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« Everglades » de R. J. Ellory : dans le couloir de la mort

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La régularité d’un métronome. R. J. Ellory sort des romans à cadence soutenue. Un, quasiment chaque année. Ce qui en soi est déjà une belle performance. Mais là où l’écrivain anglais peut en scotcher plus d’un, c’est par la qualité de ses écrits. « Everglades » coche encore une fois toutes les cases.

Floride. L’État de Disneyland, l’État qui donne souvent toutes ses voix au président Donald Trump. Le shérif adjoint Garrett Nelson s’apprête à changer de vie. Mais il ne le sait pas encore. Il lui faudra attendre une mauvaise nuit et une journée, avant la fusillade fatale. Pour une histoire de drogue. Son supérieur l’avait prévenu. « Fais bien attention. La drogue, c’est pourri, et le trafic de drogue c’est un trafic de pourris ». Il aura raison. L’opération où Garrett Nelson n’était qu’en appui, parce que dirigée principalement par la Drug Enforcement Administration (DEA), foire dans les grandes largeurs. Garrett tue un homme et est lui-même blessé par balle. Il s’en sort mais traînera la patte toute sa vie. Adieu l’étoile du shérif.

Que faire ? Une kinésithérapeute l’a bien torturé à sa sortie d’hôpital, l’empêchant ainsi de s’apitoyer sur son sort. Une petite marrante avec la langue bien pendue. Elle le prévient, pas question de la draguer. Hannah Montgomery a grandi avec quatre frères, elle connaît la musique. Mais le convalescent sait y faire ou il n’y aurait de roman. Hannah parle de son père qui est gardien de prison. Il pourrait lui trouver du travail. Florida Southern State lui apporterait un salaire décent et une assurance santé. Vitale en ce qui le concerne. Hannah ne lui parle pas du couloir de la mort. Deux histoires en une. Joliment amenées. L’amour et la mort. Le romancier observe les gens à la loupe. Ils sont toujours traversés de fulgurances qui peuvent être aussi noires que lumineuses. Southern State incarne le désespoir. La romance que Hannah et Garrett n’attendaient plus eux-mêmes, sera l’espoir.

Maton, voilà donc ce qu’il est devenu. « La différence entre sa carrière passée et sa carrière actuelle, c’est qu’il baignait désormais dans un environnement totalement criminel ». L’ancien homme de loi qu’il est, se glisse dans cette nouvelle peau sans trop de problèmes. On lui a indiqué ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Il s’y tient. Un temps. Au point d’être placé rapidement dans le bâtiment des condamnés à mort. Sa première exécution sera effrayante. « Nelson avait fait tout ce qu’il fallait pour exorciser le souvenir de cet événement. Peut-être dans le but de s’expliquer pourquoi il continuait à faire ce travail, ou de trouver une justification personnelle à la peine de mort, Nelson prit le temps de comprendre les crimes des condamnés ». C’est ainsi qu’il franchit la ligne rouge.

Il échange avec l’un d’entre eux. C. J. Whitman. Noir et jugé coupable de meurtre au premier degré. À l’époque des faits, il avait 19 ans, il en a 26 aujourd’hui. Pas d’aveux, que des preuves indirectes. Il est pourtant broyé par la machine judiciaire. Garrett est troublé par le jeune homme. Y aurait-il eu une erreur ? Il franchit une deuxième ligne rouge, lui qui n’est plus policier, il enquête sur le cas de ce prisonnier modèle qui ne se défend pas.

Gardien dans le couloir de la mort est propice à la réflexion, à l’introspection. Hannah parle d’avoir un enfant. Dans un monde comme celui-là. Est-ce bien raisonnable? Florida Southern State empoisonne leur relation. Il lui est de plus en plus difficile de laisser les odeurs, les visages, les images des mises à mort lorsqu’il rentre le soir. Il y a ceux pour qui on n’a aucun doute. Et puis les autres, comme Whitman qui demeure une énigme aux yeux de Garrett. Surtout quand le détenu lui pose cette question : « Est-ce que avez parfois l’impression d’être un prisonnier, monsieur Nelson ?

Voilà ce qui intéresse R. J. Ellory, les paradoxes, les contradictions, les subtilités. Comment peut-on considérer qu’un tel ne manquera pas à la société et que tel autre, au contraire, ne devrait pas se trouver dans le couloir de la mort. « Everglades » n’est pas un pamphlet politique, ce thriller est bel et bien une profonde réflexion sur la nature criminelle d’un individu et sur l’application de la peine de mort. Le milieu carcéral ne réhabilite personne, les études sont unanimes. Il n’est pas davantage fait pour les soigner. Mais il est la seule solution que la société ait trouvée jusqu’à présent pour se protéger des hommes du genre de Florida Southern Gate. Il est peut-être temps d’envisager la punition sous un autre angle que la répression absolue et la condamnation à mort qui va avec.

« Everglades » de R. J. Ellory, traduit de l’anglais (États-Unis) par Étienne Gomez, Éditions Sonatine, 456 pages,24 euros.

« Le Petit caporal » de Yann Zolets : coup de projecteur sur les taupes

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Il y a comme ça des mini déflagrations lorsque vous lisez pas mal de polars, thrillers, romans noirs… « Le petit caporal » de Yann Zolets en est une, et une sacrée. Patrie, drapeau et trahison. À la manœuvre, les Russes de Poutine et les pommes pourries des services secrets français. Un roman plus que jamais crédible dans le contexte géopolitique actuel où la désinformation est autant une science qu’une arme de guerre.

Sally Demoreno, capitaine de l’armée de l’air, croupit en prison en attente d’un jugement pour le meurtre d’un officier de police… « qu’elle ne se rappelle pas avoir commis ». Le décor est, croît – on, planté. En réalité, pas vraiment. L’épisode de la prison n’est que l’amorce d’une histoire d’espionnage de dingue qui se déroule en partie dans les entrailles de la Marine nationale. Et pas n’importe lesquelles. Celles des sous-marins.

Flash-Back. On retrouve notre Sally pas encore derrière les barreaux. Elle bosse au sein de la cellule de renseignements Atlantique – Méditerranée. « Elle a quitté le sable pour la mer, et les avions pour les bateaux ». Désormais, elle est en charge « des comptes-rendus d’activité militaire maritime en zone Atlantique – Méditerranée des pays de l’OTAN et des autres nations, notamment la Russie, qui occupe une place toute particulière ». Justement un petit truc la chiffonne. Le sous-marin français Émeraude, qui aurait dû prendre le relais de la Frégate Provence après avoir capté le signal acoustique du submersible russe, a livré un compte-rendu plutôt laconique. Encore plus bizarre, la présence d’une « oreille d’or » (quelqu’un capable à l’oreille de donner le nombre de pales sur les hélices d’un bateau, sa vitesse, le type de navire de guerre, voire son nom) à son bord est tout à fait inhabituelle. Elle cherche et croit avoir trouvé. « Le service de la DGSE (Sécurité Extérieure) possède donc une source ayant accès aux mouvements des sous-marins russes ». Elle n’a pas encore la General Picture de l’affaire mais elle est sur la bonne voie. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’elle court à sa perte. Parce que ses talents instinctifs et inattendus d’enquêtrice ne vont pas plaire aux espions qui bossent pour le camp adverse.

