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« L’Incident d’Helsinki », de Anna Pitoniak : la fille du père espion

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Original. Et pas qu’un peu. L’Incident d’Helsinki de Anna Pitoniak est un thriller d’espionnage écrit par une femme. Le héros est une héroïne. Et le père pourrait bien être une taupe. Tout est inhabituel dans ce récit. La raison pour laquelle il faut s’y intéresser de près.

Une lignée d’espions. Charles Cole fut un agent de la CIA et des années plus tard, après quelques errements personnels, Amanda Cole prend la relève. Deux temporalités sur lesquelles la romancière Anna Pitoniak dont c’est le quatrième roman, va surfer tout du long. Sans pour autant nous perdre, comme cela arrive parfois.

Pour l’heure, la demoiselle s’ennuie sévèrement dans sa nouvelle affectation à l’ambassade américaine de Rome, en Italie. Lorsqu’un Russe se présente à la porte demandant l’asile politique, Amanda Cole trouve là un bon moyen d’égayer sa vie sans relief. Le demandeur d’asile affirme que le sénateur américain Bob Fogel va être tué lors de son déplacement au Caire. Amanda le reçoit et l’écoute. Ce monsieur Konstantin Semonov est traducteur au GRU (Service de renseignements militaires de la Fédération de Russie). Il s’occupe de la fabrication de passeports et de visas. Il surprend des conversations qui valent de l’or. Le chef d’Amanda estime que l’ennui lui est monté au cerveau et qu’elle délire. La jeune femme s’est déjà trompée par le passé et elle sait parfaitement que recruter des agents extérieurs n’a rien à voir avec les films. « Un Russe débarque un jour pour les informer des menaces qui pèsent sur un politicien américain ? Non, ça n’arrivait jamais ». Et pourtant.

Son père, Charles Cole, a 72 ans. Il est à un an de la retraite de la Central Intelligence Agency (CIA) où il travaille comme bureaucrate. Dans sa jeunesse, il a été en poste à Helsinki avec sa jeune épouse. Il était un agent prometteur. On est après 1945, la capitale finlandaise grouille d’espions. L’un de leur sport favori consiste à retourner et recruter chez l’adversaire. Charles délaisse sa femme et sa fille. Une main posée sur son chariot au supermarché a suffi. Une autre femme est entrée dans sa vie. C’est d’une banalité affligeante. On les prévient pourtant ces agents sur le terrain. Le coup de la maîtresse, un grand classique. Mais la chair est faible. Évidemment que Charlie tombe dans le panneau. Il tente alors de réparer. En vain. Il est quasiment exfiltré du pays, retour au bercail américain. Il n’est pas viré. C’est pire.

Son passé va percuter le présent. Ou plutôt celui de sa fille. Pourquoi le nom du père a-t-il été prononcé par le sénateur Vogel. Aidée dans son entreprise par la chef de division, une vieille routière de la Firme de 73 ans, chaussée de bottes de cowboy, Kath Frost, Amanda qui gère Simonov, comprend que cette histoire possède un volet personnel explosif. Est-elle prête à aller jusqu’au bout, quitte à découvrir de terribles secrets au sujet de son père. Anna Pitoniak lâche les explications au compte-goutte et se montre assez fine pour construire une intrigue psychologique entre père et fille sans pathos. Une relation filiale mise à mal, une quête de pardon et de rédemption tardive, le roman aborde la notion de trahison. Quand sa fille lui demande pourquoi, Charlie est désarmant de sincérité poisseuse. Il répond : « Je ne sais pas. On pourrait penser que trente ans, c’est suffisant pour trouver la réponse, mais je n’ai jamais réussi ». Il prépare des gaufres à sa famille qui s’apprête à le trahir, elle aussi, mais par devoir envers la nation. « Si c’est mon dernier repas d’homme libre, autant terminer en beauté ». Abasourdie, Amanda regarde son père et ne peut que répéter ad nauseum, « Je suis désolée, papa, je suis désolée », tout en vérifiant le micro dissimulé sous son chemisier.

L’Incident d’Helsinki de Anna Potoniak, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch, Éditions Gallimard/Série Noire, 427 pages, 21 euros.

 

« Baignades » de Andrée A. Michaud : en eaux troubles

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La honte. En une fraction de seconde. Et qui vous tombe dessus à cause d’une remarque assassine de vos voisins. Comment peut-on laisser une fillette de cinq ans se baigner, nue dans le lac ! Ce sera le premier de la longue liste d’accrochages qui va transformer les vacances au camping de Laurence et Max en véritable enfer sur terre.

La Canadienne Andrée A. Michaud sait y faire. Elle débroussaille la nature grandiose qui l’entoure pour en faire un territoire hostile où les hommes perdent la raison. Comme Max qui déjà contrarié par l’incident précédent, voit dans le geste d’un copain sur leur fille Charlie, la marque d’un pédophile. Et qui fou de rage, décide de partir sur le champ et en pleine nuit. La suite relève quasiment du film Délivrance. Deux copains, Simard et Vaillancourt, commettent l’irréparable sur une femme, à la suite d’une orgie de sexe qui a mal tourné. Rien ne s’arrange lorsqu’ils croisent le chemin de cette famille en fuite dans une nuit lacérée par l’orage. L’un des deux lascars tue Max tandis que l’autre l’enterre. Fin abrupte de la première partie.

La romancière aime camper des situations dont les débuts s’annoncent idylliques  et trompeurs. Au fil des années au cours desquelles elle a écrit pas moins de quatorze romans, elle s’est construite une sacrée réputation d’ensorceleuse. Chez elle, la nature est omniprésente. Doit-on s’en méfier ? Un peu. Mais l’homme a toujours sa part de responsabilité. Lui qui s’y aventure dominateur et conquérant. La Québécoise est souvent à la limite du thriller estampillé horreur. Tout juste avons-nous repris notre souffle que la romancière récidive dans la deuxième partie de son récit. Nous sommes quatre ans après cette nuit dantesque au milieu de nulle part. On ne sait pas encore ce que sont devenus les protagonistes. On est toujours autour d’un lac. Les parents attendent leurs enfants pour leur réunion annuelle. On apprend ainsi que Laurence et sa fille ont survécu. Madeleine, la maman, ressent pourtant comme une pointe d’inquiétude. Leur fille a annoncé qu’elle venait avec son nouvel ami. N’est-ce pas un peu tôt ? Madeleine aimait tant Max.

Elle ne croit pas si bien dire. Andrée A. Michaud passée maître dans le suspens angoissant, procède de la même façon. Elle asphyxie le lecteur en multipliant les signes du malheur, ceux qui vont s’abattre sur une famille déjà bousculée. Et tout le monde va s’y mettre gentiment. La maman et les frères. Pas de pitié pour l’ennemi. Lequel ? Le nouveau petit copain. On n’en dira pas plus. Pour les amateurs de frissons en situation ordinaire, il faut lire Baignades avec son lot d’expressions canadiennes savoureuses. Mais plus jamais on ira camper ou faire trempette dans un lac, avec insouciance.

Baignades de Andrée A.Michaud, Éditions Rivages Noir, 300 pages, 21 euros.

