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« La jeune fille et le feu » de Claire Raphaël : et si elle était innocente ?

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L’autrice est ingénieure de la police scientifique. C’est à garder en mémoire à la lecture de son très joli roman. Claire Raphaël se met dans les pas de l’enquêtrice Jasmine et d’Astrid la lycéenne. Une confrontation qui ne dit pas son nom. Tantôt feutrée, tantôt plus rugueuse. Nous sommes au cœur du travail de fourmi de ces policiers anonymes qui traitent au jour le jour des situations qui n’ont aucune chance de faire la Une des médias ou d’atterrir chez les ténors du barreau. Nous sommes dans la vie de ces cités où « les violences s’invitent régulièrement et de préférence le soir après vingt-heures. »

La cité des Musiciens a été construite à l’époque où la France faisait venir chez elle des ouvriers immigrés à la pelle. Elle a suivi le chemin tragique de bien d’autres du même genre. Elle s’est repliée, recroquevillée sur elle-même, oubliée des pouvoirs publics, laissée à la dérive d’une violence en embuscade. Le feu a pris au dixième étage dans un appartement où la table ronde du salon carré donnait l’illusion d’une maison bien tenue. Il s’est concentré dans la cuisine, a consumé un placard en hauteur et partiellement attaqué un rideau. Une jeune fille s’est enfuie à l’arrivée des pompiers.

La victime, Émilie Frontenac n’a pas forcément le meilleur des CV. Mauvais état de santé, alcoolique, bourrée d’anxiolytiques, bref autant dire qu’elle a pu mettre le rif toute seule ivre morte dans sa cuisine. Mais avant de tirer la moindre conclusion, il faut impérativement mettre la main sur la seule fille qui lui reste (les autres lui ont été enlevées) Astrid, élève de terminale, filière bac pro commerce. Elle est d’emblée la victime et la suspecte. Lorsque la brigade anticriminalité lui met enfin la main dessus, le premier face à face est tendu mais surtout déroutant. Deux heures de questions méthodiques. Du travail de flic classique, application de la méthode, et une gamine qui tient le coup. Comme une grande. Good cop, bad cop. Jasmine est la gentille, Tom son chef, le méchant. Ils la placent en cellule. Histoire qu’elle réalise, peut-être même, qu’elle cède et avoue s’il s’avère que le sinistre est d’origine criminelle. Après tout, sa mère était défaillante, voire monstrueuse. Astrid ne se défile jamais mais ne dramatise pas pour autant. Sa mère, c’est sa mère, elle n’est pas comme sa génitrice. Le déterminisme social, économique et génétique, ce n’est pas pour elle. Astrid veut faire exploser les barrières, elle ne se fixe aucune limite. Elle a un copain, elle aura un boulot, une famille, elle est elle, pas l’autre.

Jasmine et Tom n’en démordent pas. Il y a un truc qui cloche. Le temps de la justice n’est pas le nôtre ni même celui des convictions des policiers qui l’appliquent. Il parasite le jugement, altère le discernement. Claire Raphaël est dans son élément, elle nous expose à la lenteur des procédures, juridiques et scientifiques. Le désir de bien faire les choses qui confine parfois au harcèlement. Comme avec cette jeune fille qui vient de perdre une mère comme personne n’en voudrait. Tom va lâcher emporté vers un autre poste, Jasmine en sera incapable. Si Astrid la touche, sa quête de la vérité et de la justice l’emporte. Jusqu’à l’obsession. Ce sont deux portraits de femmes, l’une plus jeune que l’autre, par petites touches sensibles. Deux volontés qui s’affrontent, qui s’opposent. Elles ne tirent pas dans la même direction. La vie sourit à Astrid, envers et contre tout. C’est justement ce qui inquiète Jasmine. « Je me suis demandé comment elle faisait pour vivre ainsi, pour contenir cette folie, cette folie que les humiliations avaient fait naître et qu’elle avait réussi à convertir en joie de vivre mais pour combien de temps ? » Le roman de Claire Raphaël est emprunt d’une humanité chahutée. Les uns s’en sortent, les autres tombent. Astrid n’aime pas les chutes.

« La jeune fille et le feu » par Claire Raphaël, Éditions Rouergue Noir, 240 pages, 21,50 euros.

 

 

 

 

Dans les nouveaux filets de Lars Kepler

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« L’Araignée » est le neuvième roman du tandem Lars Kepler consacré à l’inspecteur Joona Linna. Mari et femme à la ville. Les fans apprécieront. Les autres découvriront une mécanique de Page Turner bien huilée. Sans faire la fine bouche. Après tout, réussir à se renouveler sans trop se perdre, n’est déjà pas si mal.

On retrouve les personnages fétiches des deux écrivains. Il y a trois ans, Saga Bauer, une flic carrément très intense, reçoit une carte postale dont la menace n’a rien d’équivoque : un fusil, neuf balles et un texte qui dit explicitement que l’une des munitions est destinée à Joona Linna. Et la seule qui peut le sauver, c’est justement Saga. Mais la jeune femme a d’autres soucis, elle a un peu perdu de vue cette missive. Jusqu’au moment où, un sac avec un corps complètement dissous est découvert dans le quartier de Kapellskär. Détail artistique : le sac est suspendu à la branche d’un arbre. Notre tueur qui semble pourtant d’une prudence de Sioux a laissé une cartouche d’un blanc laiteux sur le sol. La première victime, Margot Silverman, est directrice de la NOA, la section opérationnelle de la police suédoise. C’est dire si le meurtrier ne craint pas de taper haut et fort.

Le jeudi qui précède le premier meurtre, Saga a reçu une autre drôle de surprise dans sa boîte aux lettres : une boîte en carton avec à l’intérieur, enveloppée dans du papier et de la dentelle fine, une figurine en étain de la taille d’une cartouche de fusil. Que représente-t-elle ? Le visage d’un homme grossièrement sculpté, barbe fournie, sourcils épais, yeux profonds et nez étroit. Le connard, qui lui sert de boss à son agence de détective où elle travaille en attendant de réintégrer la police, lui a menti. Il y avait une autre boîte avant celle-là. Saga est furax, l’ouvre et découvre le visage de Margot. La machine est lancée. Sans qu’elle comprenne encore pourquoi, Saga est donc au cœur du drame. C’est à elle que le tueur annonce à chaque fois la prochaine victime. Tic-tac. Neuf cibles à venir. Tic-tac. Course contre la montre, sinon il va y avoir une véritable hécatombe. Sans compter le dernier visé : Joona Linna. L’équipe est bonne. Les tableaux Excel s’enchaînent :

Figurines en étain.