On entre alors dans le dur du roman. Yann Zolets est un pseudonyme. On apprend juste qu’il a passé seize ans dans la Marine. Visiblement, il en a retenu toutes les bonnes leçons parce que son thriller géopolitique est fantastique. À l’environnement insolite qu’il a eu la bonne idée de vulgariser, se superpose une intrigue qui met en scène les gros méchants du moment, comme les Russes. On est harponné d’emblée.

Sacha est un agent clandestin du GRU, le Service des renseignements de l’armée moins connu du grand public mais redoutable et brutal. Sacha vit chez l’ennemi. Son travail : retourner des agents, des hommes politiques et autres. Tout ce qui peut saper l’Occident de l’intérieur pour le compte de Moscou et ses maîtres militaires. Les ressorts de la manipulation sont tous pareils quel que soit le pays. L’égo, l’argent, la frustration, et parfois l’idéologie. Dans son genre, Sacha est un artiste, formé pendant cinq longues années par les meilleurs mentors de l’espionnage russe. « Seuls trois des six stagiaires ont reçu la qualification opérationnelle de clandestins et ont été nommés capitaine ». Pour celui qui tombe dans les filets de cette machine de guerre, il est perçu comme un don du ciel. Mais le bienfaiteur devient toujours le bourreau parce que l’agent du GRU n’a qu’un amour, la mère patrie. L’officier marinier Christian Delgado va en faire les frais. Il ne sera pas le seul.

La nouvelle arrive à la connaissance des Français par la CIA. Réunion top secret. Un défecteur leur a lâché une bombe. Un illégal du SVR (Service de renseignements extérieurs de la fédération de Russie) en poste dans l’hexagone aurait infiltré les services français. Les gars de la CIA qui ne ratent pas l’occasion de se moquer des Frogs l’ont surnommé « Le Petit Caporal ». C’était le surnom donné affectueusement à Napoléon par ses soldats. En réalité, la CIA ne joue pas franc jeu et l’affaire devient un casse-tête inter service. DGSE contre DGSI (Sécurité Intérieure). Pas simple. Mais la réunion permet à Sally de comprendre qu’elle était sur la bonne voie, avec son histoire de sous-marin russe. Qu’un des leurs a trahi. Il n’est pas le seul mais à ce stade personne ne peut mesurer l’ampleur des dégâts. À Moscou, la confiance ne brille guère entre les hommes qui sont proches du pouvoir. Les couteaux sont tirés, Poutine se régale de les voir frétiller de peur. Il règne au-dessus de la mêlée. Son objectif reste la déstabilisation des démocraties occidentales. Cette fois, c’est la France du président Macron qui en tête de liste. Un roman sous tension, véritable billard à mille bandes avec des personnages habités et un traître de service bien cintré. L’intrigue solide s’appuie sur des données parfaitement maîtrisées par l’auteur. Un thriller d’espionnage français qui joue carrément dans la cour des grands.

« Le Petit Caporal » de Yann Zolets, Éditions La Manufacture de Livres, 384 pages, 15.90 euros.

« Corps, corps, corps, carnet d’une médecin légiste » de Karine Dabadie et Macha Séry

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Ce sont des cailloux comme ceux du Petit Poucet. Jetés sur une route, mais surtout pas en ligne droite. Le texte du médecin légiste Karine Dabadie et de la journaliste Macha Séry, emprunte des voies détournées pour décrire un métier peu banal. Peut-être faut-il au moins cela pour se livrer comme on dissèque un corps posé, là, sur une table froide sous des néons blafards. La vie puis la mort. Un coup puis un autre. Le premier veut supprimer, le second veut comprendre. Pourquoi le nombre de féminicides ne baisse pas. Pourquoi les mamans frappent leurs enfants.

Il y a le temps de la scène de crime. Violente, souvent sanglante. Puis le temps de la dissection avec les lésions apparentes. Et les autres, celles que l’on découvre, anormales,  « un corps maigrelet, 11 kg pour 87 centimètres, qui au-delà du choc donne la cause du décès : mort à la suite d’une dénutrition et d’une déshydratation sévères avec œdème cérébral anoxo-ischémique dans un contexte de maltraitance d’une extrême gravité ». Le garçonnet avait huit ans. Sa mère le pensait envoûté. « Son cœur pesait à peine 68 grammes ». Des cas de ce genre, Karine Dabadie en a vu beaucoup. Trop. Alors, elle pose la question. « Pourquoi en est-on arrivé là ? Pourquoi ces plaintes non traitées ? Pourquoi avoir négligé des signes annonciateurs ? »

Il est là l’intérêt de l’ouvrage de cette médecin légiste. Karine Dabadie va au-delà de cette phase où le cadavre est une dernière fois malmené. Elle veut agir en amont. Prévenir. Faire en sorte que l’on entende lorsqu’une femme dénonce un conjoint, compagnon à la main lourde, que l’on secoue une administration rétive, voire hostile aux drames de tous les jours, ceux du quotidien, du banal que l’on tient à distance. Karine n’est pas faîte de ce bois-là. Pas question de se contenter de découper des cadavres toute la journée. L’Institut de médecine légale de Point-à-Pitre, en Guadeloupe, lui offre l’occasion dont elle rêve. Et de 2012 à 2016, elle met en place un nouveau protocole novateur de signalement des violences conjugales. « Ces six années aux Antilles resteront à jamais gravées en moi. J’ai pu concevoir le service que je souhaitais, soutenue en cela par une direction hospitalière et une institution judiciaire bienveillantes ».

Dans cet ouvrage « qui ne peint pas le médecin légiste en enquêteur hors pair », Karine Dabadie explique, décrypte, s’insurge, motive. En parlant d’elle, de son parcours, impeccable et pourtant cabossé. Cinq enfants, ce n’est pas rien dans la vie d’une femme qui travaille. Un supérieur mâle, très mâle, le piège du harcèlement, elle qui connaît pourtant les méandres de l’esprit et qui succombe. Se montrer forte et vulnérable, le destin de tout un chacun, peu importe le milieu social et le niveau d’études. Karine Dabadie a relevé la tête, repris le chemin de la réparation. Anticiper, former, écouter entre les mots, lire entre les lignes, ne jamais sous-estimer la souffrance. C’est un livre hybride entre la confession et l’essai qui parle du corps de l’autre, vivant et mort, et du sien agressé dans l’enfance. Un joli moment d’humanité.

« Corps, corps, corps, carnet d’une médecin légiste » de Karine Dabadie et Macha Séry, Éditions Globe, 160 pages, 19 euros.

« Naufragés, un couple à la dérive » de Sophie Elmhirst : un récit subtil à l’image des rescapés

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Dans un certain contexte, on dirait qu’ils n’avaient vraiment pas le profil. Celui de larguer les amarres au sens propre du terme, celui de prendre la mer, cap vers la Nouvelle- Zélande. Non, vraiment, Maurice et Maralyn, deux êtres quelque peu passe-murailles, ont déjoué tous les préjugés. Ils en ont payé le prix.