 

« La Station » de Jakub Szamalek : huis clos intersidéral

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Et dire que Thomas Pesquet a fait chavirer des millions de gens. Avec ses posts sur Instagram, la terre vue de l’espace, un rêve éveillé. À la lecture du dernier roman de Jakub Szamalek, La Station, on nagerait plutôt en plein cauchemar. Enfermés dans une capsule métallique, des astronautes américains et russes vont s’affronter comme de sempiternels ennemis à cause d’une histoire de fuite d’ammoniaque.

Décidément l’auteur polonais est un gars à suivre. Avec La Station, Jakub Szamalek nous entraîne dans un univers qu’il a l’air de maîtriser aussi bien que les lignes de codes informatiques de ses romans précédents. Mais là, il prend de la hauteur, on a l’univers à portée de main. De passage à Paris pour la promotion de son roman, l’écrivain polonais, à la chevelure portée grise et blanche portée en catogan, se plie au jeu des questions réponses avec beaucoup de patience et de sympathie. La patronne de la librairie polonaise qui fête ses cent ans d’existence sur le boulevard Saint-Germain à Paris, accueille l’auteur avec un brin de stupéfaction. « Nous n’avons jamais reçu autant de bloggeurs et d’influenceurs dans nos murs ». Quelqu’un ajoute malicieusement. « Et de journalistes »… En réalité la présence des reines et rois du clic n’est pas dénuée de sens, l’auteur étant très porté sur les nouvelles technologies et les algorithmes des géants de la tech. Intérêt qu’il a développé dans sa Trilogie du Dark Net, entamée en 2019 et terminée l’année dernière. Tous publiés chez Métailié.

La commandante Lucy Poplaski est à la tête de la mission internationale USA/Russie qui va aller faire un petit tour dans l’espace, illustrant au passage ce beau chapitre d’amitié entre les deux grandes puissances. « La Station spatiale internationale était le fruit de l’optimisme des années 90. Libérés de la logique de la guerre froide et n’ayant plus besoin de faire la course aux étoiles, Russes et Américains avaient uni leurs forces pour le bien de l’humanité…ils avaient construit un laboratoire volant autour de la Terre pour la modique somme de cent vingt milliards de dollars ». Mais c’était il y a vingt ans. Depuis, les milliardaires type Elon Musk ont pris d’assaut l’espace. Ils se paient leurs traversées spatiales. Ils n’ont pas de problème de trésorerie. Ce qui n’est plus le cas des Russes qui sont désormais largués, face à une Chine plus que émergente dans ce domaine. Retour aux mauvaises pensées.

D’autant que rien ne tourne rond dans la capsule. Une fuite d’ammoniaque a été détectée. La confiance entre les deux nations n’étant plus au beau fixe, la suspicion est stratosphérique. La faute à la Russie, forcément, se disent d’emblée les Américains. Analyse inverse de l’autre côté. Le romancier semble doué pour assimiler des notions techniques très compliquées et nous les transmettre comme si c’était une évidence. La vie à l’intérieur de cette boîte peu confortable est une longue litanie de tâches répétitives et ennuyeuses. L’emploi du temps des astronautes est établi des années à l’avance par les agences. Pas de surprise, encore moins d’initiatives personnelles. Il faut juste suivre le manuel à la lettre et cocher toutes les cases requises. L’apesanteur qui fait sourire quand on la voit à l’écran, n’a plus rien de drôle lorsqu’il s’agit de se laver (lingettes) aller aux toilettes (couches), de se défendre (aller frapper quelqu’un en apesanteur) ou de tirer sur quelqu’un (la folie absolue, la mort au bout du fusil). Le moindre grain de sable est source de danger. Pourtant, cet équilibre lunaire est en passe d’exploser.

Aux côtés de Lucy Poplaski, cette commandante de choc corsetée dans une combinaison Sokol cousue sur mesure avec des dizaines de laçages, de boutons et de loquets qui empêche tout déshabillement, un scientifique, une touriste de l’espace, et le pilote, un ancien militaire pro MAGA, comme tous le découvriront plus tard, voire trop tard. Du côté russe, ils ne sont que deux, Lev et Anton, ce dernier ayant même eu une amourette avec Lucy lors d’un autre voyage. Une performance en soi, sachant que les caméras suivent les astronautes H24 dans la station. Tandis que son mari Nate Hunt cloué au sol à garder leur fille unique, Eliza, qui s’interroge chaque jour : « Mais pourquoi maman part-elle tout là-haut ». Le romancier s’est posé la même question. « Les astronautes sont admirés, enviés et célébrés mais au fond, on se demande pourquoi on les envoie dans l’espace, à quoi servent-ils, explique-t-il, platement. On sait aujourd’hui que des robots feraient très bien le travail. Et qui paie pour ces rêves de cow-boys de l’espace ? ».

Elle aurait dû se méfier la petite Lucy, la bonne élève, la meilleure comme elle le dit elle-même. Le mari qui se sacrifie pour l’ambition acharnée de sa femme découvre que madame a réussi à batifoler avec un Russe sous les étoiles. L’auteur en profite pour montrer les difficultés particulières de la gente féminine face à cette aspiration professionnelle exacerbée, et comment l’homme qui gagne moins et garde les enfants, se débat également avec ces nouveaux codes. « La station spatiale représente le symbole idéal des rapports internationaux mais c’est aussi pour moi, le symbole de l’histoire du sexisme. Comment arrive-t-on à d’immenses avancées technologiques en étant aussi arriérés sur le plan humain et civilisationnel ? ».

Le roman tombe à point nommé. Jakub Szamalek ne se dérobe pas face à une question plus politique. Il raconte qu’il l’a commencé avant que la Russe n’envahisse le voisin ukrainien. « J’étais au milieu de mon roman lorsqu’ils ont attaqué. La station spatiale a pris un tour symbolique encore plus grand. J’ai pu utiliser cette attaque dans tous les dialogues entre Russes et Américains. Tout prenait encore plus de sens. On voit bien que ce qui compte lorsque les personnages s’affrontent, ce n’est pas tant ce qui se passe dans cette boîte métallique désagréable que les conséquences que cela peut avoir en bas, sur terre ». Ce polar très cinématographique (on pense à Sigourney Weaver dans Alien) prend alors une tournure réelle et dramatique. Fini de rigoler. Jakub Szamalek est polonais, il connaît l’ennemi : « Je suis furieux contre les Russes parce qu’ils prouvent que le progrès ne reste que technologique avec eux. Et qu’ils ne ratent pas une occasion de tirer toute la région vers le bas sur le plan civilisationnel ». La Station a été traduit en russe et Jakub Szamalek a versé tous ses droits d’auteurs à une association ukrainienne afin qu’elle achète des drones. Quand le réel l’emporte sur la fiction. Et que les écrivains ne manquent pas de courage.

La Station de Jakub Szamalek, traduit du polonais par Kamil Barbarski, Éditions Métailié Noir, 380 pages, 23 euros. 

 

« Décrochages » de Julien Fyot : au bord du vide

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Décrochages. Et pas qu’un peu. Avec ce joli petit jeu de mots, Julien Fyot signe un premier roman très réussi sur la vie tourmentée d’un enseignant de CM2 à l’esprit non moins tourmenté. Et que l’auteur désigne par l’initiale, « J ».