Emballages prédisant le lieu du crime.

Le tueur tire sur ses victimes dans le dos à bout portant.

Munitions : cartouche russe Makarov 9X18 mm parabellum, amorce au mercure, chemisage en argent.

Possède une voiture avec un treuil électrique.

Compétences matériaux : figurines en étain, argent chauffé à blanc, hydroxyde de sodium.

Lieu des meurtres et lieu de découverte des corps différents.

Deux cartes postales avec menaces dirigées contre Joona et responsabilité de le sauver revient à Saga.

Les analyses sont pointues mais rien n’y fait. Le tueur a toujours un coup d’avance. Les crimes des romans de Lars Kepler ne sont jamais simples ou faciles à réaliser. Beaucoup d’imagination et de savoir-faire. « L’Araignée » est du même tonneau. L’entreprise littéraire arachnéenne du couple suédois tisse sa toile depuis quatorze ans maintenant et a vendu près de cinq millions d’ouvrages dans le monde. Respect.

« L’Araignée » de Lars Kepler, traduit par Marianne Ségol-Samoy, Éditions Actes Sud/Noir, 544 pages, 24.50 euros.

 

 

 

 

« Dans la Maison de mon Père » de Joseph O’Connor : un héros en soutane.

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Il est le prêtre. Puissant, géant, il est un tout. Il pourrait être Dieu. Il ne l’est pas, bien sûr. Hugh O’Flaherty est mieux que ça, il est vivant, visible, il agit. Il est la bête noire de Paul Hauptmann, son alter-ego version Malin. Le chef de la Gestapo veut sa peau et celle de toute la filière qui sauve les Juifs de Rome occupée. Joseph O’connor signe un roman dense où le bien et le mal s’affrontent à travers deux personnages coups de poing. Du grand art littéraire inspiré d’une histoire vraie.

Le véritable O‘Flaherty a sauvé plus de 5 000 juifs et prisonniers de guerre alliés pendant la Seconde guerre mondiale. Il est l’Oscar Schindler irlandais. « Dans la Maison de mon Père » magnifie cette histoire de héros en soutane accompagné d’un chœur hétéroclite constitué d’hommes et de femmes dont le lien essentiel repose sur la haine de l’occupant et la volonté farouche de faire triompher les Alliés. La construction du roman est à l’image de cette clique flamboyante : tout sauf linéaire. Il y a le compte à rebours de la mission de tous les dangers, les transcriptions de la BBC qui permet aux protagonistes de donner leur version de cette fameuse nuit. Ou encore celles des nazis qui renseignent méthodiquement leur chef Hauptmann. Enfin, des extraits de mémoire, le testament de Flaherty, la correspondance à ses parents.

Il est Irlandais. Ceci explique peut-être cela. La révolte coule dans ses veines ou au mieux l’absence de soumission. Problématique pour un homme d’église. Ce que lui rappelle plus que vertement le pontife en personne alors qu’il le reçoit dans son bureau, au Vatican. Les deux hommes se parlent en latin. Nous sommes au cœur de la maison de Dieu. Le Saint-Père est en colère. Il cite Shakespeare, il raille la désobéissance de son vassal. « Sans doute est-ce nous, l’évêque de Rome, qui devrions nous agenouiller devant vous. E bene. » et de joindre le geste à la parole sous l’œil effaré de la sœur présente et de Flaherty mortifié. « Nous vous retirons sur – le – champ votre titre de représentant du Vatican. Vous n’irez nulle part. » Finies les visites de soutien aux prisonniers. Flaherty reste enfermé au Vatican pendant six mois. Le prix à payer pour avoir désobéi aux ordres, pour s’être fait remarquer auprès des nazis. Porter assistance n’est pas ce que l’on attendait de lui. Sa seule mission était de ne pas mettre en péril le Vatican.

Mais c’est une forte tête ou une âme noble. A vous de choisir. Il obtient qu’on allège sa sentence. A la condition qu’il n’attire en aucun cas, l’attention des autorités. Seulement, il y a urgence, la neutralité supposée et affichée du Vatican lui pèse, il y a des vies à sauver. Nous sommes en 1943 à la veille de Noël. O’Flaherty doit faire vite, distribuer des sommes d’argent à des gens qui se cachent dans la ville de Rome et les exfiltrer. Le plan a été répété maintes fois. Chanté plus exactement. Par un drôle de chœur, constitué de huit membres. Italiens, Irlandais, Anglais, aristocrates et roturiers. Les sopranos Delia Kiernan et Marianna De Vries, l’alto, la contessa Giovanni Landini, les ténors, Sir D’Arcy Osborne, le major Sam Derry, et Enzo Angelucci. John May en basse et bien sûr le kapelmeister, le chef d’orchestre, Hugh O’Flaherty. Lorsqu’ils parlent, ce n’est que de la météo. Sinon, ils chantent. Tout est codé. Les Livres sont les prisonniers, les planques des étagères, les fugitifs, des dingues. Tous font partie du compte-à rebours qui commence le 19 décembre 1943 à 119 heures et 11 minutes avant le Redimento, la mission. Tous ont une fausse identité apprise par cœur. Des heures durant à réciter encore et encore comme des pros de l’espionnage. Veille de Noël,1943, 23 heures, le Redimento. Le Padre comme l’appelle John May connaît le millier d’églises de Rome. Allées, avenues, parcs, lignes de tram, rues, ruelles. Tout est gravé dans sa mémoire. Aller tout droit jusqu’à Santa Maria, traversez les ruelles derrière San’Ivo alla Sapienza. « Ça rigolait pas avec Hughdini. » Rome la nuit dans le tourbillon de la neige, les pas de géant du Padre, les nazis qui ne dorment pas et Hauptmann qui glisse tout doucement dans la folie, aveuglé par sa haine du prêtre. A cause de lui, le moustachu de Berlin ne cesse de l’appeler et de vociférer. « Je sais que les juifs s’échappent de Rome. Qu’est-ce que vous fabriquez Hauptmann ». Dehors, les flocons s’affolent, le chœur virevolte dans la nuit, le Redimento doit être accompli.

