelle Alassane Cissoko et sa Légende est Canaque. Cela fait six mois qu’il a infiltré la mouvance djihadiste. Mais quelque chose de big se prépare. Peut-être même un attentat. Auquel cas, les Services ne peuvent se permettre d’être impliqués. Pas bon pour l’image. La question se pose : faut-il l’exfiltrer ou pas ? Le cas de Canaque touche particulièrement le général Marcel Gaingouin désormais directeur du Service Action (SA) de la Boîte et dont les membres sont désignés par le fameux surnom les “Mouettes”. Il avait repéré et recruté le gamin.

Une partie du casting de la célèbre série comme Marie-Jeanne Duthilleul ou encore Jonas Maury est ainsi réutilisée par le romancier. Outre Yannick Corsan ou encore Icare, il y a aussi Stéphane Maranger surnommé Ajax, Fred Bréganton, Jason et Gaspard Caronia alias Actéon. Une des règles en vigueur au sein du SA est l’anonymat d’où les surnoms. L’allure des gaillards est très loin des clichés du gars surdimensionné aperçu dans les séries américaines. C’est le physique passe-partout de Malotru qui domine. « Entre eux, ils s’appelaient même parfois les chats maigres ». L’objectif principal étant de passer inaperçu tout le temps, ne pas se faire remarquer, règle de base. Petit tour de chauffe pour les quatre agents avec une mission avortée en Albanie et une autre plus musclée en Serbie où il est question de livraison d’armes. Icare est toujours chargé d’évaluer le ratio péril/engagement. Le « b.a-ba » des missions est immuable : on ne la joue jamais solo parce que pas question de mettre en danger le groupe. Mais Icare n’est pas du genre à obéir au doigt et à l’œil. On a toujours besoin de héros. Même anonymes.

La géopolitique est l’autre grand acteur du roman de Thomas Cantaloube. En l’occurrence, la présence française au Sahel. On apprend ainsi qu’il y a deux versions. L’officielle : celle qui affirme que les soldats français ont été appelés en 2013 par le président malien afin de stopper les djihadistes qui ont pris le contrôle du nord du pays puis foncé vers Bamako, la capitale. L’officieuse : qui est d’endiguer la menace conjuguée des terroristes islamistes et des séparatistes Touaregs galvanisés par l’effondrement de la Libye. Nom des opérations successives : Serval, Épervier, Barkhane. Avant un repli contraint au Niger en 2022, une reprise en main par les Russes sous la houlette du groupe de mercenaires Wagner, et le départ définitif de la France sous Emmanuel Macron. Thomas Cantaloube est méticuleux et précis. Il donne autant d’éléments fictionnels que d’informations réelles sur le fonctionnement des Services. Il passe au tamis les faits historiques et ceux qu’il crée de toute pièce. Un savant mélange nerveux et viril de ce qu’il faut dans un univers d’ordinaire fermé au public. Mais grâce à lui, on regarde par le petit trou de la serrure et on prend la mesure de ces héros anonymes qui se sacrifient pour la France. Sans pathos, avec une raideur quasi militaire et une abnégation exemplaire. La fin appelle une suite. Déjà en cours d’écriture. Évidemment.

« Les Mouettes » de Thomas Cantaloube, Éditions Fleuve Noir, 334 pages, 20.90 euros.

 

 

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