Sophie Elmhirst s’est emparée de cette aventure hors norme et nous la raconte dans un ouvrage à l’image des deux protagonistes : simplement et directement. Avant de devenir un récit de survie, c’est l’histoire de Maurice Bailey, compositeur dans une imprimerie et de Maralyn, employée de bureau aux impôts de Derby, en Angleterre. Elle est plus jeune de neuf ans, plus volontaire. Ils se trouvent. « J’avais besoin de quelqu’un comme Maralyn dans ma vie pour compenser mon manque de confiance », écrira – t – il, plus tard. « Elle comblait les blancs », analyse finement l’autrice et journaliste, Sophie Elmhirst.

Les « M » se marient, ronronnent quelque temps avant de réaliser que mariage et enfants, ce n’est pas leur truc. L’idée du voyage prend forme. « Pour Maurice, ce fut une révélation. Repartir de zéro. Se débarrasser de tout ce qui signifiait l’Angleterre : son passé,  sa famille, lui-même ». Pour Maralyn, le véritable moteur dans l’histoire, l’idée de laisser ce pays pour ne jamais y revenir était tout bonnement ébouriffante. En juin 1972, à bord du Auralyn, ils quittent enfin la grisaille de la Grande-Bretagne. Leur dernière vision sera les falaises du Devon. Leur première escale sera la côte galicienne de l’Espagne. Ils voyagent cinq jours. Ils se sentent enfin libres.

Leur histoire d’amour éclot. Magnifique. Simple. Deux âmes en osmose, bienveillantes, une évidence. D’être là, ensemble, sans rien si ce n’est ce bateau et quelques affaires indispensables. Si tant est qu’ils aient eu des doutes, ils se sont dissous dans une certitude sereine et pérenne. Mais la nature a toujours son mot à dire. Le 4 mars 1973, à six cents kilomètres des Galápagos, un choc envoie valser les livres, et le cachalot se dresse là devant eux, effrayant et se vidant de son sang. « La décision d’abandonner le bateau fut prise en un instant. Il leur suffit d’échanger un regard ». Ils navigueraient sur le radeau de survie et l’annexe serait gonflée. Pendant des mois, Maurice avait eu un sentiment de contrôle et d’autorité en fendant les flots encore magnanimes. Désormais, il était à la merci des éléments fantasques.

Après avoir bien pleuré, Maralyn se ressaisit et organise la vie sur ce radeau d’un mètre quarante de diamètre. Elle rédige un emploi du temps et calcule les rations journalières. Une tasse d’eau le matin à partager, une chacun le midi, et le soir rebelote. La nourriture est insignifiante. Elle deviendra une obsession. Le 24 avril, date anniversaire de Maralyn, cela fait sept semaines qu’ils sont naufragés. Quelques jours plus tard, ils font une horrible découverte : leurs deux bateaux sont percés. À chaque galère, une solution. Maralyn possède encore du papier, elle écrit, « l’écriture fait sortit la solitude, elle fait exister ». Maurice la regarde souvent. « Le silence de cette activité l’excluait, comme un secret tissé entre elle et les mots ». Ils occupent leur place habituelle. Maurice dans l’annexe, Maralyn sur le radeau. Ils voient des navires mais ces derniers ne les voient pas.

Jusqu’au 30 juin 1973. Le Wolmi 306 est un vieux rafiot sud-coréen. Le capitaine s’appelle Duh Chong-il. Au milieu du Pacifique, il n’y a jamais rien. Sauf que ce jour-là, il y a une tache. Qui devient une puis deux formes. Deux corps, une femme, un homme, décharnés tous les deux. Les « M » sont à peine vivants, mais sauvés. Incroyable. Ils ont survécu. Le couple Bailey s’étonne de la folie qui s’empare de leur aventure. Leur histoire est extraordinaire à leurs yeux mais sans grande signification pour quiconque. Ils se trompent. Les journaux britanniques rivalisent d’offres pécuniaires afin qu’ils leur réservent la toute première interview. Puis ce sera le livre. De l’ombre à la lumière, d’un coup, d’un seul. Des révélations, des non-dits. Aussi. Pour protéger l’autre, le plus faible. Et pas forcément celui que l’on croit. « Car qu’est-ce qu’un mariage, en réalité, si ce n’est être coincé sur un petit radeau avec quelqu’un pour survivre ». Le couple raconte encore et encore. Avec une idée en tête. Reconstruire un bateau pour repartir. La journaliste s’est appropriée cette histoire dont elle a gardé les faits, et a réussi avec brio à nous faire vivre cet enfer de navigation ratée. On les voit, on les entend, on devine leur couple aux certitudes indéfectibles. Arrimé. Maralyn est morte avant Maurice. Il est retourné à sa solitude, est sorti du champ médiatique. Interrogé une dernière fois pour savoir s’il avait jamais regretté ce dramatique périple, il a répondu : « Je ne sais pas si vous pouvez vraiment vous imaginer ce que c’est que d’être assis sur un radeau de survie et de voir qu’une baleine s’approche de vous. C’est un tel cadeau… Rien que de voir ça, c’était merveilleux ».

« Naufragés, un couple à la dérive » de Sophie Elmhirst, traduit de l’Anglais par Karine Forestier, Éditions Paulsen, 272 pages, 22 euros.

 

« Loch noir » de Peter May : le retour de son héros fétiche, Fin Macleod

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L’examen de conscience viendrait-il avec l’âge ? Forcément un peu, quand le fameux sentiment d’immortalité qui caractérise la jeunesse s’est émoussé au fil des années écoulées. Carrément, lorsque son propre enfant est accusé d’avoir commis l’irréparable et qu’une jeune fille en est morte. Le dernier roman de Peter May, dans lequel on retrouve le héros de ses débuts, Fin Macleod, évoque cet état d’esprit si particulier alors que la tragédie a frappé. Mélancolique et fragile comme un vieil homme qui marche au bord de la falaise.

Le décor est  toujours là. Splendide, marin, pluvieux et venté. Des Hauts de Hurlevent malmenés par des éléments ingouvernables. Une nature omniprésente dans l’œuvre de cet auteur écossais qui a élu domicile dans l’hexagone. Nous sommes sur l’île de Lewis. Nous sommes là où tout a commencé pour Fin Macleod. Et où tout semble s’achever pour son fils, Fionnlagh, celui qu’il a eu avec Marsaili. Ce dernier est accusé d’avoir tué Caitlyn Black, jeune femme de 18 ans, téméraire amoureuse de son professeur… le fils de Fin. La nouvelle est doublement tragique.

Fin n’est plus policier mais comme le lui rappelle Marsaili, inspecteur d’un jour, inspecteur toujours. S’il n’enquête pas pour son propre enfant, pour qui le ferait-il? Alors lui et sa femme quittent la terre ferme écossaise pour cette île qu’ils pensaient ne pas revoir avant longtemps mais sur laquelle leur fils a décidé de venir s’installer avec femme et enfant. George Gunn, son subordonné de l’époque les attend à l’aéroport et les conduit directement au commissariat. Petite faveur d’un ami à un autre. La rencontre parents/fils est terrible. Fionnlagh nie le meurtre mais revendique son amour pour Caitlin. « Ce n’était pas une enfant, hurle-t-il à sa mère. Je sais que les gens diront que douze ans de différence entre nous c’était mal. Mais nous savions que non. Dans vingt ans, personne n’aurait trouvé à y redire ». La colère submerge Fin. L’incompréhension s’installe. Alors qu’ils quittent leur fils et roulent en direction de Ness, le bourg principal de l’île, « tout ce qui leur avait été familier paraissait désormais étranger, comme s’ils n’étaient revenus que pour troubler les jours heureux et gâcher les bons souvenirs. C’était douloureux parce qu’ils en retiraient un sentiment de perte. Perte de l’innocence, du bonheur, de l’appartenance ». Mais de quelle innocence, au fond ? Celle du fils? Celle du père? Parce que lui aussi, Fin, a des choses à se reprocher.