Dans ce roman superbement écrit, Joseph O’Connor pose la douloureuse question de la neutralité. Si le Pontife s’y accroche comme une moule à son rocher, le prêtre irlandais la refuse. Il n’a pas pris l’habit pour s’adonner à la contemplation. Il a fait vœu d’obéissance mais sa conscience lui souffle la désobéissance. Sait-on jamais qui l’on est ? Seul le danger nous révèle. Pour Hugh O’Flaherty et son chœur, le doute n’est pas permis. Venus de tous les horizons, destinés à ne jamais se rencontrer en temps de paix, ces chanteurs amateurs se sont trouvés pour ne former qu’une âme audacieuse. De nobles héros sur l’autel du sacrifice, sur l’autel de l’humanité.

 « Dans la Maison de mon Père », de Joseph O’Connor, traduit par Carine Chichereau, Éditions Rivages, 432 pages, 23.90 euros.

« Caravane » : le convoyage glaçant d’Anaïs Pélier

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Anaïs Pélier est née 1983. Elle étudie la médecine. Elle fait de l’humanitaire, elle passe quatre ans en terre d’Adélie pour accompagner le convoi du raid. Elle grelotte en Antarctique. Elle en tire un premier roman aussi noir que la banquise est blanche. Coup de maître. Ni plus ni moins.

Nous sommes en 1988, à J – 10987 lorsque s’ouvre le roman. En Terre Adélie que le trio retrouve « comme on retrouve un amant perdu, avec le feu au ventre ». Il y a Henri, Paul et Juliette. Les deux derniers sont mariés. Il fait -32°. Le white avance, l’inquiétude grandit, un accident, le fond d’une crevasse, il va falloir choisir : qui doit rester, qui doit partir chercher de l’aide.

1er novembre 2018, J – 84. Station Dumont -d’Urville la base permanente, à 5 kilomètres de Cap Prud’homme. Une station vieillissante. Vingt colocataires, des hivernants qui passeront douze mois de parenté polaire par opposition aux « campagnards » qui n’y séjournent que pour de courtes missions. Les hivernants attendent les nouveaux arrivants. Eva Thoureil a décroché son premier hivernage à 40 ans, avec un taux d’EPO qui est monté en flèche, « plus chargée qu’un maillot jaune ». Elle porte l’uniforme de l’Institut. Ils sont dix à débarquer. Il y a aussi Dieu sous les traits de Henri Monterlant. Il est le plus vieux, le plus gradé, le plus craint.

J-33, Station Cap Prud’homme. C’est de là, que partira le 72E convoi de ravitaillement vers Concordia. Le fameux raid. Henri choisit toujours ses hommes et ses femmes. Cette fois, huit raideurs dont Éva, Jean le médecin de mère laotienne, Frédéric Guérin, Alain Boyer, Arnaud Keller et Henri Monterlant. Et deux Italiens alibis : Matteo Nieto Et Giuseppe Leone. Ils savent déjà que leur leader, Henri, effectue son dernier tour de piste, qu’il va ensuite désigner son successeur. Anaïs Pélier installe ses pions. La tension est montée d’un cran. Qui va succéder au master ? Ils veulent tous la place, ils pensent tous la mériter.

Les consignes pour avancer sont claires. Jamais plus de 4 km entre les tracteurs. Suivre le tracé à l’aide du GPS. Rester à portée du VHS. Le tracteur n°11 est réservé au médecin, en queue de convoi, le container jaune, c’est le magasin, la caravane-vie et la caravane-énergie. C’est une drôle d’expédition qui force son passage dans un froid polaire où la moindre faute peut entrainer une catastrophe, voire la mort. La preuve, à J + 2 du raid, Giuseppe a envoyé un message qui demande l’aide. « Deux accidents graves et un disparu. Il vous faut quoi pour venir nous chercher. » La romancière est une petite maligne, elle nous fait revenir dans le temps puis repartir, un va et vient spatio-temporel qui accroît le suspens, et la tension. Qui a envie de se retrouver piégé dans le grand white avec un dingo qui perd la boule.

Anaïs Pélier n’a pas choisi de s’attarder sur les grands sauveurs de ce monde qui étudient les méfaits du réchauffement climatique dans cette partie du globe. Non, elle a préféré se concentrer sur les petites mains celles qui œuvrent en arrière, en amont, qui sauvent la mise des grands fauves scientifiques dont les bobines feront la une des magazines si par miracle leurs études débouchent sur des révélations. Avec elle, on est avec le chef d’équipe Caterpillar, le conducteur Kässbophrer, avec les mécaniciens, le toubib ou encore le cuisinier. « La réputation d’un cuisinier d’hivernage se joue autour de deux repas : Noël et le dernier dîner de décembre. C’est le rite de passage. Deux épreuves de feu pour avoir la paix derrière ses casseroles. » Mais même à l’arrière, il existe une hiérarchie, des bleus et des anciens. Ceux qui ont le droit et les autres. Il n’est pas difficile de perdre les pédales dans ce genre d’environnement. D’autant plus facile que les personnages de Caravane ont tous une fêlure, trimballent tous un secret. Que l’inspecteur Clark et son partenaire Campos vont devoir découvrir. Caravane est aussi spectaculaire qu’angoissant.

« Caravane » d’Anaïs Pélier, Éditions Paulsen, pages, 352 pages, 19.90 euros.

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Le prêt – à – saigner de Joseph Bialot

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Premier roman d’un auteur plus très jeune, Joseph Bialot a 55 ans, à l’époque. Comme quoi, il n’y a pas d’âge pour commencer ce que l’on a envie. Les éditions Gallimard ont décidé de rééditer quelques grands classiques du roman noir comme l’incontournable Raymond Chandler avec une nouvelle traduction et… celui du Français Joseph Bialot, avec une préface inédite du romancier Tonino Benacquista.

Une sorte d’hommage posthume largement mérité pour un homme qui sortit du camp d’Auschwitz en 1945 et mis des années avant de prendre la plume. Son livre s’inscrit dans les années 70-80. On retrouve en filigrane les grandes figurent de ce moment très parisien. Même si lui a choisi de situer son action dans un quartier très populaire et d’un commerce particulier : nous sommes au cœur du Sentier, haut lieu des grossistes d’une mode en gros et de qualité moyenne. Si le lundi est férié dans toutes les boutiques de l’hexagone, là c’est tout l’inverse. À croire que toute la France vient renouveler ses stocks. Mais pas seulement. Quelques familles, et davantage de célibataires, attirés par les demoiselles qui tapinent au grand jour, rue Saint-Denis, ne se gênent pas pour flâner et mater les décolletés profonds de ses travailleuses du sexe au rabais. Trois grandes journées modulent l’activité du Sentier : le Grand Pardon et les deux salons du prêt-à-porter. Mais cette joyeuse cohabitation est perturbée par la découverte d’un cadavre rue Saint-Spire. Une jeune femme belle et morte. Le trait rouge de sa gorge tranchée brillant dans la lueur des torches électriques. Le deuxième macchabée est retrouvé à 200 mètres de là, rue du Caire. Cette fois, c’est un homme. La gorge tout aussi tranchée.