Tom Langevin, dix ans, est retrouvé mort par le gardien de l’école qui faisait une dernière ronde avant l’ouverture des portes. Suicide ou crime ? Que vient faire « J » dans cette histoire ? Il connaissait l’élève, mais il l’avait eu il y a longtemps, en classe de CP. Justement. L’inspecteur, Robert Millet, qui l’interroge lui fait remarquer que les coïncidences n’existent pas. C’est dans sa classe que l’enfant est mort. « Dans sa classe. Sur son parquet. À sa fenêtre. « J » s’imagine Tom glisser une dernière fois au milieu des rangées et mourir ». Cela fera de lui « un témoin précieux ».

Quinze mois plus tôt, « J » récolte un enfant compliqué. Lui seul, affirme le directeur André Galet, peut gérer ce genre de cas. Il s’appelle Brayan et d’emblée s’assoit à la place de Sylvain. Tous comprennent que cet élève sera différent. Le maître laisse filer cette initiative personnelle. Il faut savoir gérer les coups de gueule dans une classe le premier jour. Il ne dit rien lorsque Brayan nourrit les trois lapins avec des bouts de salade. Mais il entend l’enfant marmonner quelque chose à l’animal. « » se rapproche et croit percevoir ces mots : « C’est toi qui va mourir ».

Bunny le lapin est mort. Une élève avertit le professeur. Brayan est responsable mais « J» se méfie des jugements à l’emporte-pièce. Il a déjà posé un diagnostic  : « Gamin en manque de confiance et d’affection. À cadrer, à couver, à distance raisonnable ». À quel moment la sortie de route a-t-elle eu lieu ? En réalité, très vite. Il a suffi du premier devoir en classe. L’impression que l’enfant a une antisèche. Mais l’heure est encore à la compréhension, à l’indulgence.

Avant, après, le jeune auteur déroule une intrigue complexe, décortiquée par « J ». Au passage, il dresse un triste état des lieux de l’enseignement au primaire. Son personnage, jeune père de famille, épuisé par les nuits sans dormir à cause du bébé, n’est pas un mauvais bougre. Il n’a pas ce mépris sous-jacent de certains enseignants au bout du rouleau, après des années de frustration et de questionnement envers un métier fort peu considéré. Parce qu’il est loin le temps de la toute-puissance en noir et blanc des maîtres et maîtresses du début vingtième. Les parents, la vox populi, tous ont mis un pied dans la porte et la poussent toujours un peu plus chaque année, entamant un prestige désormais poussiéreux. Julien Fyot nous épargne le dézingage en règle de la profession ou la posture hautaine de celui qui sait tout face à ceux qui ne veulent plus rien apprendre. Paraît-il.

Brayan, Tom et inversement. Le Ying et le Yang. Celui qu’on aime peu et celui qu’on adore. Le difficile et le facile. « J «  s’est entiché de ce dernier. Pas compliqué. « J’ai toujours eu un faible pour les surempathiques, ces immunodéprimés qui attrapent sans filtre les émotions des autres. Il les aime avec tendresse et en connaît peu d’heureux ». En ce qui concerne Brayan, en revanche, on ne compte plus les mots dans le cahier de correspondance. Mais cet enseignant se voit différent et il confie à l’inspecteur : « Il cherche le plus souvent à faire chier… mais il ne sait pas faire autrement, et vous culpabilisez de lui en vouloir parce que vous savez, ou devinez, la vie de merde qu’il a eue et qu’il n’y a pas de raison que ça s’améliore un jour. C’est sans espoir et c’est face à vous tous les jours ». Les deux enfants vont se lier, à leur façon. La vie d’un enseignant est souvent bien rôdée. En théorie, il a les outils psychologiques pour affronter tout type d’élève. Vraiment ? Parce que Brayan déjoue tous les manuels. Et il finit par tenir la vie de « J » entre ses mains, lui qui pensait être juste. Décrochages est subtil et habilement ficelé. Le roman oscille entre carte postale sociale d’un monde scolaire en grande difficulté, un instituteur en suspend qui découvre, atterré, qu’il ne peut aimer tous les enfants d’une classe, et une intrigue noire comme on les aime.

« Décrochages » de Julien Fyot, Éditions Viviane Hamy, 392 pages, 21.90 euros.

« Le dernier nuage » de Frédéric Chignac : ultima nubes

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Cumulus, nimbus, strates, tout le monde connaît ces mots, même les enfants de primaire. Mais en 1802, on ne plaisante pas avec la langue de Shakespeare. Alors, quand un Quaker un peu fou se met en tête d’étudier les nuages puis de leur donner des noms latins, il n’en faut pas plus pour que les services de renseignements du pays se mettent en chasse. Gare à celui Who does not speak English ! Ne serait-il pas un espion à la solde de ces maudits Français !

Où va se nicher le nationalisme dans ces années-là, quand l’Angleterre redoute Napoléon et la reprise des combats. Un homme se tient très loin de toutes ces considérations politico- guerrières, Luke Howard, jeune apothicaire quaker passionné de météorologie depuis son enfance. Une double offense. Celle faîte à son père, très stricte dans son obédience à ce mouvement religieux né en Angleterre au XVIIe siècle, et celle adressée à l’influente Askesian Society lorsqu’il présente devant ses vénérables membres une théorie inédite de classification des nuages. Mais non content de leur parler du ciel et de ses éléments, il ose en outre choisir le latin, langue universelle selon lui, afin de décrire petites choses virevoltantes qui apparaissent et disparaissent au gré de vents capricieux. Ce génie méconnu déclenche une tempête. 

Deux hommes s’affrontent en coulisse. Deux patrons de presse. Alexander Tilloch du Philosophical Magazine et Markham du Gentleman’s Magazine. L’un va porter aux nues la découverte de Howard, l’autre n’aura de cesse de la discréditer. L’histoire est vraie. Merveilleuse trouvaille de Frédéric Chignac reporter et scénariste qui signe son premier roman. On découvre ainsi le monde fermé des Quakers, ces femmes et ces hommes vêtus de noir qui tutoient tout le monde sans aucun sens de la hiérarchie, et qui se réunissent une fois par semaine de façon très démocratique, assis en cercle, dans le cadre de ce qu’ils appellent La Réunion des Amis. Les questions sont autorisées après la prière puis l’assemblée passe au vote. Ce jour-là, George Gatlin, un menuisier âgé demande haut et fort : « Je voudrais parler des nuages. Leur observation scientifique est-elle compatible avec notre conception divine du ciel ? » Ce jour-là, il y aura un vote mais pas d’unanimité. Et le groupe entier dira: « Alors remettons la décision à un autre jour. Qu’il en soit ainsi« . L’ombre du père de Luke plane au-dessus de lui et il l’entend comme s’il était près de lui. « Je t’avais pourtant bien prévenu« .

Affrontement parent-enfant, affrontement religieux, politique et scientifique. Le personnage de Luke Howard illustre cette terrible équation. Tout chez lui est atypique. Il est marié à Mariabella qui l’aide à la boutique. Mieux ou pire, elle pratique aussi une forme de médecine. Elle est le moteur du couple, celle qui ne dira jamais non à son époux, bien au contraire, quitte à rompre avec une communauté étriquée et bornée. Un couple d’une modernité impensable pour l’époque.

