Le Service Action à la poursuite du « Chevalier de Jérusalem », par Victor K

Des hommes ordinaires. Pas si sûr. En cette soirée d’avril 2024, un écrivain au passé atypique célèbre discrètement le lancement de son dernier roman, au Tandem, un charmant restaurant tenu par une maman et ses deux fils. Victor K, alias Vincent Crouzet, accueille un à un, amis et connaissances. Il y a un général, et quelques autres invités au profil classé secret défense. Le romancier, qui est aussi un amateur éclairé de bons vins, travaille sur une matière peu banale : le secret et les hommes pas si ordinaires qui les gardent envers et contre tout.

Actu oblige, le narrateur a construit son intrigue autour du drame du 7 octobre, en Israël. Plus d’un millier de morts et plus d’une centaine de personnes encore retenues en otage par le Hamas, quelque part dans la bande de Gaza. Ce qui explique sans doute le ton peut-être moins romanesque et plus technique, voire pédagogique du cinquième opus du Service Action et de sa bande. La galerie des personnages mise en scène est impressionnante. Que ce soient les gentils ou les méchants. Rencontrer le Guide suprême iranien, Ali Kamanei, surtout quand on est une femme, une Occidentale de surcroît. Carrément inédit, pour ne pas dire impossible. Se retrouver à tirer sur le chef du Hamas à Gaza en tant qu’agente française, alors que les services israéliens en ont sûrement fait une profession de foi, c’est le nec plus ultra. L’univers de Victor K reste ultra viril où les femmes sont belles, fortes et implacables. On vit dans la clandestinité, on tue et on meurt pour la nation. Sans faire-part aucun.

Jupiter qui a pris goût à cette petite arme invisible, choisit lui-même ses hommes d’action. Ou des femmes, devrait-on dire. Ainsi, décide-t-il d’accorder encore une fois sa confiance à la colonelle Coralie Desnoyers, alias « Athéna », pourtant quelque peu démonétisée après une démission et un engagement chez les Ukrainiens pour combattre dans le Donbass. La revoilà en selle pour tenter de ramener la paix. Vaste programme qui la conduit sur les traces du Chevalier de Jérusalem, du protecteur du Tombeau du Christ. Rien que ça. Le seul qui pourrait influer sur le merdier dans lequel est plongée la région. Du moins, c’est ce que Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinienne, murmure à l’oreille de Jupiter. Mais qui est ce chevalier, interroge, incrédule, le président français. Pour le savoir, direction le Vatican puis le Caire, en Égypte. Suffit de parler aux bonnes personnes. Et voilà ce que l’on apprend.

Le Chevalier de Jérusalem était, Nabuchodonosor Merodach Baladan, héritier de la civilisation de Babylone. Ça c’est pour la lignée mais quid d’aujourd’hui ? Il reste Nabucho, vingt-deuxième chevalier de Jérusalem. Lui possède un CV de notre époque. Banquier d’affaires gérant l’argent de toutes les crapules planétaires. L’homme travaille seul, vit dans la clandestinité. C’est un « invisible ». Qui pèse plus de 1000 milliards de dollars à lui tout seul. «  J’ai financé tout le monde. J’ai équilibré les camps, et l’équilibre, c’est la paix. » Un peu mégalo, le bonhomme. Et sans pitié. L’agent français Cyrus va l’apprendre à ses dépens. Ce serait presque une marque de fabrique de l’auteur. Mettre en scène des agents surentraînés, quasi hors normes, et qui se font quand même piégés. Pas de James Bond invincible, mais de la chair, du sang et des larmes.

Ce sera donc une chasse à l’homme à l’échelle mondiale. Avec deux gros gibiers. Nabucho et Yayha Ibrahim Hassan Sinour, alias Abu Brahim, alias le Boucher de Khan Younes, la Tête du Serpent, le chef du Hamas de Gaza, le grand ordonnateur des massacres du 7 octobre. Ce dernier est la cible exclusive des Israéliens qui lui a mis sur le dos, les kidonims. Leur spécialité : dessouder les « high profile ». Top du top, K2, le tueur absolu d’Israël qui est une femme d’origine éthiopienne. La dame est sans pitié. S’il faut tuer les Français au passage, ainsi soit-il. Une des nombreuses leçons à retenir de ce roman d’espionnage est simple : tous les coups sont permis. Que ce soit contre l’ennemi mais aussi entre agences de renseignements. Et la fin justifie toujours les moyens. Quant à Nabucho, tout le monde veut lui mettre la main dessus. Certains pensent comme Jupiter qu’il serait le rempart à un embrasement régional, d’autres parce qu’il détient les cordons de leur bourse à tous, ces affreux, sans distinction. Du cartel mexicain au Vatican, ils ont compris que le 7 octobre marque un tournant, que plus rien ne sera comme avant. Que son heure est bientôt arrivée. Et ce qu’ils veulent, c’est leur retour sur investissement. Le Hamas et les otages, ils s’en foutent.

Justement Follow the Money, disent toujours les Américains. On devrait les écouter plus souvent. Au fond, les grandes causes de l’humanité n’ont jamais vraiment intéressé les hommes. Ce qu’ils veulent, c’est du fric pour assouvir leurs rêves de grandeur et de pouvoir absolu. Voilà pourquoi le Service Action est obligé de dealer avec Nabucho qui lui-même deale avec Le Boucher qui détient les otages israéliens et Angélique, « L’Ange », un autre asset du Service Action. Elle connaît les règles de survie. « Cloisonner le travail cérébral en plusieurs chambres. L’utile, l’espoir, et celle des songes. » Elle sera récompensée. On ne vous dit pas comment, mais c’est le rêve de tout agent. Cherchez la femme. Une autre maxime. Souvent le talon d’Achille. Même pour les crapules. Nabucho paie pour son plaisir. Il ne s’est jamais remis d’un amour de jeunesse. Un moyen de pression ? Rebondissements en cascade, retournements, trahisons, Victor K carbure à l’adrénaline de ses héros anonymes à qui il a donné un nom pour les besoins de la fiction. Mais ne vous y trompez pas, c’est bel et bien un hommage qu’il rend, livre après livre, à ces femmes et ces hommes qui meurent en silence pour la sécurité de la France. Et la nôtre.

« Service Action, Le Chevalier de Jérusalem », de Vincent Crouzet, Éditions Robert Laffont, 321 pages, 21,90 Euros.

 

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