L’enquête est confiée au commissaire Faidherbe et à l’officier de police, Chaligny. Pas des tendres les poulets. Et sûrement pas politically-correct. Les références savoureuses sont d’époque. Ainsi, Faidherbe affiche -t -il une dégaine à la Claire Bretécher, célèbre dessinatrice du Nouvel Observateur. Les flics sont largués. Le profil du tueur est moderne. Le gars aime les femmes, Marcel Duchamp, le Mouton-Rotschild, les Davidoff et il est licencié en lettres modernes. Il s’appelle Josip Vissarianovitch, il est Serbe. C’est la filière yougoslave d’immigration. Une autre, plus rustique, a aussi pris ses marques dans le domaine du chiffon, c’est elle des Turcs. Elle est incarnée par un vieillard pas glamour pour un rond. Mustafa Demirel règne comme un seigneur sur ses cerfs qui accessoirement sont ses fils et ses filles. Ces dernières n’ayant par ailleurs aucune existence à ses yeux. La petite Yamina en sait quelque chose. Le duel va être sanglant. D’autant que Mustafa est un gars à l’ancienne, il règle ses comptes lui-même, pas de flics dans l’équation, ceux-là, moins il les voit et mieux il se porte. L’auteur qui est un rescapé de la Shoah ne se fait pas prier pour décrire un grand malade qui tue comme il respire. La course contre la montre est enclenchée. D’autant que les cadavres s’amoncellent. Ironique de bout en bout, « Le Salon du Prêt-À-Saigner » nous transporte dans un Paris qui a disparu, remplacé par les cafés branchés et bourrés de hipsters. Il s’est aseptisé. Le monde d’avant.

Joseph Bialot le dit lui-même : « Il m’a fallu plus de vingt-cinq ans et une psychanalyse pour arriver à sortir du camp. » Il le fait de façon littéraire en 2002 lorsqu’il témoigne de sa déportation dans un livre intitulé, « C’est en hiver que les jours rallongent. » Les éditions La manufacture de livres a aussi eu l’idée de rééditer le témoignage. L’écrivain sur le tard est mort à 89 ans et laisse derrière lui une bonne trentaine de livres.

« Le salon du Prêt-À-Saigner » de Joseph Bialot, Éditions Gallimard Série Noire, 242 pages, 12 euros.

« C’est en hiver que les jours rallongent », Éditions la Manufacture de livres, 349 pages, 18.90 euros.

 

 

Les « Feux dans la Plaine » d’Olivier Ciechelski

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Stanislas Kosinski a fait le Mali. C’est un costaud. De retour dans la vie civile, Stan a choisi la montagne des Alpes du Sud pour son âpreté et sa solitude. Un chalet et soixante hectares de maquis et de ravins. Il est passé du cadre militaire à la déconstruction. Quinze années de service à mettre de côté la somme nécessaire pour réaliser sa sortie, son rêve d’enfant. « Son goût pour les châteaux forts et les citadelles suspendues. » Les cailloux et l’herbe grasse ont remplacé le sable et ça lui va très bien. Pas de voisins aux alentours, à l’exception de Ghislaine. Une quinquagénaire qui porte trois couches de vêtements superposés. Mais Ghislaine, ce n’est pas pareil. Elle est discrète. « Elle était la présence qui désarmait ce que la solitude peut avoir d’angoissant lorsqu’elle se prolonge au-delà de la retraite désirée, de la permission… »

L’auteur, Olivier Cielchelski, est scénariste. Le dialogue bavard et superflu n’a pas sa place dans cette tragédie rurale où l’homme tente de se fondre avec la nature en mode survie. L’altitude correspond au pouls du personnage au fur et à mesure du roman. Elle est l’accroche des trois chapitres qui rythment le livre. Alt. 840m, Alt.1250 m, et Alt. 1830 m, le climax. En militaire aguerri, Stan sait ce qu’est l’ennemi. Mais l’enjeu n’est plus le même que là-bas au Mali, il se joue dans un décor minéral où il lui faut se débarrasser de ce qui l’encombre. Quitte à revenir à l’état sauvage. On est captivé, absorbé par cette course contre la mort dans un paysage où la nature se moque comme d’une guigne des tourments de l’espèce humaine. Elle règne, insensible, implacable. « Feux dans la plaine » est son premier roman. Hypnotique.

L’intrusion est venue du sentier bleu où il découvre une cartouche vide. Quelqu’un a ouvert un chemin sur son territoire, à côté de l’air de nourrissage. Il interroge Ghislaine, questionne le maire. L’ancien soldat entrevoit le danger, il connait les armes et les hommes, il sait ce que les deux associés signifient. Le début des emmerdes. Sous les traits de Guy Castagnary, « une sorte de baron rustique et débraillé. » Stanislas demande des excuses. L’autre ne comprend même pas sa requête. Le drame est enclenchée. Très vite, il y a deux camps. Ceux d’ici et l’autre, l’étranger. Ils l’ont toléré jusque là mais il était temps de lui rappeler qu’il n’appartient pas à cette terre. C’est la leur, il dépend de leur bon vouloir. Ils s’octroient le droit de chasser où ils veulent. Ils passent de la tolérance à l’intolérance à la vitesse de l’éclair. Jusqu’à un point de non-retour. Lui qui pensait couler des jours paisibles comme « un paysan de Gao » libre de son destin, va prendre le maquis. Les chasseurs se lancent à sa poursuite, ils sont lourds, patauds, mais ils connaissent bien ces montagnes, et ils ont la rage, une obstination obtuse et des armes. Le combat est inégal, ils sont plusieurs, lui est seul mais lui est un survivant. De sa propre enfance en famille d’accueil, de la guerre, du combat, de la peur et de la mort. Il remplit sa bouteille dans les ruisseaux, il se nourrit de champignons, de plantain, de mûre ou encore de carottes sauvages. Un jour, il pille même un nid d’abeilles. Stan se confond avec les pierres, il peut marcher longtemps, ne pas dormir, transpercer la nuit, il est un guerrier qui ne trouve jamais le repos. Il peut tuer.