Luke est un pur chercheur. La tête dans les nuages. Au sens propre. Il fait la connaissance d’un Français, Paul Gascogne, un entrepreneur, industriel de génie dans son genre. Il construit des montgolfières. Convergence des talents. Le Français est le seul à pouvoir aider Luke Howard dans sa quête de connaissances. Il lui reste à étudier la grêle. Mais pour cela, il doit s’élever haut dans un ciel où nul homme ne peut survivre longtemps parce que privé d’oxygène à une certaine altitude. Gascogne pieds et poings liés avec les espions de la Couronne n’aura d’autre choix que d’accéder à la demande de ce génie insolite.

Une découverte scientifique se fait toujours dans la douleur. Qui aurait imaginer que ces termes latins allaient entraîner un cataclysme sémantique et nationaliste ? Que ce pauvre Howard, âprement désireux de tout savoir des nuages dans le ciel, et rien d’autre, serait le jouet de sombres manipulateurs avec des dessins autres que l’avancée scientifique. On sourit évidemment à la lecture de ce combat, le jugeant un tantinet absurde. Mais des années plus tard, d’autres remettront en question des certitudes que l’on croyait acquises. Le Londres de l’époque est un champ de bataille culturel, une ville industrielle en plein essor, l’argent, les idées circulent, les poètes comme Goethe y résident, avides de s’imprégner de cette atmosphère bouillonnante. Une cité où tout semble possible mais où les intérêts d’un pouvoir en place sont coûte que coûte préservés de façon sauvage. Le roman de Frédéric Chignac nous fait prendre de la hauteur et on tutoie autant les nuages que les étoiles. Magique.

Le dernier nuage de Frédéric Chignac, Éditions Hervé Chopin, 352 pages, 19.50 euros.

« Dans l’ombre du Kremlin » de Jack Beaumont : contrecarrer les plans de Vladimir

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Jack Beaumont est un pseudonyme. L’auteur a été pilote de chasse dans l’armée de l’air française puis espion au sein de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). On nous dit aussi qu’il vit désormais en Australie et qu’il a franchi le cap de l’écriture en s’appuyant sur une réalité « glaçante ». Dans l’ombre du Kremlin évoque sans doute son double littéraire. Le récit est enlevé et éclaire un point de vue intéressant sur la vision du romancier de la guerre en Ukraine. Rien que pour ça, le roman vaut largement le détour.

Tout commence par ce que ne doit jamais faire un homme de l’ombre lorsqu’il rentre de mission, même fatigué. Prendre un taxi à l’aéroport pour aller directement chez lui. Non, ce qu’il ou elle doit s’obliger à exécuter, c’est prendre les transports en commun et s’assurer ainsi que personne ne lui file le train. Mais Paul Degarde en poste à Prague est cuit, pressé de voir sa famille. Il déroge à la règle. Il est aussi impatient de se rendre à la Boîte afin de remettre en mains propres les quatre pages ultraconfidentielles, que sa source, Lotus, lui a donné. On y mentionne une réunion au sommet sur un bateau en Méditerranée, le Azzam.

Ce n’est pas Alec de Payns qui commettrait ce genre de bourde. Il est considéré comme le meilleur dans son genre par La Boîte. Dominique Briffaut est son patron et dirige la division Y. Il informe Alec qu’un de leur agent leur a fourni des informations sérieuses. « Il semble que les Russes déploient ces nouveaux drones d’observation à Khmeimim, en Syrie ». Cela veut dire une chose : la Russie est en mode escalade. La source fait aussi état « d’un accord entre les Russes et une autre partie qui devrait être conclue dans deux semaines sur un bateau battant pavillon des Émirats arabes unis et baptisé Azzam ». Alec de Payns a pour mission de se transformer en Houdini. Monter à bord et poser des micros. Il rouspète mais son boss a une totale confiance en ces capacités de réussite. L’enjeu est d’autant plus grand que Degarde a été assassiné avec toute sa famille. Pas comme avec les bonnes vieilles méthodes du temps de la guerre froide mais un peu façon cartel du Sinaloa. Les temps changent. Une chasse aux espions en haute mer se profile. Alec voit déjà son week-end familial partir à vau-l’eau. Parce qu’il a bien une vie de famille, un femme, Romy, et des enfants à qui il passe son temps à mentir. Assurer les deux relèvent de l’équilibrisme. James Bond n’avait pas tous ses problèmes.

Une fois sur le bateau, ce qu’il arrive à accomplir bien évidemment, la scène décrite par Jack Beaumont est assez savoureuse. La crème des affreux jojos. Un marchand d’armes, un commandant militaire Wagner, un ancien du Gru (Services de renseignements militaires russes) et le neveu du général Haftar qui gère une partie de la Libye. La réunion porte sur les plans de la Russie à s’emparer de l’ouest de la Lybie afin de couper l’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe. Il comprend que les Libyens demandent des forces spéciales aux Russes. Mais faute de contingent officiel, ce sont les gars de la milice Wagner qui opèrent. De Payns a déjà du lourd mais il le sait, Briffaut, toujours insatiable, voudra plus que les ragots d’une escort girl et la description de quatre personnes d’intérêt présentes sur le yacht. Le neveu du général Haftar est aidé dans son entreprise par une milice djihadiste « Al-Kaniyat Militia ». S’il est difficile à La Boîte de prouver une connexion avec le Kremlin, il n’est pas question de laisser ces barbus se déployer en Europe.

La page 5 d’un dossier que de Payns a réussi à faire sortir sur une clé USB est cryptée. Mais les e-mails apportent quelques pistes. Comme cette volonté du Kremlin de faire éliminer le milliardaire ukrainien, Igor Kolomoïsky, acteur majeur du système énergétique de l’Europe de l’Est. Et que Poutine jusque là laissait tranquille. Mais ce dernier le considère désormais comme « un émissaire de l’agression américaine en Ukraine ». La Boîte sait parfaitement que l’Ukrainien émarge pour la CIA et qu’il a financé la campagne de Zelensky. Elle penche plutôt pour une autre explication : le projet EastMed. Fichtre, qu’est-ce que c’est que ce truc ! « Les plus grandes réserves au monde de gaz naturel économiquement viables et qui se trouvent actuellement dans les fonds marins au  large d’Israël et de l’Égypte ». Kolomoïsky serait lié à EastMed. La Boîte en est persuadée, Poutine a toujours un plan B. Qui pourrait bien être l’invasion de l’Ukraine.

Avec Jack Beaumont, on a vraiment les mains dans la tambouille de la diplomatie et de l’espionnage. Des vérités désagréables sont ainsi étalées au grand jour : « Personne ne se soucie des Ukrainiens. Les Russes et les Américains veulent simplement contrôler l’approvisionnement en gaz de l’Europe ». Et nous, pauvres citoyens lambdas, on est bien peu de choses, informés par des médias mainstream tout aussi à la peine pour y voir clair dans ce jeu de l’espionnite aussi opaque que le régime des mollahs à Téhéran. Dans l’ombre du Kremlin est un peu passé sous les radars, écrasé par la sortie d’autres-poids-lourds de ce genre thriller. C’est dommage. Avis aux amateurs.

