« Les Lendemains qui chantent » de Arnaldur Indridason : tout a déjà été dit et fait. Mais personne n’écoute

Tout ce qui touche de près ou de loin à la Russie intéresse désormais. Arnaldur Indridason en sait quelque chose, lui l’Islandais dont le pays a eu affaire au voisin encombrant par le passé. « Les Lendemains qui chantent » avec l’emblématique inspecteur Konrad, lève le voile sur une période que peu parmi nous connaissent. L’époque où l’espionnage soviétique avait pris ses aises dans les étendues glacées islandaises et dragué des militants socialistes locaux séduits par la Révolution rouge.

Une Lada d’occasion. Qu’un couple islandais essaie de fourguer à des marins soviétiques. Premier chapitre, année 70. On leur a affirmé que les matelots de ces navires en transit raffolaient de la marque, trop contents de récupérer les pièces détachées et de jeter la carcasse du véhicule en haute mer. Mais ce jour-là, les Russes n’ont pas l’air d’être ravis. La femme et l’homme lâchent l’affaire et se disent que le véhicule sera aussi bien à la casse.

Arnaldur Indridason aime bien nous laisser mijoter. Et ça va durer un certain temps parce que la suite n’est guère plus lisible. Un homme meurt dans une chambre d’hôtel en Autriche. On n’a pas de nom, seulement qu’il était haut fonctionnaire, célibataire et qu’il a bu un verre avec une femme, une veuve de dix ans de moins que lui. Avant de mourir, il s’est demandé pourquoi Pétur Jonsson le teinturier avait abandonné sa voiture avant de disparaître sans dire un mot à son fils. Impensable, selon lui. On continue. On fait un bond en avant dans le temps. Un corps a été retrouvé sur la colline d’Oskjuhlid près de Reykjavik. Il s’agit de Skafti Timoteus Hallgrimsson dont on pensait qu’il avait été assassiné dans la capitale islandaise dans les années 70. Ah enfin, un petit fil que le romancier nous lâche comme un os à ronger. À l’époque, un homme a été condamné. Quelqu’un dans la police a gravement merdé. Le meilleur pote de Konrad était sur le coup. Un certain Leo, désormais aux abonnés absents.

Il n’en faut pas plus à Konrad pour trouver tout çà bizarre et vouloir enquêter. Au grand dam de son ancienne collègue, Marta, qui aimerait bien qu’il reste à sa place, à la retraite. Elle lui glisse quand même qu’il existe un lien quelque part. On va alors découvrir un Konrad pas très reluisant. L’auteur n’est pas tendre avec sa création. Pas vraiment ripoux le Konrad mais pas non plus blanc, blanc avant qu’il arrête ses bêtises, laissant son acolyte Leo poursuivre ses magouilles. À croire que l’un avait une conscience et l’autre pas.

Mais laissons les problèmes de morale de côté et revenons au volet soviétique. La guerre froide bat son plein. Les Américains ont installé une base en terre islandaise. Reykjavik grouille d’espions. CIA, KGB et d’autres, tout ce petit monde se croise, s’épie et parfois disparaît. Certains se piquent d’observer les oiseaux. Quel point de vue magnifique avec les bateaux au loin dans le port de la ville. Ces chalutiers qui croisent dans les eaux islandaises et qui font bien autre chose que de pêcher. La presse de l’époque rapporte les récits des marins islandais qui décrivent ces drôles de manœuvres. « Mais on était bien sûr une petite nation qui faisait comme toujours figure de quantité négligeable confrontée à un contexte qui nous dépassait ». Konrad essaie de relier tous les points de l’équation. On en veut à sa vie. Il s’obstine à retrouver Leo, son ancien collègue et ami. Jusqu’où est-il allé à l’époque ? À quel point s’est-il compromis ? Konrad craint le pire. Il n’a pas tort parce que lui-même revient de loin. Arnaldur Indridason  s’est penché sur le passé pour comprendre ce qui se trame aujourd’hui. La neige est tombée. Et Donald Trump a donné le clés du coffre à Vladimir Poutine.

« Les Lendemains qui chantent » de Arnaldur Indridason, traduit de l’islandais par Éric Boury, Éditions Métailié Noir, 336 pages, 22,50 euros. 

 

 

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