Voilà ce qu’elle provoque cette île, elle l’oblige à remonter le fil du temps. Celui de souvenirs enfouis, celui des fautes. Un nom lui revient en mémoire, Niall Black, le fils de l’homme le plus riche de Lewis, celui qui possède une ferme piscicole avec des cages et des milliers de saumons enfermés. Que l’on fait passer pour des saumons sauvages parce que ceux-là rapportent gros. Les gamins sont à un âge où l’on fait des conneries. Fin n’aime pas ce passé où l’un de ses camarades est mort. Lui le policier intègre, qu’a-t-il fait enfant?

C’est une course contre la montre. Il lui faut essayer de trouver des preuves qui innocentent son fils. Il se heurte au mur de la science qui ne ment jamais. À celui de son propre enfant qui avoue avoir tué celle qu’il a eu la folie d’aimer. La mer possède ses propres mystères. Encore des cages, d’autres saumons, une association d’écologistes. La fougue d’une jeune femme voulant dénoncer les méchants. Le roman de Peter May est empreint de nostalgie douloureuse, d’une volonté sourde et incontrôlable de solder des comptes, comme de faire face à ce que l’on est devenu. Des ombres noires enveloppent Fin Macleod. Se laissera-t-il submergé ? Trouvera-t-il la paix en sauvant son fils et lui-même ?

« Loch noir » de Peter May, traduit de l’anglais (Écosse) par Ariane Bataille, Éditions Rouergue Noir, 366 pages, 22,80 euros.

 

« Tout va bien se passer » de Leye Adenle : l’African Beat du Nigéria

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Il y a un petit côté Marvel chez Amaka Mbadiwe, super héroïne du troisième et dernier roman de Leye Adenle. Le titre ne dit pas autre chose. « Tout va bien se passer » nous conte les dernières aventures de l’avocate survoltée de l’écrivain nigérian. On trépigne beaucoup, on accélère sévère, on souffle, on s’essouffle, on a chaud, on transpire mais on ne lâche pas d’une semelle la redresseuse de torts qui survole les artères saturées de la capitale Lagos.

Amaka coule des jours heureux avec Guy Collins à Londres depuis six mois. Tandis qu’il part travailler, elle va faire son jogging, puis après une bonne douche, elle s’offre un café tout en travaillant pour son association les Street Samaritains, qu’elle pilote pour l’instant à distance. Mais on ne se refait pas et justicière d’un jour, justicière toujours. Justement, de l’autre côté de la route, il y a un salon de manucure qui l’intrigue. Il y a des barreaux aux fenêtres du salon. Elle remarque aussi que les employées ne regardent jamais les clientes dans les yeux. Elle renifle l’exploitation. Cela lui rappelle les filles et les femmes vulnérables auprès desquelles intervenaient les Street Samaritains, et à qui elle a consacré sa vie.

Au  même moment, à des milliers de kilomètres, à Lagos, capitale du Nigéria, un autre drame est en train de se mettre en place. Au cœur de l’histoire, la bagatelle de cent millions de dollars. Pour cette somme là, on peut franchir beaucoup de lignes quand on veut mettre la main dessus. Par exemple, tuer. Ce que font Dave et Pete sans sourciller. Ils abattent un couple de pasteurs, Anita Brown et son mari, Frank Brown, un petit coquin qui avait rendez-vous avec une prostituée dans cette chambre d’hôtel avant que la partie de plaisir ne tourne vinaigre. Problème, la demoiselle a tout vu. Elle s’appelle Funk. Les deux lascars l’ont loupé parce qu’elle était bien cachée mais elle sait très bien que ce n’est qu’une question de temps avant que l’on apprenne qui elle est, et que surtout on la retrouve.

Et voilà Amika repartie dans son pays natal. La justice n’attend pas. On retrouve les sujets chers à l’auteur : corruption, police et politique, sexe, drogue et Africa Beat. Amika est comme un poisson dans l’eau. Telle une super héroïne avec une cape fendant l’air, elle ne craint pas de s’attaquer aux plus forts, souvent au péril de sa vie. Cette fois, c’est la connivence politico-religieuse qu’elle a dans le collimateur. La scène qui ouvre le roman avec ce pasteur adultère donne le ton. Le Nigéria est profondément croyant. Il faut avoir assister à une messe dans un quartier défavorisé pour se rendre compte de la mainmise des prédicateurs milliardaires sur leurs ouailles. Bien qu’elles soient déjà à peine en mesure de se nourrir ainsi que leurs familles, elles versent leur obole à des vampires porteurs de croix ou autre qui n’hésitent pas à les saigner toujours un peu plus. Amaka va tout faire pour retrouver Funk avant que cette dernière ne soit tuée. Mené tambour battant, avec un gentil flic et un gros ripoux qui met des bâtons dans les roues d’une Amaka aussi téméraire que obstinée, « Tout va bien se passer » est une critique sans concession des gouvernants et du monde bling bling des prédicateurs. Un polar fusion et passionné.

« Tout va bien se passer » de Leye Adenle, traduit de l’anglais (Nigérian) par Céline Schwaller, Éditions Métailié, 424 pages, 22 euros.

« Là où je n’ai plus pied » par Belén López Peiró : parler puis écrire pour guérir

Il était tellement gentil l’oncle Claudio qu’au début, c’est même elle qui demandait à aller chez lui. Les prédateurs ont toujours su y faire. Et puis un jour, elle n’a plus voulu. Personne n’a cherché à comprendre. Ni la mère, ni le père, chacun empêtré dans une vie propre qui allait les conduire au divorce. Virginia Belén López Peiró a cessé d’être une enfant joyeuse. Les gros doigts de son oncle étaient entrés en elle.

La confession qui fut tout autant une déflagration eut lieu en 2022. L’Argentine Bélen López Peiró ose raconter cet oncle et les viols qui seront disséqués ad nauseum plus tard, dans un premier livre, « Pourquoi tu revenais tous les étés » (Éditions Globe). « Là où je n’ai plus pied » nous emmène sur le chemin tortueux de la bataille judiciaire. La jeune femme va parler jusqu’à plus soif. Dans les grandes lignes, dans les détails et encore plus de détails. Une fois, dix fois, cent fois, neuf ans. Une locomotive puis un train lancé à grande vitesse balayant tout sur son passage. Parce que dans ce genre d’affaires, il y a les faits et les dégâts collatéraux. Il y a soi et les autres. Et ils ne sont pas rien, les autres. Ce ne sont pas eux que les gros doigts de l’oncle ont touchés. Surtout pas, ils n’en veulent pas. Entre les soutiens, les détracteurs et les accusateurs, ces moments de violation de l’intime échappent et deviennent la propriété de tous. Un enfer qui tourne en boucle indéfiniment.