Dans l’ombre du Kremlin de Jack Beaumont, traduit de l’anglais (Australie) par Emmanuel Chastellière, Éditions Michel Lafon, 464 pages, 21.95 euros.

 

« Que s’obscurcissent le soleil et la lumière » de Frédéric Paulin : la guerre importée

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Non mais quel drôle de hasard. Le 25 de ce mois de juillet 2025, un homme sort d’une prison de France en pleine nuit, à l’abri de tous les regards. Il s’appelle Georges Ibrahim Abdallah. Il a purgé une peine de 40 ans d’enfermement, accusé de complicité d’assassinat à l’encontre de deux diplomates dont l’un était israélien. Il a toujours clamé son innocence sans pour autant condamner l’attaque.

À la page 14 du dernier opus de Frédéric Paulin, Que s’obscurcissent le soleil et la lumière, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua, affirme haut et fort qu’un certain Georges Ibrahim Abdallah est responsable de l’attentat à Paris qui a fait sept morts et cinquante-cinq blessés. Le romancier français est enchaîné à l’actualité. Et quand il s’en écarte, elle lui revient en boomerang, éclairant ses écrits d’un jour nouveau. Et mettant en exergue sa parfaite documentation et son impitoyable quête de vérité. Quel que soit le bord politique.

Clap de fin donc pour cette passionnante trilogie de Frédéric Paulin qui bâtit une fiction encore une fois basée sur des faits géopolitiques bien réels. La période qui l’intéresse court de 1986 à 1990 et on a toujours le Liban en toile de fond. Mais le terrorisme a débordé les frontières du Pays du Cèdre pour frapper l’hexagone. Fini l’exotisme du taboulé ou du houmous, ce pays ne semble plus rien avoir de charmant en cette année 1986. Les attentats sont devenus une sorte de miroir de leur chaos et dont aucun ne veut. La crise des otages français qui n’a pas été réglée empoisonne la course à la présidence de 1988 des deux candidats, François Mitterrand et Jacques Chirac. La nouvelle interprétation de l’islam échappe encore aux Occidentaux mais des compatriotes meurent dans une violence aveugle et inédite, et ça, c’est inacceptable. Pasqua lui-même ne croit guère à la piste Abdallah mais il faut des coupables. On appelle ce genre d’excuse, la raison d’État.

On retrouve les mêmes personnages et les grands noms de la justice de l’époque : Les juges Boulouque, Bruguière et Thiel qui sont réunis dans une structure appelée la « 14e section du Parquet de Paris ». Ils travaillent aussi en ligne directe avec tous les services de renseignements de France, la DST, la DGSE et les RG. Un vrai nid de crabes. Si aucun de ces protagonistes ne se fait confiance, ils tous un point commun : personne ne croit à la piste Abdallah mais la version officielle l’emporte et on obéit aux ordres. Quitte à y laisser sa vie ou à perdre son âme.

Le deuxième front intérieur est incarné par l’ultra-gauche qui dans ces années-là cible les grands patrons. Georges Besse qui dirige Renault, se fait descendre juste devant chez lui. Les témoins parlent de deux jeunes femmes. Il s’agit de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron. Les deux membres de ce qui reste d’Action Directe avec Jean-Marc Rouillan et Georges Cipriani. Pour les enquêteurs, « des desperados  qui ont décidé de semer la terreur ». Pour le commissaire Nicolas Caillaux, l’assassinat de Besse intervient le jour où le gouvernement français rembourse une très grosse dette (le fameux prêt Eurodif) aux Iraniens. « Une pelote qui lui fait des nœuds au cerveau ». Lié pas lié ? Allez savoir.

Une chose est sûre, et même si cela passe par le Liban, tout se joue à Téhéran. Les chiites libanais le savent et les émissaires français se tirent la bourre auprès du gouvernement opaque des mollahs. Jacques Chirac est convaincu que si la France s’acquitte de cette dette, cela résoudra la crise des otages et il gagnera les élections. Mais quel que soit le parti, il n’y a rien de joli à voir. Toujours les mêmes combines. Michel Nada, figure trait-d’union entre le Liban et la France va de désillusion en désillusion. Il a réussi à se faire une place au soleil mais il connaît désormais les affres de l’émigré. Il ne se sent bien nulle part. Pas plus dans son pays d’adoption la France, que dans celui de ses origines, le Liban où la guerre civile le terrifie. Au Liban, les combattants s’épuisent, se déshumanisent. La fatigue, le doute ont gangréné les esprits. En France, ceux qui essaient de faire exécuter la justice se heurtent à une volonté politique rétive. Indifférente au peuple. Le romancier tisse une toile entre la trame historique réelle avec des personnalités qui ont existé et d’autres purs produits de son imagination. Les deux précédents ouvrages montraient l’inéluctable montée du chaos. Celui-là s’attache davantage aux destinées individuelles. Celle du conseiller diplomatique Philippe Kellermann, empêtré dans un amour à sens unique envers la Libanaise chiite Zia. Cette dernière personnifie avec une détresse noire l’individu piégé. À fortiori quand on est une femme. Quelle place peut-elle avoir dans cette lutte contre l’occupant dans un cadre où l’interprétation religieuse rigoriste exclue la militance féminine autrement que par la procréation ? Son déraillement personnel est d’une férocité inouïe. Victime innocente de l’amour que deux hommes lui portent de façon maladive, elle finira coupable, animée d’une haine insurmontable. Et laissera un mot tout en sachant que cela est vain. « Mais son geste sera, de toute manière, instrumentalisé par le Hezbollah : les hommes décideront si elle est une martyre ou simplement une inconsciente ». Décider à la place des femmes, n’est-ce pas ce qu’ils font d’ailleurs depuis des millénaires. Pour le meilleur et plus souvent pour le pire.

Que s’obscurcissent le soleil et la lumière, de Frédéric Paulin, Éditions Agullo, 384 pages, 23.50 euros.

« Les 8 Vies d’une Mangeuse de Terre » de Mirinae Lee : les mensonges lui vont si bien

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Une existence toute entière basée sur le mensonge. Au pluriel. Qui a vraiment été Mook Miran ? Esclave, reine de l’évasion, espionne, meurtrière, terroriste, amante ou mère ? On lui demande de se définir en trois mots. Mission impossible pour cette femme de près de cent ans. Lee Sae-ri a pour mission de rédiger la nécrologie des résidents de la maison de retraite, The Golden Retirement Home. Cette Mook Miran l’intrigue. Elle fait plus jeune que son âge, elle refuse de se définir par trois mots, elle en propose huit. Elle se montre effrontée et acerbe. Faut-il se fâcher ou au contraire écouter cette conteuse fantasque ? Lee Sae-ri opte pour l’écoute. Inconsciente de l’extraordinaire voyage qui l’attend.