Dans sa fuite, il rencontre un ermite puis ce sera l’ours. Pour la première fois, l’ancien soldat a peur, véritablement peur. L’animal est une arme de destruction massive à lui tout seul. Le plantigrade mugit, se dresse, se lance, Stanislas tire. Il n’y a plus de retraite, de solitude maîtrisée, il ne reste que la fureur de vivre. Réussira – t – il ? Olivier Ciechelski signe un roman très noir, du pur « Nature Writing » à la sauce Giono. Excellent.

« Feux dans la Plaine » par Olivier Ciechelski, Éditions Rouergue/Noir, 256 pages, 20 euros.

 

 

Randall Schwerdorffer avocat hors norme

Son allure, jean usé, chaussures ultra pointues et manteau style redingote grise au revers de velours noir, envoie un signal trompeur. L’avocat Randall Schwerdorffer, le regard profond et velouté, ressemble à l’écrivain américain James Ellroy : tout en trompe l’œil. Ce fils de parents militaires n’est pas plus funky que rock. D’ailleurs, il le dit lui-même : « Je ne suis pas un homme de mon temps ». Sa taille impressionnante, un mètre 90 à la louche, et sa carrure de colosse lui confèrent une impression de force de la nature et nous rappellent que la justice n’est rien sans la puissance qui permet de la faire appliquer. Le glaive a dévié de sa course, la balance tangue et l’avocat réclame que justice soit faîte.

Son livre est un plaidoyer. L’homme de loi malmené, diffamé (il a gagné son procès) assure sa propre défense assisté parfois par des confrères bienveillants qui s’expriment à tour de rôle et cadencent « Itinéraire d’un avocat hors norme », un ouvrage co-écrit avec Franck Spengler. On devine que le géant a vacillé. Il faut dire que la charge médiatique qui lui colle aux basques depuis l’affaire Jonathann Daval (condamné à 25 ans de prison en octobre 2017 pour le meurtre de sa femme, Alexia Daval) ne faiblit pas. Désormais, ses sorties ne passent plus inaperçues. « Je n’en reviens toujours pas, dit-il aujourd’hui, assis devant un paquet de procès-verbaux à étudier. Et je l’avoue, je suis sur la défensive depuis ce procès. Je n’avais jamais connu une telle exposition médiatique avec des commentaires et des appréciations d’une violence inouïe. J’ai été jugé sur ma communication, mes éléments de langage, comme on dit aujourd’hui. Je me souviens d’un soir, je rentre à la maison et je trouve ma femme devant un verre de Chablis, assise au fond du canapé et qui me dit : « Cela fait deux heures que j’entends des horreurs à ton sujet ». Je ne comprends toujours pas ce délire autour d’une affaire ordinaire qui n’aurait jamais dû aller aussi loin en place publique. » Alors, il a pris la plume, lui à qui on a reproché des prises de paroles ou des mots maladroits. « Le livre reste l’espace de liberté absolu », affirme – t – il, avec force. « Itinéraire d’un avocat hors norme » qui revient sur dix affaires criminelles plaidées par Schwerdorffer seul ou accompagné, sent le souffre, relève d’une mise à plat offensive pour cet adepte des arts mariaux. La justice est un sport de combat dont Randall Schwerdorffer se saisit à bras le corps, une façon de régler ses comptes tout en campant sur ses positions. « Nous sommes devenus une sorte de thermomètre socio-judiciaire lancé à toute vitesse sur une rampe de lancement émotionnelle. J’ai écrit pour réfléchir deux minutes, pour essayer d’initier des réflexions sur ce que signifie les différents passages à l’acte, pour provoquer des discussions. »

Évacuons tout de suite, la star américaine, Steve MacQueen qui pourrait expliquer le patronyme du Bisontin. Juste une question d’époque, balaie l’homme de loi, son frère s’appelle, Ronald. En réalité, sa mère secrétaire militaire, féministe à la « Georges Sand » et pas à la « Nabila » lui avait préféré un jeune soldat. Toute la famille voyagera au gré des affectations du papa qui finira général. Ce dernier se montrera perplexe devant le choix de son fils d’embrasser la robe. Celle du droit. « Il trouvait que ce n’était pas forcément un vrai métier mais nos parents nous ont laissés libres de choisir. » Pas la peine de torturer cet homme de 54 ans ou de le questionner des heures pour lui faire admettre qu’il a choisi cette voie un peu par hasard, pensant bien gagner sa vie mais qu’une fois sa décision prise, il a cravaché. Déjouant les pronostics encore une fois, le baveux lâche que sa première passion allait au droit du travail, par amour de la technicité. Amour que l’on retrouvera plus tard dans sa façon d’appréhender le droit pénal. « Nous sommes des techniciens, s’emporte presque Randall Schwerdorffer, il n’y a rien d’artistique, je n’aime pas les effets de manche, je trouve même cela « médiocrisant ». Nous sommes là pour appliquer le droit et défendre nos clients. » Cette bifurcation vers le pénal, il la doit à un souvenir, un banc d’école sur lequel, enfant, il a été souvent persona non grata. Éternel petit nouveau, il était systématiquement dégagé par les plus anciens. « J’ai appris à me défendre. Mais c’est aussi une forme d’injustice que j’ai réparée plus tard parce qu’être avocat, c’est être contre ceux qui ne respectent pas la loi. »

Adulte, il pose ses valises à Besançon. Une ville à taille humaine, 130.000 habitants, il a détesté Paris, trop bruyant et violent (c’est là qu’il se met aux arts martiaux), et les « plus belles affaires sont en province ». Pas de syndrome de Rastignac chez le bonhomme qui affirme ne pas avoir besoin de « sur gagner » et qui vit au milieu de la forêt avec sa femme avocate du droit des affaires, montée dans le train politique de « En marche », et de leurs deux garçons. Le plus grand, né d’une précédente union, est en prison pour possession et trafic de drogue. Randall Schwerdorffer ne se dérobe pas : « Je laisse la justice faire son travail. Lorsqu’on ne respecte pas la loi, on paie. » Le Bisontin garde toutefois en mémoire quelques grandes tirades de son général de père : comme celle de ne jamais lui faire honte. Encore un signal d’une raideur insoupçonnée chez l’avocat qui saisit l’occasion de parler morale : « La loi est commune à tous. Alors que la morale est à géométrie variable. Donc si vous ajoutez de la morale à la loi, ça ne marche pas. »

Et il ne rigole pas, quitte à aller à contre-courant des grandes tendances sociétales. Prenez la légitime défense. Les magistrats n’aiment pas ce genre de dossier. Schwerdorffer se frotte les mains. Remettre du bon sens là où la société déraille, une de ses spécialités. L’affaire Florian F. est ainsi disséquée dans le livre afin d’étayer son propos. C’est l’histoire dramatique d’un jeune militaire accusé d’avoir poignardé un autre homme d’un coup de couteau, au cours d’une rixe dans les rues de Sarrebourg. Ce que Florian F. ne nie pas. La vindicte populaire crie au-scandale. Ces soldats sont incapables de se tenir. Mais pour l’avocat qui a récupéré toutes les vidéos des caméras de surveillance du périmètre, la question est de savoir s’il s’est défendu et dans quelle proportion. Les images lui donnent la réponse. « La légitime défense ce n’est pas un « permis de tuer », mais c’est « un permis de se défendre » et la loi n’exige pas que l’on soit au bord de la mort pour se défendre. » Florian F. sera acquitté une première fois aux assises de Metz puis définitivement en appel, à la cour de Nancy.