Lorsque le processus de la parole est enclenché, il y a le soulagement. De courte durée. Parce qu’en réalité, rien ne change. La peine, la blessure, la honte, rien ne part jamais. Alors, on franchit un autre océan, on saisit la justice. On est déjà allé au commissariat, on a porté plainte et on a décidé d’aller plus loin. On veut que l’oncle soit reconnu coupable et qu’il subisse une peine. Aussi grande que la sienne. Impossible, jamais, alors on se contentera d’une privation de liberté.

Le texte de Belén López Peiró est polyphonique et rythmé par l’insertion des procès-verbaux. La voix du père traduit l’incrédulité, celle du frère le fait qu’il n’ait rien vu, celle de la fille de l’agresseur est synonyme de colère et de déni tout comme celle de l’épouse. Le premier avocat est aussi convié à se faire entendre dans cette symphonie discordante. C’est donc une narration hachée, inventive où sont insérés des SMS, des définitions de mots trouvés sur Internet. Sans oublier les réseaux sociaux. Le viol est une arme vieille comme le monde. C’est le fusil de l’homme faible. Il peut être inconnu mais il peut aussi être le voisin, le père, le frère ou l’oncle. Il échappe à l’usure du temps, il a une capacité de renouvellement infini. Comment en parler en réinventant sa narration ? Comment capter l’attention pour partager une douleur commune à toutes les victimes ?

La journaliste argentine de formation nous emmène dans ce labyrinthe émotionnel et judiciaire et nous fait vivre cette double peine que s’infligent parfois certaines victimes. Il y a de grands moments de découragement, d’envie de renoncement tout au long de la préparation du procès. « Je ne vais plus à la fac, je ne me présente pas à mon dernier examen de master ». On lui propose une procédure abrégée. Elle a déjà mis cinq ans à trouver une avocate, une représentante et une commission capable de l’accompagner. Et voilà qu’on lui propose une solution. « Oublier? Lâcher ? Laisser tomber ? Est-ce qu’on peut réparer le corps comme on répare une tasse ébréchée ? »

2023, c’est fini. Un dossier de 500 pages, deux avocats, une représentante, une commissaire judiciaire, quinze ans de thérapie, la famille coupée en deux et le village qui couvre l’abuseur. Quand le procès s’ouvre enfin, il dure cinq jours  et la sentence tombe : dix ans de prison. « À partir de maintenant, je vais commencer à écrire autre chose ».

 » Là où je n’ai plus pied », de Belén López Peiró, traduit de l’espagnol (Argentine), Éditions Globe, 384 pages, 24 euros.

 

« Il est long le chemin du retour » de Attica Locke : un roman, véritable manifeste politique

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C’est sans doute le plus politique des romans de Attika Locke. Celui où elle ne mâche pas ses mots à l’encontre du président de son pays. Pas de faux-semblants, pas de politically correct, la romancière texane dénonce avec force le racisme systémique qui frappe encore et encore les États-Unis d’Amérique. Mais elle va bien au-delà. Elle se sert de son Texas natal pour étendre son message : celui d’un appel aux citoyens à se réveiller, à sortir activement de ce cauchemar avant d’atteindre un point de non-retour.

Darren Matthews, son personnage principal et récurrent de la trilogie, n’est pas en très grande forme. Il a quitté les Texas Rangers, emberlificoté dans un procès dont Bell, sa propre mère, a joué un rôle crucial. Elle est celle qui pourrait bien l’envoyer derrière les barreaux. Aussi est-il estomaqué lorsque sa génitrice surgit un jour, après des années d’absence, et lui demande de l’aide. Ayant accumulé des décennies de rancœur à son égard, il ne l’accueille pas les bras ouverts. Loin s’en faut. Mais elle insiste, affirme qu’elle ne boit plus depuis deux ans. Lui, le fils, a pitoyablement pris le relais et le bourbon Jim Beam est devenu son plus fidèle compagnon.

Attica Locke pose ainsi les fondations de son dernier roman policier. Sera Fuller, étudiante noire d’origine modeste, faisait partie de la sonorité entièrement blanche de l’université du Texas. Selon Bell qui fait le ménage dans la résidence, la jeune fille a disparu. Il lui est sûrement arrivé quelque chose parce qu’elle a retrouvé ses affaires en vrac, dans la poubelle derrière le bâtiment. À partir de là, la romancière tisse la toile de l’intrigue, la réconciliation chaotique du tandem mère/fils, avec un oncle, le frère de la maman, qui remplit les blancs de bien d’interrogations. Et qui surtout change dramatiquement le récit familial des deux autres oncles toujours très critiques envers Bell et son mari. Ce sont des pans entiers de vérités supposées qui explosent comme si Darren avait marché sur des mines anti personnelles. Le duo bancal examine la piste raciste, après tout on est au Texas, que faisait la jeune fille dans une sororité blanche ? Les parents vivent et le père travaille dans l’entreprise Thornville. Sur le papier, l’employeur idéal qui offre logement, sécurité sociale, une forme de philanthropie capitaliste bon teint qui interpelle.

En réalité, la rencontre d’une femme et d’un homme. Carey-Ann Thorn et E. J. Hill, deux héritiers de l’aristocratie texane, bien décidés à imposer leur vision de la société. Et qui inclue une curieuse prise en charge de leurs employés regroupés dans une ville sortie de terre, jouxtant l’usine de viande du couple. « Une ville représentant toutes les caractéristiques d’une version XXIe des villes-scieries d’antan ». C’est là que Darren et sa mère rencontrent Joseph, le père de Sera qui ne semble pas s’inquiéter de la disparition de sa fille. « Il s’agit d’une de nos familles modèles; l’une de nos plus grandes réussites », explique Carey-Ann Thorn, comme si elle vantait les mérites d’une voiture dernier cri. D’ailleurs, Joseph rêve de raconter son histoire au gala de Keep America Working, qui souligne la générosité et réussite de la vision du couple texan. Joseph est prêt à se renier lui-même afin de garder son travail et tout ce qui va avec. Mais au-delà, c’est son identité qu’il dissout au profit d’une utopie qui n’est même pas la sienne. Joseph incarne clairement l’inverse de la romancière, guerrière en marche. Une sorte de soumission instrumentalisée par les Blancs depuis des années. Thornville est le piège parfait, il offre puis reprend. Sans pitié et avec méthode. Le parallèle avec ce qui se passe aujourd’hui en Amérique est flagrant.