Lee Sae-ri est rigide. Elle a un plan avec une ligne directrice. Elle s’accroche à ses trois mots. Mook Miran s’amuse, lui concède avoir trois nationalités : Japonaise de naissance, Nord-Coréenne une bonne partie de sa vie et enfin Sud-Coréenne en cette fin d’existence. Mais la vieille dame s’impatiente, « se détourne tel un pigeon qui s’éloigne en hochant la tête », et lance un regard torve à cette jeune sotte. « Huit, alors, je vais vous donner huit mots… madame l’écrivaine». Nous aussi, nous voilà harponnés. Doit-on croire sur parole cette Mook Miran ? Meurtrière, dit-elle, mais encore ? Pas si vite, la vieille dame entend mener la danse. À son rythme, dans le désordre, insolente jusqu’au bout parce que Mook Miran est sans pitié. Si la jeune femme veut savoir, il va falloir qu’elle écoute très attentivement. Et qu’elle commence, au fond, par ne rien comprendre.

Comme cette histoire de La Cinquième Vie qui se passe à la frontière nord-coréenne, en 1961. Le point de vue est celui d’un jeune garçon. La narratrice est perdue. On passe ensuite au chapitre de La Première Vie. Fondamental. On remonte le temps, on est en 1938, la vielle dame explique : « Je mangeais de la terre quand j’étais jeune… De temps à autre, mon corps avait soif de terre, et je n’avais d’autre choix que d’accéder à sa demande ». Seule sa mère tolère cette curieuse habitude. Après tout, les Français mangent bien des escargots. Mais le père ne l’entend pas de cette oreille. Un exorcisme, voilà ce qu’il lui faut à cet enfant. « Je fus jetée au milieu du jardin, ligotée comme un poulet que l’on plonge dans une soupe bouillante ». Le père est alors désigné par la fillette comme le monstre. Les mots sont des armes, lui dit sa mère. Elle a raison. Celui de SEX va précipiter le drame. Cette fois, la fillette cherche l’odeur. Celle de l’herbe médicinale, sahwa, la fleur du serpent. Celle qui tue. Le monstre ne reviendra pas. Et l’enfant cesse de manger la terre qui a pris la couleur du sang. Celle du pêché.

Chaque chapitre est aussi prétexte à situer les événements dans un contexte historique précis. Le troisième revient en arrière, en 1950, en pleine Guerre de Corée. La fillette a bien grandi, et a décidé de se faire passer pour un garçon. Elle est revenue dans son village natal, elle a vu les Yankees et les soldats du Sud sillonner les rues dans leurs camions militaires, elle a poursuivi sa route. Tout est brûlé, estropié. Elle rencontre un soldat blanc, lui dit qu’elle parle anglais, et qu’elle, il, s’appelle, Yongmal. « Ce n’était pas mon prénom, ni d’ailleurs un nom de garçon ». Le Yankee l’emmène à La Maison. « Un lieu de vie pour douze femmes sans domicile… On leur donne une seconde chance pour qu’elles puissent servir leur vrai pays auprès de soldats de son plus grand allié, les forces américaines, les héros qui sont venus les sauver des mains diaboliques des communistes ». À La Maison, on soigne les filles qui viennent de La Station de réconfort. Le détachement quasi clinique de la vieille dame à raconter cet épisode de sa vie est vertigineux. La Station abrite une usine, non pas de biens matériels mais de soldats imbibés, assoiffés de chair. On injecte des tas de choses dans le corps de ces filles, du mercure, de l’opium mais aussi de la pénicilline afin qu’elles puissent servir jusqu’à l’épuisement fatal. L’endroit appartient à une certaine Yongmal… Il brûlera.

Et puis on repart sur La deuxième Vie, en 1940. Les Japonais appâtent les jeunes filles, bourse universitaire, salaire, travail ou sucreries. En réalité, ils changent les patronymes et exigent qu’elles oublient le Coréen et apprennent le Japonais. La suite est banale en temps de guerre. « La journée, nombreux étaient les soldats qui tiraient de moi du réconfort – environ cinquante par jour en semaine, deux cents le week-end. Lorsque je perdais connaissance, ils me jetaient un seau d’eau glacée pour que je me réveille et que j’accomplisse mon devoir jusqu’à la nuit tombée ». Il y a une certaine Yongmal qui raconte des histoires avec tant de talent… La terre est sombre. «J’attrapais une poignée, et l’avalais ».

Si La Deuxième Vie nous plonge en enfer, La Quatrième Vie nous transporte. Un grain de beauté et des chaussures. L’amour inconditionnel d’un homme envers sa femme. Yongmal est revenue. Disparue depuis deux ans, enlevée par les Japonais, emmenée en Indonésie, la revoilà différente, marquée, encore plus belle, pense, Young-min, l’époux. Ses mains effleurent le corps meurtri de la revenante, il l’avait connue enfant, il la retrouve femme. La ville de Pyongyang est le paradis des travailleurs sur terre. C’est du moins ce qu’affirme Kim II-sung, le père fondateur de la divine nation. « La tromperie, comme l’amour, est un acte qui se joue à deux. Pas de duperie sans dupé ».

Madame Mook aurait donc vécu tous ses drames. Le titre original, 8 Lives of a Century-Old Trickster, nous met sur la piste. Trickster en anglais veut dire filou, escroc… Il faut lire les chapitres comme des nouvelles dans lesquelles la romancière glisse des indices qui donneront le sens final au roman. L’héroïne, librement inspirée de la grande-tante de l’autrice, change de peau, son identité est un patchwork de sentiments, elle subit autant qu’elle force le destin. À travers elle, Mirinae Lee nous parle aussi de mémoire collective, de fusion. Entre mythe et réalité, le roman décrit avec une délicatesse précieuse la capacité d’un individu à survivre et se réinventer avec « une langue recouverte d’une couche de terre, tel du sucre acidulé sur un bonbon ».

Les 8 Vies d’une Mangeuse de Terre, de Mirinae Lee, traduit de l’anglais (Corée du Sud) par Lou Gone, Éditions Phébus, 320 pages, 22,50 euros.

 

« Nulle part où revenir » de Henry Wise : le poids du passé

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La Virginie-Occidentale. Les Appalaches, les hillbillies, ces blancs pauvres, les laissés-pour- compte d’une Amérique impitoyable. Une Amérique que l’on veut fuir. Mais pas Will Seems. Lui y revient après avoir passé dix ans à Richmond, la grande ville du Sud. Il s’interroge : « Pour quelle raison les gens retournaient toujours vers les choses qui leur garantissaient  de souffrir, comme si la vie ne consistait pas à progresser vers un but mais seulement à revenir sans cesse au même point, encore et encore ».

Nulle part où revenir est le premier roman de Henry Wise qui s’annonce comme le digne héritier de Ron Rash ou encore de David Joy, ces hommes des Appalaches qui refusent de s’en aller. La ville est fictive mais tous ceux qui ont traversé cet État ravagé par la crise des opioïdes, pourraient reconnaître telle ou telle bourgade. Elles se ressemblent tant, entourées de végétation luxuriante, et pourtant désertées, abîmées, traversées de cicatrices invisibles, celle du temps de l’esclavage, celle d’un passé jamais digéré, celle de faillites économiques successives et abyssales. Henry Wise est aussi poète et photographe. Son roman est une fusion de ses deux talents. Le regard sur les paysages est celui d’un photographe. Wise décrit les marais, les champs de tabac, les maisons délabrées, ce sont des clichés cadrés et contrastés. Ses images liées à la lumière renforcent l’impression d’un territoire ancré dans le réel tout en étant fantomatique. Son personnage principal est flottant, il alterne entre les prises de position tranchées puis se rétracte comme un escargot méfiant.