MeToo et Schwerdorffer. Sans aucun doute, un gros point de crispation. Un malentendu ? Pas vraiment.  » Le néo-féminisme ne me plaît pas. Les différences sont légitimes. Or en ce moment, on est dans le contre-nature. » Ce grand macho à l’ancienne qui préfère avoir cinq secrétaires plutôt qu’une adresse mail ou être présent sur les réseaux sociaux, n’apprécie guère les féministes à la Sandrine Rousseau et à la Marlène Schiappa, ex-ministre déléguée à la Citoyenneté. D’ailleurs, à l’évocation de cette dernière, il contre-attaque.« C’est une redoutable politique, concède – t – il, avec un sourire carnassier, mais au fond, est-elle vraiment concernée par la cause féministe? » Randall Schwerdorffer considère s’en tenir aux faits et au droit. Mais l’avocat prône les subtilités. Le destin d’une ou d’un accusé en dépend souvent. Ainsi, s’appuie – t – il dans son livre sur trois crimes commis sur trois femmes. L’un « passionnel », l’autre « possessionnel » et enfin le dernier « obsessionnel ». Une rigueur sémantique qui peut faire basculer un procès et qui doit tout à la technicité prônée par l’homme qui passe ses journées en robe comme il aime à le rappeler non sans un brin d’humour ou de provocation. Au choix. « Il s’est fait de plus en plus connaître, confirme son confrère Maître Truchy, par le nombre de victoires acquises justement grâce à l’exploitation de la procédure pénale. » Une approche procédurière de la procédure qui, sur 133 affaires criminelles dont 20 en partie civile, lui a permis d’obtenir 24 acquittements.

Aussi choisit-il très soigneusement ses jurés. « Pour l’affaire Daval, je ne voulais que des femmes, assène – t – il, en vieux briscard des prétoires. Et j’ai eu raison, Jonathann Duval a échappé à la perpétuité. Seules des femmes pouvaient se permettre de juger une autre femme dans la société d’aujourd’hui. » Il se félicite à l’avance des trois dossiers qu’il a en ce moment sous le coude. Trois crimes commis par des femmes. « Je vais pouvoir tout dire sur les hommes, même des horreurs. » La promotion de ce troisième ouvrage s’annonce compliquée. « Je suis « cancellé », je ne peux plus faire de promos sans déchaîner les néo-féministes. Alors, toutes les séances ont été annulées. Il reste mon ami libraire à Besançon. Il est originaire d’Iran et m’a dit : « Je viens d’un pays où la liberté d’expression n’existe pas. Je ne vais sûrement pas te censurer. »

« Itinéraire d’un avocat hors norme » de Randall Schwerdorffer avec Franck Spengler, aux Éditions Hugo Doc, 256 pages, 19,95 euros.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Au commencement » : l’ennemi intérieur de Ivan Zinberg

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Quatre morts. Un dealer, un gitan une prostituée et un chômeur. Tous tués à bout portant. Aucun rapport entre eux. Si ce n’est des vies de losers un peu passe-murailles dans l’univers de cette criminalité de basse intensité. Pas de quoi fouetter un chat ou lever un cil. D’ailleurs, le « groupe Delmas » y va mollo, patine un poil. Il est sous le commandement du commissaire Julien Martial, chef de section qui a posé ses valises dans les nouveaux locaux de la Crim, au 36 rue du Bastion dans le 17ème. Il interroge le commandant Luc Delmas sur ses effectifs. Le patron semble inquiet. Trop d’absents, trop de situations personnelles à traitement d’exception. Il n’aime pas les écarts de comportements et dans ce groupe, il y en a trop. Il a été échaudé. Un ripou passé sous le radar aux Stups lui a valu un placard et une renaissance inespérée en PJ. Il n’a clairement pas envie de mourir une deuxième fois. « Message passé », lui affirme Delmas. S’il savait.

Il faut dire qu’il est un peu foutraque le commandant Delmas. Il a la réputation, à juste titre, d’être trop laxiste avec ses subordonnés. Mais qui est-il pour faire des remontrances, lui qui donne à peine l’exemple avec ses manies et sa vie monacale. Le décor est rapidement planté par l’auteur qui présente les personnages un à un.  Il y a son numéro 2, le capitaine Nicolas Pradier, le numéro 3, Guilaine Monteil la procédurière surnommée « Guigui » et 20 ans au compteur à la PJ. Elle est à un an de la retraite. Les petits derniers, les brigadiers Stéphane Lain et Sarah Barnowski. En couple depuis un an. Enfin, le fameux « voyageur », le brigadier Mario Giordano, « FOTO », que Delmas envisage en remplacement quand « Guigui » quittera la maison. Celui-là préoccupe tout particulièrement Martial. Deux disponibilités en moins de dix ans, il n’apprécie pas. Mais Delmas y tient, il a peu de goût pour le turn-over. Et puis, c’est une équipe soudée avec des différences qui les complètent. Delmas laisse filer, ce qui lui importe, ce sont les heures supplémentaires et un bon flair de flic, le reste il s’en moque. Même FOTO et ses congés sans soldes pour parcourir le monde et faire de la photo, il s’en accommode. Il n’est pas un fonctionnaire lambda. La paperasse, très peu pour lui. Les vacances, les absences, pas de quoi s’alarmer. Il gère. Croit-il. Le personnage de Luc Delmas est une surprise avec un profil un brin rafraîchissant dans la galaxie du polar. Pas de défonce, pas d’alcool, le gars a les idées claires la moitié du temps. Seul bémol qui le tracasse un peu, cela fait quinze ans qu’il n’a pas touché une dame ou un monsieur. « Asexuel et aromantique, lui dit son psy. Pas de quoi s’inquiéter, juste une personnalité comme ça. »