La destruction interne du Ranger démissionnaire se confond avec le tournant tragique que le pays a pris depuis l’arrivée de Donald Trump sur la scène politique américaine. Attica Locke ne se cache derrière aucun artifice littéraire et se montre volontairement parfois irrévérencieuse. « Un charlatan avait pris le volant, et atteint la Maison Blanche… La réalité elle-même ne semblait plus réelle, le sol se dérobait sous nos pas. Nous flottions sans garde-corps dans un monde en plein délire ». Le roman est un constat sans appel mais aussi un cri d’alarme pour ne pas dire un hurlement. « Il fallait accepter que les Pères fondateurs, cette bande de types grandiloquents, intarissables dès qu’ils buvaient un coup de trop, avaient griffonné des lois et des idéaux qui se contredisaient une fois sur trois, et qu’ils s’imaginaient pouvoir édifier un monument de liberté sur des fondations creusées par des esclaves. Ce n’était qu’un château de cartes. Un écran de fumée ». Attica Locke aime  cet État du Sud qui ne fut jamais une terre amicale pour les Noirs d’Amérique. Lorsqu’elle l’évoque ou le décrit par le menu, l’amour est là. Sans couleur si ce n’est celle d’une nature torturée par des hommes que l’on croyait au fil du temps peu à peu maîtrisés. Mais qui dernièrement sous l’impulsion de vents mauvais, reviennent en force, cette fois à visage découvert, ivres d’un retour qu’ils estiment légitimes. Sous couvert de distraire un lecteur avide d’intrigues complexes, le roman d’Attica Locke relève quasiment du manifeste politique. Courageux et nécessaire .

« Il est long le chemin du retour » d’Attica Locke, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Paul, Éditions Liana Levi, 304 pages, 21 euros.

 

« Le Baiser de la Demoiselle » : histoire d’une femme décapitée de Kate Foster

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C’est un premier roman furieusement féministe. Une fiction tirée d’une histoire vraie ayant eu lieu en 1679. La justice de l’époque n’allait pas rater une accusée de ce calibre. Une lady, adultérine, putain et meurtrière, surnommée la « Dame blanche de Corstorphine ». La romancière écossaise Kate Foster aussi n’est pas passée à côté de ce true crime fabuleux et nous conte l’aventure malheureuse d’une femme de sang bleu qui s’est crue tout permis, et qui fut punie de cette audace, décapitée par la lame tranchante du « Baiser de la Demoiselle ».

Un bien joli nom donné à l’ancêtre de la guillotine française, la redoutable machine, « conçue  pour décapiter les membres de la noblesse », avec un mécanisme rapide et réputé moins douloureux que cette bonne vieille hache. « Sans qu’aucune de ses victimes n’a survécu pour en témoigner ». Le roman de Kate Foster est savoureux. Il nous transporte à une époque de libertinage absolu et d’obscurantisme religieux tout aussi vivace. L’église est toute puissante. Elle régit l’existence de ses ouailles. Seuls les nobles s’enhardissent et tentent de s’en affranchir.

Comment a-t-elle pu croire qu’elle n’allait pas en payer le prix ? Lady Christian Nimmo s’est amourachée de son oncle lord James Forrester. Ce fut un long et patient processus de la part de ce dernier. En bon prédateur qu’il est, il a repéré sa proie à l’adolescence, bénéficiant de son statut familial de proximité. Le père de Christian est mort. Lord James gère les comptes. « Il ne repartait jamais les mains vides. Les biens disparaissaient dans les voitures qu’il envoyait. Et pendant un certain temps, nous avions droit aux meilleurs morceaux de viande, aux tourtes au bœuf et aux rognons. Aux robes neuves. Ils vendaient nos biens au nom de Mère ». Le gentil tonton ne prend pas que ça. Il considère sa nièce comme une prise de guerre. Nécessaire à sa libido insatiable.

Lord James joue sur du velours. L’enfant devenue femme a épousé un marchand de tissus. Un homme bon et généreux, respectueux au point de l’ignorer lorsque la nuit tombe et que les couples se retrouvent à l’abri des regards dans leur chambre fermée. En réalité, Andrew Nimmo n’a que peu d’appétence pour le corps féminin. Or, lady Christian déborde d’un appétit sexuel que ce cher oncle James a su attiser. Cela tombe bien. Andrew part souvent en voyage. L’épouse délaissée trouve refuge chez cet amant libidineux qu’elle croit tout à elle.  Si les apparences restent sauves quelque temps, le sens des conventions s’envole au fil des pages et du drame annoncé. D’autant que Christian découvre une autre femme qui intéresse aussi James : Violet la servante qui n’en n’est pas une mais une prostitué que le laird extirpe régulièrement du bordel du coin pendant plusieurs semaines, et qu’il cache dans une aile de la demeure. Les deux femmes finiront par se rencontrer.

Le portrait de la prédation à cette époque est remarquable. Dans une toute puissance caractéristique, ce nanti protégé par une impunité totale, se sert de son statut social pour traîner toutes les femmes dans son lit. Christian qui se brûle d’amour pour cet homme comprend trop tard sa bévue. Mais ce n’est pas l’ère MeToo. La transgression sociale de Christian est allée trop loin. Pour cette fois, même sa parole n’aura pas le poids de celle d’une fille de joie. Comment est-ce possible ? Kate Forster dresse un magnifique portrait de femme. Ou plutôt de femmes. Toutes, quel que soit leur statut, sont prises au piège de la volonté et du désir de l’homme. Il n’y a pas d’affranchissement possible.

Le désir, voilà ce dont parle Kate Forster. Et celui de la gent féminine ne peut exister dans cette société bon teint et religieuse jusqu’à l’excès. Celui de ces messieurs est en revanche tout puissant, même si dans le cas de James, il le conduira à sa perte. La mère de Christian, sa sœur, toutes savaient ce qui se tramait, mais la peur du déclassement les a poussées à fermer les yeux. Laissant la jeune fille bien incapable de résister aux assauts de cet homme sans limite. Le jour fatidique, elles sont trois autour de leur proie : Christian, Violet et Oriana, la bonne. Cette dernière, faussement et tragiquement renvoyée du château pour vol, a dû goûter à l’infâme séance de repentir imaginée par l’ecclésiastique, et elle s’est retrouvée  assise sur le tabouret à l’église, sous les yeux de tous. Ce jour-là, pourtant, ce trio bafoué, humilié et incapable de se défendre, a pris son destin en main. Un poignard et une mise à mort. Une seule en paiera le prix fort. Lady Christian meurt vêtue d’une robe en dentelle exquise. Offerte par son marchand de tissus de mari. Un homme qui aimait habiller les femmes mais sans jamais les toucher.

« Le Baiser de la Demoiselle » de Kate Foster, Éditions Phébus, 406 pages, 22,90 euros.

 

« Les suppliciées d’Appoigny » de Sabrina Champenois : la désinvolture coupable de la justice

Il se passe toujours plein de choses dans les villages. Pas forcément sympathiques. Voire sordides. Comme l’affaire des « Suppliciées d’Appoigny » que nous raconte Sabrina Champenois. Après avoir traité précédemment de quelques grands dossiers froids outre-Atlantique, la collection True Crime 10/18, en collaboration avec Libération, s’intéresse, cette fois, aux faits-divers français. Et c’est la journaliste du quotidien qui ouvre le bal printanier de cette farandole macabre.

