Un polar SF, signé Norman Jangot. “L’Œuvre du Serpent” nous propulse dans le monde des Pythons, des Chasseurs de L’Omphalos, des Synchs et du chaos. Passé le moment où l’on a l’impression d’être noyé dans un vocable un peu barbare, le roman du journaliste, scénariste, vous harponne comme dans une bonne partie de pêche en haute mer. Un monde où le crime a drastiquement baissé. Jusqu’à ce qu’un serial killer ne vienne faire dérailler ce nouvel univers.
Nathaniel Loppe est le Grand Chasseur de Paris. Il possède le don. Celui de résoudre les mystères. Il est le meilleur dans sa catégorie. Jusqu’au jour où il reçoit un liquide frais, glacé au début puis brûlant. « Un feu divin, ses yeux devinrent deux flammes incandescentes de douleur. Corrosion interne irrémédiable. » On le retrouve cinq ans plus tard, An 28 du calendrier de L’Onde. Ce choc qui frappa la planète tout entière parce que l’Homme avait foré à plus de trente kilomètres sous terre. Sans se soucier de rien. Paris est en ruine, les gens vivent dans les tunnels. « Une vague de crimes submergea le monde, et en particulier les grandes métropoles. » On découvrit deux choses : le don et les coïncidences (Synchs).
C’est Milo qui vient le chercher. Milo Nirbelstein est aussi un Chasseur. Mais il n’a jamais eu la magic touch de Nathaniel. Il travaille désormais au commissariat du Montparnasse, au septième, l’étage des Chasseurs. Ces derniers ont été relégués, ont perdu de leur superbe. Mais il y a une nouvelle disparition. Puis une autre. Un gars riche. Il y en a encore dans ce nouveau monde. On les appelle les Rikkis. Ceux qui sont encore respectés alors qu’il est devenu impopulaire de posséder une trop grosse fortune. On demande à Milo de réactiver son feeling de Chasseur. Il sait qu’il ne peut plus. Nathaniel, lui, si.
Mais le bonhomme est passé sous le radar depuis longtemps. Il le retrouve dans une banlieue parisienne devenue dépotoir comme toutes les banlieues désormais. Aveugle. Narquois. « OK, vous avez affaire à un Python serial killer. Il fallait que cela arrive un jour. Vous êtes dans la merde, change de job, trouve-toi une femme… » Milo doit mentir. Il existe une drogue qui permet d’utiliser le don pour voir à l’intérieur de soi. Elle n’est pas commercialisée mais il y a un stock au commissariat. Nathaniel ne peut résister. Il veut mettre la main sur le salopard qui l’a rendu aveugle. Il ne connaît pas son visage mais sa voix, elle, est gravée en lui à jamais.
Le projet HePyGet, Heriditary Python Gene Transmission, un truc de ouf. L’objectif : trouver le moyen de transmettre le don des Pythons, afin d’avoir des Chasseurs à perpétuité. Une idée de malade initié par quatre hommes riches qui sont pourtant enlevés puis tués les uns après les autres. Sauf un. Michaël Octava, artiste, star de la mode. Il y a aussi un homme qui se faisait appeler Le Tisseur et qui organisait des jeux pour les Rikkis. Comment tout ce merdier s’emboîte-t-il ? Quel est ce jeu où l’art occupe une telle place que des femmes et des hommes se damnent pour y participer. Et surtout pour l’emporter. On retrouve les thèmes de la surconsommation, du capitalisme débridé maté, on boit dans les Conduits, ces bars clandestins d’un nouveau genre. Les hommes se décarcassent pour éradiquer le crime. En vain. De nouvelles spiritualités explosent. Reste une constance. Peu importe les idées, elles seront toujours interprétées et orchestrées par l’homme. De quoi désespérer. « L’Œuvre du Serpent » est un roman de SF en mode polar. Vénéneux, tordu et addictif.
« L’Œuvre du Serpent » de Norman Jangot, Éditions Héloïse d’Ormesson, 496 pages, 22 euros.