Will occupe le poste d’adjoint au shérif. Lorsque son ancien copain d’enfance, le footballeur Tom Janders est découvert poignardé, un homme est immédiatement soupçonné par le shérif Edgars. Il s’agit de Zeke Hathom. Will le connait, il a grandi dans sa famille. Il héberge même en ce moment son fils toxicomane à la dérive. Ce sont des gens à qui Will doit quelque chose, un drame non soldé. Et Claudette Janders le lui rappelle : « Fiston, t’as pas une dette envers cette famille ? C’est pour ça que t’es venu rôder par ici ? » Will le petit blanc accueilli par des Noirs. La tragédie du Sud. Claudette se méfie de ces visages pâles, elle embauche une détective privée, Bennico Watts, une des leurs, pour tenter de faire éclater la vérité.

Mais quelle vérité dans ce Sud blessé, jamais guéri. Celle d’une guerre qui n’en finit pas. Que Claudette, fervente croyante, désigne comme « Le Bien contre le diable ». Mais qui n’est en fait que la même histoire, celle du pouvoir des hommes. Les Blancs contre les Noirs. Will Seems est revenu expier, réparer. L’habit de l’homme de loi suffira-t-il à se défaire de cette pesanteur, de cette culpabilité qui l’habite ? Henry Wise a remporté le Prix Edgard du meilleur premier roman. Il se sert de la poésie pour amplifier les sentiments. Ceux du shérif et de la veuve de Tom par exemple. Tout le Sud poisseux est illustré par ces deux personnages en perdition. C’est un monde en clair-obscur, incompréhensible à ceux de l’extérieur. Immuable et insoutenable pour ceux de l’intérieur.

Nulle part où revenir de Henry Wise, traduit de l’anglais (États-Unis) par Julie Sibony, Éditions Sonatine, 432 pages, 24 euros.

 

« La Disparue du Boulevard Voltaire » de Pierre-Étienne Musson : un polar historique à la Belle Époque

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Une fillette de 12 ans a disparu. Albert Soleilland, 26 ans, qui l’accompagnait à un spectacle de music-hall au Ba-Ta-Clan, arpente les rues adjacentes comme un fou, encore hébété de l’avoir perdue. Nous sommes en 1907. La mode est aux moustaches en guidon de vélocipède et aux rouflaquettes. Albert, ébéniste, porte l’habit de sa profession : chemise blanche, pantalon de drap brun et veste de velours. Les vendeurs de journaux, l’édition du soir sous le bras, ne crient pas encore à la disparition de l’enfant. Bientôt La Disparue du Boulevard Voltaire fera la Une du Petit Parisien et aura même un impact sur une décision politique et sociétale majeure.

Paris, LE personnage en toile de fond de l’impeccable roman de Pierre-Étienne Musson. On est transporté dans le quartier populaire de ce onzième arrondissement de Paris, à l’époque où les fiacres, les charrettes encombrent encore la chaussée. Marie-Cyrille Erbelding, ou Marissi comme on la surnomme, habite au 76 de la rue Saint-Maur, avec son mari Antoine qui ne quitte plus son lit après un accident. Marissi est d’origine alsacienne et les Alsaciens sont appréciés dans la capitale. Ses parents, fuyant l’annexion prussienne, ont trouvé refuge à Paris venant ainsi grossir une petite communauté alsacienne. Et faire sa scolarité à l’École alsacienne n’est pas encore le summum du chic, comme aujourd’hui. Marissi est l’incarnation de la femme dévouée et de la mère aimante avec ses cinq enfants. La disparition de sa fille Marthe est un choc. Mais pas une minute, elle ne doute d’Albert, leur grand ami.

La loi est incarnée par le commissaire George Hacquart. Il est le dernier d’une lignée de policiers, sa femme n’ayant mis au monde que des filles. Dieu soit loué, pense-t-il, le monde étant fou selon lui, et l’institution policière n’accueillant aucune dame dans ses rangs, ses filles n’auront pas à souffrir de ce triste spectacle. Il est sans fausse pudeur favorable à la peine de mort. Il aimerait bien que ces Messieurs les députés viennent traîner leurs fracs dans ce qu’il considère comme « la lie de la société : le triangle Bastille-La villette-Nation ». Il est le premier à recevoir Albert et Marissi. C’est un homme charitable et qui a du métier. Il rassure la maman et l’ami. Dans un premier temps.

La presse. Avec une star, Le petit Parisien. Six pages, cinq centimes, deux éditions quotidiennes, un million d’exemplaires, «le plus gros tirage des journaux du monde entier », rien que ça. Le tsar du fait-divers : Arsène Ruffian qui en vieux français veut dire « proxénète ». Pour le public, c’est juste un fouille-merde. Le jour où il tombe sur ce qui deviendra un feuilleton national, il s’intéresse mollement à une lingère massacrée à coups de tisonnier par son mari, après une nuit d’ivresse. Mais son sixième sens l’emporte quand son « indic » de la police lui parle de « cette histoire de gamine », ce qui est toujours bon pour les affaires d’Arsène. Il sent qu’il tient une bonne histoire et qu’il va encore une fois battre le concurrent Le Petit Journal. Et damner le pion à une police qui piétine avec ses révélations à venir.

La peine de mort. L’autre grand thème du récit. L’auteur s’est inspiré d’un fait réel. En cette année 1907, l’Assemblée et les Français sont secoués par un grand  débat : doit-on ou non abolir la peine capitale ? Que vaut la volonté politique face à l’opinion publique relayée par une presse toute puissante ? Le Petit Parisien ira même jusqu’à lancer un référendum populaire à propos du maintien ou non de la peine de mort qui recevra plus d’un million de réponses, avec une écrasante majorité favorable à cette sanction définitive. Le président Armand Fallières, que le commissaire Hacquart déteste dans le roman, et appuyant des idées abolitionnistes, gracie certains condamnés à mort, ce qui déclenche un tollé populaire. Soleilland condamné à la peine capitale le 24 juillet 1907, voit sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité le 13 septembre 1907. Le roman historique de Pierre Étienne Musson retrace cette enquête de la Belle Époque avec beaucoup de réussite. Qui se souvient aujourd’hui de cette histoire et du président Fallières. L’homme avait des convictions. « Il n’en est pas moins un animal politique. Il sait que gouverner, c’est aussi ménager les susceptibilités et savoir attendre son heure ». Elle ne viendra jamais. Mais en 1981, un autre président, François Mitterrand, abolit la peine de mort. Un sondage montre pourtant que plus de la moitié des Français est contre cette décision. Le roman de Pierre-Étienne Musson vaut par la justesse de la reconstitution précise et précieuse de ce Paris populaire qui vécut ce drame comme les montagnes russes : tantôt avec effroi, soulagement ou encore indignation. Mais toujours sous la houlette d’une presse encore lue et entendue. Un autre temps…

La Disparue du Boulevard Voltaire de Pierre-Étienne Musson, Éditions Black Lab, 296 pages, 21,90 euros.