1984. Nous sommes dans l’Yonne, la région de Guy Roux, le chouchou, l’entraîneur de l’AJ Auxerre. Celui qui a eu la chance de voir évoluer Djibril Cissé et surtout Éric Cantona sur ses terrains. De la graine de stars. Claude et Monique Dunand vont accéder à une relative notoriété d’un autre genre. Beaucoup moins sexy. Même si tout commence justement par des jeunes filles. Huguette a 18 ans, elle vient de la DDASS. « Elle est un fétu, écrit Sabrina Champenois, elle n’a pas de formation particulière, pas d’appuis, pas de moyens, pas de projets ». Elle est la proie idéale. Les prédateurs savent les repérer. Le couple passe une annonce dans la presse locale. Un miracle pour Huguette qui a dû quitter son foyer parce qu’elle a atteint sa majorité. Elle sera nourrie, logée et s’occupera d’un handicapé. L’affaire est rondement menée, un seul rendez-vous dans un café d’Auxerre et c’est plié. Il n’y a aucune fioritures chez le couple Dunand. Dès son arrivée, Huguette qui croyait avoir son petit logement personnel, atterrit à la cave. La suite est un cauchemar. Tortures, viols et pâté pour chiens en guise de nourriture. Il y a de la complicité dans l’air. Elle est tellement abîmée qu’un généraliste vient l’ausculter. Le verdict est sans appel : « Elle ne sert plus à rien ». Il y aura une deuxième victime.  Michaëlla ne pourra pas s’échapper.

1991. L’instruction dure sept ans. Le procès Mazan n’a pas encore eut lieu. Le huis clos est évident. « Raconter leur calvaire au vu et au su de tout le monde leur est impossible, la perspective du procès les hante depuis des mois. Se retrouver face aux Dunand, replonger dans les abysses, revivre ces jours et ces nuits où toute dignité leur a été niée, est un cauchemar ». Normalement, c’est une affaire sans mauvaise surprise, Claude Dunand risque la perpétuité. Cette façon qu’il a de décrire la routine de son quotidien de l’époque va dans ce sens : « Oh, toujours la même chose. Les fouets, les épingles, le tournevis, le transformateur… » Peu de chances d’émouvoir le tribunal. S’il accepte de plaider coupable, c’est pour mieux en rejeter la faute sur Monique. Ce serait elle, l’instigatrice de toute cette folie. Il n’est lui-même qu’une victime. Il ne convainc pas grand monde et prend la réclusion à vie. Logique.

Pourtant, seize ans plus tard (avec la préventive), il est dehors. Claude Dunand bénéficie de la toute nouvelle loi sur la présomption d’innocence, qui lui permet de faire appel de sa condamnation. Son côté prisonnier modèle, le fait qu’il ait soixante-dix ans et qu’il se soit amendé ont plaidé en sa faveur. Comme l’écrit la journaliste, « la libération de Dunand ne choque que ses victimes. » D’autant  que la presse nationale a braqué ses projecteurs sur une autre affaire, celle de Émile Louis, le brave monsieur chauffeur de car qui avoue sept meurtres d’handicapés avant de se rétracter. Si les deux affaires ne se rejoignent pas, elles ont des similitudes administratives : « Le parquet d’Auxerre a été dans les deux cas d’une remarquable désinvolture, au minimum ». Ce genre de fait-divers est propice à toutes les rumeurs et toutes les théories du complot. On parle d’un petit carnet noir, de gens hauts placés qui auraient été des visiteurs réguliers du sous-sol de chez les Dunand. C’est d’autant plus facile d’élaborer ce genre de théories que l’un des grands noms politiques de l’époque dans la région de l’Yonne est Jean-Pierre Soisson, et « qu’il intercède en 1990 auprès de son collègue garde des Sceaux, Arpaillange, en faveur de la remise en liberté conditionnelle de Dunand ». De quoi emballer l’imagination.

Et Dunand dans tout ça ? Il est mort de sa belle mort dans son lit. Il s’était même payé le luxe de se remarier – sa dernière femme mourra dans des conditions douteuses-. Il n’a jamais rien ajouter à ce qu’il avait avoué à son procès. Huguette et Michaëlla  ont continué à vivre. Ou plutôt à survivre. Leur drame n’a pas particulièrement ému. Elles ont été les dégâts collatéraux d’une justice bordélique et sans âme. Et d’une indifférence de la société.

« Les Suppliciées d’Appoigny » de Sabrina Champenois, Éditions 10/18, Libération, 208 pages, 8.30 euros.

 

 

« Moscou X » de David McCloskey : poker menteur entre Russes et Américains

David McCloskey a fait une entrée fracassante sur la scène du thriller d’espionnage avec Mission Damas, l’an dernier. Il revient avec Moscou X, un autre pavé de 588 pages aussi musclé que le précédent. Cette fois, on fricote avec le Khozyain, le Maître, le président Vladimir Poutine, et ses sbires du Kremlin. Et on s’interroge. Qui est le plus fort ? Le pays de l’Oncle Sam ou la Fédération de Russie ? Une rivalité romanesque rattrapée par la réalité du moment. Trump est-il bien inspiré de se rapprocher de son homologue russe ?

La CIA n’a que faire des railleries. Ses échecs passés, pas grave. Au fond, cela reste dans son ADN de continuer à échafauder toutes sortes de coups tordus pour déstabiliser l’ennemi. On retrouve donc Ed Bradley, le directeur adjoint de la CIA et Artemis Aphrodite Procter. Cette dernière vient de se faire avoir par les Russes en possession de quelques des photos compromettantes. Le gars qui a eu cette grande idée n’est pas prêt de remarcher normalement avant longtemps, mais Procter a franchement énervé les huiles de l’Agence. Comme elle ne manque pas d’air et ne lâche jamais l’affaire, elle réclame un poste dans « la nouvelle arrière-boutique qui gère tous les coups tordus contre la Russie Moscou X ». On ne peut pas dire qu’elle suscite l’enthousiasme de Bradley. Mais le big boss a une idée en tête. La Russie, oui, bien sûr, avec un plan bien précis, et Procter possède quelques atouts. Comme cette obsession quasi pathologique envers les Ruscovs tout en ayant intégré depuis belle lurette que ce pays ne sera jamais une démocratie. Non, ce qu’elle aime, c’est chatouiller Vladimir, attiser sa paranoïa. Monter de toutes pièces des situations de déstabilisation en est la parfaite illustration. Parce que Procter en est convaincue. « La mentalité russe consiste à nous pousser et à nous asticoter jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réaction. Ils iront aussi loin que nous les laisserons aller. Nous devons tracer une limite, leur rendre des coups, les forcer à réévaluer leur approche ». Et comme Procter n’est pas dénuée de perversité, elle tient aussi à s’assurer que Vladimir pense que c’est la CIA. Parce que ce sera bien la CIA.

Au même moment, à Saint-Pétersbourg, un casse d’un genre un peu spécial est entrain de se dérouler à la banque Rossiya dont l’actionnaire principal est le général à la retraite, Andreï Borissovitch Agapov. Sur la foi d’un document émanant du FSB (Service fédéral de sécurité russe), le lieutenant-colonel Konstantin Konstantinovich Tchernov vient récupérer 221 lingots d’or pour les transférer vers une réserve stratégique située à l’Est. « Les chaussures Ferragamo noires de Tchernov claquèrent sur le marbre du hall, leurs talons immaculés suivis par une imposante cohorte de policiers en tenue des chariots et des caisses ». Inutile de dire que le chef de la sécurité qui trouve la manœuvre curieuse ne moufte pas. Personne n’aime les hommes du FSB et surtout pas son patron, Vassili Platonovitch Grusev, dit La Grue.