En attendant, dans les hautes sphères, personne n’aime que le 93 bouge d’une oreille. Surtout lorsque les deux cadavres représentent chacun une minorité : une travailleuse du sexe et un homosexuel. Et surtout, lorsque l’on se trouve entre les deux tours d‘une élection présidentielle. La piste terroriste n’est déjà plus du fantasme. Et pour cause. « Des meurtres par balles d’une extrême brutalité, resserrés dans le temps, sans mobile apparent, commis par un homme pilotant un scooter. Ça ne vous rappelle rien ? » Mohammed Mera, bien évidemment. Delmas sait très bien que l’hypothèse de l’islamisme radicale aussi charmeuse qu’un serpent à sonnettes, les huiles adorent. Lui, les raccourcis, il s’en méfie. Toutes les options sont encore sur la table : tueur en série, guerre des gangs, trafic de drogue ou encore l’extrême-droite. Delmas et son équipe avancent prudemment.

Un suspect sort du lot. Un gardien d’immeuble, Luis Gimenez. Un loup solitaire. Même pas fiché S. « Une ombre. Un courant d’air. » Mais un copycat, pourquoi pas. Emmanuel Macron échappe à un attentat à Figeac, le jour de sa réélection. Le visage de Gimenez est capturé par les vidéos de surveillance. Il meurt en se faisant exploser. Fin de l’histoire ? Le groupe Delmas adhère, sable le champagne. Un homme manque à l’appel. Mais Delmas a toujours été laxiste. L’auteur, nous a gentiment baladés sur près de 300 pages. Et on a adoré. Des chapitres courts en enfilade. Ivan Zinberg, capitaine de police dans la vraie vie, découpe son polar comme son existence, on l’imagine en tout cas, en séquences nerveuses, efficaces et vrillées. Du beau matériel de polar que l’auteur a situé dans Paris et sa région. Ivan Zinberg dépend d’un service des mouvances radicales et des violences urbaines. Il s’est inspiré d’une histoire vraie. Le 3 octobre 2019, Damien Ernest, Anthony Lancelot, Brice Le Mescam et Aurélia Trifiro sont assassinés par un agent radicalisé de la préfecture de police de Paris. Ce livre est un hommage à ses collègues et toutes les victimes du terrorisme. L’auteur vient encore de se faire rattraper par la réalité.

« Au commencement » par Ivan Zinberg, Éditions Harper Collins/Noir, 312 pages, 20,50 euros.

 

 

 

 

« The Visitants » de Randolph Stow

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Un festival de couleurs, de bruit, de mots et de formules. « The Visitants » de Randoph Stow nous transporte loin, très loin, sur l’île reculée de Kailuana, en Papouasie, là où les loris, ces oiseaux colorés, se confondent autant avec le feuillage qu’avec le langage. Un officier de patrouille, Alistair Cawdor, s’est suicidé. Le gouvernement colonial enquête. Il interroge cinq témoins. Kaléidoscope de sensations vives et moites. Le roman publié par les Éditions Au Vent des îles est une véritable claque littéraire.

Il y a donc le planteur, K. M. Macdonnell, la domestique de maison, Saliba, l’élève officier de la patrouille australienne, T. A. Dalwood, l’interprète du gouvernement Osana et l’héritier de Dipapa, le chef de Kailuna, Benoni. Deux Blancs et trois Noirs. L’investigation elle-même est dirigée par M. G. Browne, officier de district-adjoint, sous-district d’Ositwa, Territoire de Papouasie. Clairement, on ne rigole pas avec les formes et mises en forme en 1959, dans cette partie du monde. Chacun livre sa version des faits à Browne qui intervient finalement très peu dans le récit sauf pour donner les résultats de son enquête à la fin de l’ouvrage.

Que s’est-il passé dans cette maison qui « saigne », selon Saliba ? « Une maison est un château selon l’officier de district, une défense. Une maison est une conque ». Il n’empêche, un homme y est mort. Ajoutez à cette disparition aussi soudaine que tragique, deux autres histoires. La première est celle qui agite les villageois. Qui héritera en effet « du commandement des villages » à la mort du vieux chef DIPAPA. La deuxième concerne la pseudo existence d’un objet volant non identifié, fait lui-même relié « aux espoirs, croyances et cultes du cargo millénaristes ». Et c’est le mort qui en parle mieux dans son journal où il consigne en italique tous les événements. « Le 29 octobre, une rumeur avait circulé dans les villages selon laquelle un vaisseau spatial avait emporté les trois hommes qui vivaient sur l’île de Budibudi où ils gardaient la plantation de noix de bétel de DIPAPA ». Selon lui, l’hystérie s’empare alors des hommes et de leur esprit. Il devine ce qui s’est passé mais la fureur a mordu son âme.

Trois récits imbriqués avec trois niveaux de lecture et différents types de langage. L’Australien Randolph Stow fut lui-même un visiteur, un étranger. Pendant trois mois, à l’âge de 23 ans, il est à la fois élève officier de patrouille et assistant anthropologue pour gouvernement australien. Le chef est vieillissant, la puissance coloniale redoute une déstabilisation politique locale. L’écrivain est doué, il a un don pour les langues et très vite, apprend le Kiriwina, ce qui lui permet de converser directement avec la population sans passer par le filtre d’un traducteur. C’est une des très grandes forces du roman. Ainsi les Blancs sont les Dimdims ou les taubadas. « E » signifie oui, « Bi ta los », « Allons-y » ou encore « Kwim », « traînée ». Soyons franc, la lecture du roman n’est pas aisée mais une fois que le pli est pris, le charme fonctionne et l’on se prend à s’imaginer regarder la pluie « dans la lumière vert-jaune d’une claire fin d’après-midi ».

« The Visitants » par Randolph Stow, traduction de Nadine Gassie, Éditions Au Vent des Îles, 282 pages, 23 euros, ebook : 11.90 euros.