« Quitter Berlioz » de Emmanuel Flesch : l’amitié à l’épreuve de la vie

Il y a beaucoup d’amour dans ce roman. Emmanuel Flesch cache peu ses sentiments. Il les aime ses personnages, il les défend mordicus, il ne les condamne pas. Ne leur trouve pas d’excuses, les voit comme ils sont, faibles et forts, comme tout un chacun. Peu importe les origines. Avec Quitter Berlioz, la cité de Bobigny, Emmanuel Flesch creuse le sillon de la chronique sociale avec beaucoup d’humanité. La banlieue ne le quitte pas. Puissante, magnétique, elle est au cœur d’une dynamique réaliste et parasite qui domine le destin de femmes et d’hommes pourtant désireux de s’en extraire.

Les deux copains Serge et Younes tentent de tordre le bras aux préjugés, de devenir amis, malgré les injonctions paternelles qui ordonnent le contraire. Les deux pères travaillent dans la même usine et ne se mélangent pas. Leurs fils doivent suivre la règle. Mais leur jeunesse l’emporte sur les conventions sociales. Serge est un cowboy, il prête son pistolet à Younes. Embrouille avec le grand frère, dérouillée, Serge subit la colère de l’homme fort de la maison. Younes vient à sa rescousse. Ce sera à la vie, à la mort avec ces deux-là.

Dans les romans. Parce que dans la vraie vie, les sentiments viennent cogner la réalité. La survie l’emporte. Elle inclut le clan, la race, la couleur de peau. Elle efface la jeunesse d’un coup de serpillière. Chacun retourne à sa place, une place imposée par un système toujours en alerte. « Les choses se sont faites ainsi, sans vagues ni reproches, comme si l’amitié n’était pas soluble  dans l’adolescence… La chaleur du clan, l’effet de clôture ».

Younes Cherkaoui, 23 ans, vient de sortir de prison. Il porte un bracelet électronique, ce qui lui a valu une liberté anticipée. Il doit justifier d’un emploi. Il retourne naturellement chez son ancien employeur, Panam’Express, une modeste compagnie de coursiers à moto. Vincent Sénéchal en est le patron. Ses employés le surnomment « Le Singe ». Il exploite ses coursiers et ses clients l’exploitent. La boucle est bouclée. Younes et Vincent ne se sont pas quittés en très bons termes. Avec un petit chantage à la clé, Younes rempile dans la boîte. Et retrouve Serge. Qui n’est jamais venu voir Younes en prison.

Et puis il y a Vanessa. La Vanessa, celle dont Younes était tombé amoureux avant de se faire arrêter. Hôtesse d’accueil qui rêve de faire du cinéma. La rencontre est nimbée d’une douceur inédite. Comment peut-on être un petit caïd et aimer une fille comme un adolescent un peu naïf. La jeune fille, plus téméraire, lui ouvre son cœur mais la case prison n’est pas dans son programme. Elle n’attendra pas. Qu’allait-il s’imaginer ? L’amour en filigrane, impossible, hors d’atteinte des habitants de Berlioz. La cité, ultime personnage du roman, symbole d’un défi existentiel. Là où Younes se doit de se rendre chaque soir s’il ne veut pas voir sa conditionnelle s’envoler. Comment échapper au déterminisme économique et social ? L’auteur n’apporte pas de réponses, mais il soulève le voile de l’espérance à travers Younes et Serge, et leur obstination à rester amis. Coûte que coûte. Quitter Berlioz est une très jolie allégorie de cette amitié. Avec la mer à l’horizon.

« Quitter Berlioz », de Emmanuel Flesch, Éditions Calmann-Lévy, 256 pages, 19.90 euros.

« Huitième section » de Marc Trévidic : justice sous haute tension

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Michael Connelly. Voilà la première chose à laquelle on pense après avoir fini Huitième section de Marc Trévidic. Cet amour de la mécanique justice, cette passion à vouloir transmettre et expliquer. L’Américain le fait depuis des années. Le Français a bien raison de prendre le même chemin. Ancien juge à l’antiterrorisme, il a de quoi raconter.

« Toute la misère parisienne passait entre ses mains: toxicos, sans-papiers, casseurs dans les manifestations, délinquants professionnels mais aussi serial killers ». En gros, que du beau monde. Lucien Autret, substitut du procureur est affecté à cette section depuis trois ans. Il  ne devait en faire que deux. Les cadavres possèdent leur propre échelle de valeur. Les cas les plus complexes dépendent de la Crim, le service phare de la police. Alors que vaut ce SDF à la barbe sale et mal taillée? À priori pas de quoi atterrir dans le service noble de la police. Qui a envie de se coltiner ce genre de dossier, à part la Huit qui de toute façon n’a pas vraiment le choix

Un autre cadavre va bousculer la routine de cet homme de bonne volonté. Celui d’un corps entièrement tanné et retrouvé dans une poubelle parisienne mais dont le visage est aussi lisse que celui d’un bébé. Bizarre si l’on remarque que le mort a une bonne soixantaine d’années. Même la légiste n’en revient pas. Le pauvre gars a reçu 53 coups de couteau. Il y a forcément quelqu’un quelque part qui ne l’aimait pas beaucoup.

En parallèle, une autre intrigue, celle d’une jeune Marocaine, dernière fille d’un commissaire de police de Fès. Le récit est raconté par Nesrine. « Au Maroc, une fille baisse les yeux, ça ne parle que quand on lui donne la parole et, quand ça parle, ça demande pardon d’être une fille. Pour les garçons, au contraire, tout est permis. Ce sont des demis-dieux. moi, dès l’âge de six ans, j’avais décidé que je ne jouerai pas à ce jeu ». En quoi les deux affaires sont-elles liées ?

Le roman de Marc Trévidic est une plongée dans les arcanes de la justice. Rythmes de dingue, policiers surchargés, magistrats qui croulent sous les dossiers, pas besoin d’être Einstein pour constater que le système est à bout de souffle. Trévidic nous explique tout par le menu. Le passage des OQTF (Obligation de quitter le territoire français) tombe à pic. Entre les pauvres crétins écossais qui montraient leurs fesses et un loustic au profil plus trouble, les autorités n’ont jamais vraiment le temps de finasser. C’est souvent le centre de rétention sans réel examen de la situation réelle. Derrière la romance, un point de vue politique pointe le bout de son nez.

Lucien Autret fait partie de ces flics étonnants (comme Bosch) pour qui résoudre une affaire vaut davantage que les honneurs. Parce que dépendre de la 8e section du parquet de Paris, c’est franchement la punition. Cela veut dire tout un tas de galères. Comme « être de permanence un week-end sur deux, jour et nuit une semaine sur quatre quand on dépend de la permanence criminelle… » Et ainsi de suite. On n’est pas dans le super flic mais plutôt dans le quotidien de ces agents de l’autorité que l’on place rarement sous les feux de la rampe. Pas de quoi faire rêver. Même dans la vraie vie. La 8ème section a été supprimée en 1999. Il reste à espérer que des Lucien Autret existent vraiment. Désireux de ne faire que leur travail : sans esbroufe et une obstination salvatrice.

Huitième Section de Marc Trévidic, Éditions Gallimard Série Noire, 272 pages, 20 euros.