On repart. Direction Londres. Hortensia Fox est avocate pour un cabinet qui ne paie pas de mine mais rémunère cinq fois plus que les autres. Les clients sont douteux. Assad, Poutine, Al Saoud, Khamenei et d’autres. Et de quoi va-t-elle s’occuper, celle qui déteste son prénom et se fait appeler Sia ? De fameuses caisses d’or. Une grossière erreur, selon Sia Fox, parce que la demoiselle émarge à la CIA. Qui a donc osé s’attaquer à Agapov, cet ancien du KGB ? Un seul nom émerge. La Grue, l’ancien camarade du KGB de Agapov et qui trône désormais dans un bureau au bout du couloir de Poutine. Des intrigues staliniennes à revendre avec des hommes aux mains pleines de sang. On est au cœur du roman. David McCloskey déploie la même habileté à nous faire découvrir la Russie d’aujourd’hui qu’il a eu à nous balader dans les venelles de Damas, avant qu’elle ne soit libérée de la dictature Assad. L’ancien analyste de la CIA s’appuie sur ses connaissances personnelles passées qui donnent au livre une expertise qui tombe à pic. Qui n’a pas envie en ce moment d’aller voir ce qui se passe chez les Russes ? Qui n’a pas envie de farfouiller dans la tête de Vladimir, histoire de comprendre à quelle sauce le monde va être mangé.

Une ambiance à la narcos. Avec le Mexicain torride Maximiliano Castillo, propriétaire d’un haras à San Cristobal et qui est en cheville avec la CIA, depuis des années. Le deal de l’Agence est tordu. Attirer dans leurs filets le couple Anna Andreevna Agapova, fille du père banquier, et son mari, Vadim Kovaltchouk, argentier d’un circuit parallèle dans les finances de Poutine et grand amateur de purs sangs. Deux couples qui jouent au poker menteur. Un numéro de claquettes à la Roméo et Juliette qui tourne autour de cette histoire de caisses d’or. Qui blanchit quoi, qui a pris à qui ? Anna est la cible principale. La CIA sait déjà qu’elle l’appellera PERSEPHONE. Ce qui nous amène au duo le plus intéressant, les deux agentes, Anna et Sia qui savent reconnaître en l’une et l’autre, une grosse menteuse. Sia n’est pas plus avocate que Anna, charmante épouse sans lien avec les Services de renseignements russes. Bien au contraire, la dame respire le SVR (Service des renseignements extérieurs de Russie). La confiance ne fait pas partie du schéma mental d’un espion. Comment être sûr que la CIA pourra la retourner et quel sera l’argument pour la pousser à trahir son pays ? La confrontation est savoureuse. Qui pour jouer qui au cinéma, si par le plus grand des hasards, quelqu’un à Hollywood achète les droits du roman américain.

Moscou ne semble pas avoir plus de secrets que Damas pour David McCloskey. Si dans le premier ouvrage, on suivait les filatures dantesques du héros dans les rues de la capitale syrienne, cette fois l’auteur nous plonge dans la culture du secret et des crapuleries du régime poutinien. On étouffe autant que l’on flippe avec Sia lorsqu’elle pénètre en Russie. On a qu’une envie, c’est de ficher le camp. Au jeu de la plus solide, Anna qui boit autant de vodka que ses congénères masculins, est Number One, comme si le régime russe avait produit des individus hors normes. Genre super héros robotique machiavélique et sans état d’âme aucun. Sia et ses tourments intérieurs nous apparaissent aussi sympathiques que fragiles. Poutine balaierait d’un revers de la main tous ces traits de caractère comme occidentaux et décadents. En ces temps de bruit de bottes, il n’aurait peut-être pas tort.

Moscou X de David McCloskey, traduit de l’anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel-Guedj, Éditions Verso, label du Seuil, 592 pages, 23.90 euros. 

 

 

« Toutes les nuances de la nuit » de Chris Whitaker : une ode à la différence

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C’est un conte où l’on carbure à l’émotion. Sans retenue. En mode montagnes russes et à plein régime. Le rythme est infernal. Au terme de 800 pages, Chris Whitaker nous achève avec cette histoire intense et des personnages incandescents. « Toutes les nuances de la nuit » s’étend sur trente longues années faites de multiples rebondissements. Un superbe roman qui ne cesse de prendre le lecteur à contre-pied.

Le héros s’appelle Patch Macauley et porte un cache-œil. L’héroïne, Saint, est surnommée « l’apicultrice » parce qu’elle cultive les abeilles. Patch en anglais signifie correction, réparation. Un prénom lourd de sens. Ces deux-là vont se rencontrer dans l’enfance. Chacun à leur façon détonnent à Monta Clare, petite bourgade humide des Monts Ozark du Missouri. Eux-mêmes ont leurs différences. Elles deviendront complémentaires. La ville se niche au creux d’une vallée et se prolonge à flanc de montagne. Tout le monde se connaît, tout le monde s’épie. Mais c’est Patch, 13 ans, qui le voit. L’agresseur, celui qui s’en prend à Misty Meyer, l’adolescente la plus populaire du lycée. Il la sauve. Puis il disparaît à son tour. Saint alerte la police. L’inspecteur Nix se montre sceptique, mou, condescendant. Alors, elle enquête toute seule, elle mettra plus d’un an mais elle le sauvera. La première de mille fois. Ce sera donc leur histoire. Celle d’une amitié hors norme, envers et contre tout. Avec Chris Whitaker, on sera constamment dans la dynamique de la bascule.

Sauver Misty puis être lui-même séquestré marquent les actes fondateurs de la destinée de Patch. Lorsqu’il est enfermé, une fille que ce dernier ne voit jamais, lui murmure à l’oreille dans une obscurité grinçante. Quand il est enfin délivré, il n’aura de cesse de la chercher. Elle aura été sa planche de sauvetage à l’intérieur, elle sera son enfer à l’extérieur. Obsédé par l’idée de la retrouver afin de l’arracher des griffes de celui qu’il croît être le même agresseur, Patch suivra la piste de disparues dans tout le pays, pendant des années. Il ira même jusqu’à braquer des banques pour financer son road trip et donner le reste des butins aux associations de personnes manquantes. « Il cherchait une fille dont il ignorait tout, qui venait d’un passé si lointain qu’il ne rencontrait que des désespérés ». Il savait juste ce qu’elle lui avait soufflé. Qu’elle s’appelait « Grace ».

Chaque personnage ne vit que par et pour son obsession. Une ombre entêtante, paralysante. Ils sont tous prisonniers de leurs blessures. Ils avancent avec peine, reculent souvent, bifurquent, se perdent. Mais Patch aura une fille. Elle incarnera l’ultime réparation, la rédemption et l’avenir. Chris Whitaker signe un roman où toutes les nuances de l’existence se noient dans une vie qui glisse entre les mains de ses protagonistes. Une épopée, un western moderne d’un romanesque subtil où loyauté et vérité sont les compas dans un univers déboussolé. Une réussite.

« Toutes les nuances de la nuit » de Chris Whitaker, traduit de l’anglais par Cindy Colin-Kapen, Éditions Sonatine, 816 pages, 25.90 euros.