 

 

« Les Injusticiers » de François Forestier ou comment communisme et capitalisme ont convergé dans les années 50

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Lire un roman de François Forestier, c’est avoir toutes les chances de se promener en visiteur privilégié dans les coulisses d’Hollywood. C’est pouvoir rencontrer les héros et découvrir les lâches. Les faux et les vrais. Cette fois encore, il a braqué ses projecteurs sur la Mecque de la bobine en Californie. Nous sommes dans les années 50. La paranoïa envers les communistes est à son comble. Le Sénateur Joseph McCarthy est à la manœuvre, assisté dans cette chasse aux sorcières, de son complice J. Parnell Thomas, procureur de la fameuse Liste Noire des dix. Dix noms livrés en pâture à une justice devenue folle et partiale. Mais cette fois, le journaliste/écrivain a tenu à dresser un parallèle entre deux systèmes judicaires. « Les Injusticiers » décrit ainsi « deux canailles » aux manettes d’une justice en théorie aux antipodes : J. Parnell Thomas et Andreï Vychinski, procureur général des procès de Moscou, en ex-Union soviétique. Avec François Forestier, ils auraient pu être frères.

L’avertissement de l’auteur est étourdissant. Il nous prévient que le livre est né d’une obsession. Et de rencontres. Et pas n’importe lesquelles. Des survivants de cette purge hollywoodienne. Joseph Losey, John Berry, Sterling Hayden, Ring Lardner Jr, pour ne citer qu’eux. Les cinéphiles apprécieront. Le scénariste américain et de confession juive, Dalton Trumbo, avait surnommé cette période « l’ère du crapaud ».  Il se trouve, comme l’explique François Forestier, que les deux procureurs se sont bien croisés un jour. Si l’un est mû par la peur, l’autre réagit à la haine. Leur point commun : le pouvoir de condamner. Autrement dit, le pouvoir de vie ou de mort.

La tâche fut plus aisée pour Vychinski. Il a fait exécuter ou a envoyé au goulag (souvent la même chose) des hommes par centaines. Sans avoir à se justifier. Il suscite l’intérêt, voire l’admiration, de J. Parnell Thomas entravé, lui, par quelques lois fondamentales inscrites dans la Constitution américaine, la Bible après la Bible de ce côté de l’Atlantique. Il ne peut condamner à tour de bras comme son lointain confrère mais les purges orchestrées par le Russe lui donnent des idées. Alors, J. Parnell Thomas dresse des listes, La Liste. C’est un Républicain du New Jersey, ultra-conservateur et secondé par un certain… Richard Nixon. Dans son viseur, ceux qu’il désigne comme les « inamicaux ».  Dalton Trumbo est number one. Parmi les « amicaux », il y a le président des acteurs, un informateur du FBI, Ronald Reagan. Au début de ce processus mortifère, les vedettes incriminées ne s’inquiètent pas trop. Nous sommes en Amérique, que diable. Rien ne peut se produire comme là-bas, chez les Soviets. Ici, on est en démocratie, il y a des lois. Mais la trahison est universelle. Des stars du système balancent les sympathisants coco. Le réalisateur Elia Kazan, l’acteur Robert Taylor et sa tête de gendre parfait…

Traîtrise et lâcheté vont de pair. Et si mourir terrorise en Occident, le danger en Russie vient de la vie. Vychinski, le survivant, en sait quelque chose, lui qui a survécu à toutes les purges, celles d’avant et l’après Staline. Pourtant, en ce début de journée et fin de vie (71 ans), il est inquiet. Parce qu’au fond, la peur telle une seconde peau ne quitte jamais les Soviétiques. Il se trouve au pays de l’ennemi, à New-York. Un poste qui sent la récompense pour services rendus. Il sollicite une tasse de thé auprès de sa secrétaire Valentina. « Peut-être y a-t-il un moyen de changer de vie, se demande-t-il. Il y songe. Le cavalier noir, en g7, attend. Il est temps de le bouger ». Tout est glaçant dans ce roman parce que dans cette galaxie de portraits connus et moins connus, l’auteur dresse un constat impitoyable. En Union-Soviétique, il n’y avait à cette époque aucun innocent. Mais quid du système judiciaire américain ? On aurait dû se méfier. Des gens ont tordu les lois et fabriqué des accusés. Qu’est-ce qui a changé ?

« Les Injusticiers » par François Forestier, Éditions Grasset, 256 pages, 20.90 euros.   

 

« Honolulu noir » de Rodney Morales : Hawai’i a trouvé son nouveau Marlowe

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Il faut parfois revenir aux classiques. Rodney Morales se l’est sûrement dit le jour où il a décidé d’écrire Honolulu noir. Un pur polar dans la tradition d’un Raymond Chandler and Co. Rien de révolutionnaire mais sacrément bien fichu. On est sous les tropiques de Hawai’i et David Kawika Apana, journaliste d’investigation, reconverti en détective privé, spécialisé en disparitions, débute sa première enquête. Minerva Alter qui trouble énormément notre novice d’enquêteur, lui demande de retrouver sa fille disparue. Et c’est parti sur plus de 400 pages d’un classicisme, au fond, parfaitement rafraîchissant.

D’emblée, on apprend que la dame, blonde à tomber par terre, fut marié à Lino Johnson, abattu à bout portant en plein Chinatown une vingtaine d’années auparavant. Gloups. Caroline Ku’uleilani Johnson, donc, 20 ans, gentille fille qui appelle toujours régulièrement sa maman, même quand elles se fâchent parfois toutes les deux, n’a plus donné signe de vie depuis 15 jours. Du jamais vu selon sa génitrice. David Apana n’est pas vraiment en mesure de faire la fine bouche. Sans un rond, il a joué au poker et gagné un bateau où il habite désormais sans rien connaître à la navigation. Ni aux blondes d’ailleurs mais il accepte la mission. Le suivre dans ses pérégrinations et tâtonnements, c’est découvrir Hawai’i, version natif de l’archipel. Un vrai régal. Il commence par Lanika sur Mokula Drive, située à deux pas de la plage. Une enclave de riches où la mixité ethnique se résume à « une poignée de maisons décrépites appartenant à des familles hawaiiennes qui doivent payer des impôts locaux toujours plus élevés pour s’accrocher à un kuleana, un lopin de terre hérité de leurs nobles ancêtres ». C’est le point de départ de cette affaire qui va le conduire dans des endroits moins glamours. De temps en temps, il s’arrête, se saisit de sa planche. Il a grandi au North shore, sur la côte nord de O’ahu, là où les gamins vivent pratiquement sur la plage le jour avant de laisser la place aux dealers, aux désespérés et amants naïfs à la nuit tombée. Kailua Beach, burger, café et planche de surf. Il contemple les îles jumelles de Mokumanu et Mokulua. Les maisons sont dissimulées par les lianes, les frangipaniers ou les hibiscus. On passe par Chinatown, on boit dans les bars de Waikiki et on regarde les bateaux amarrés dans le port de Ala Wai Boat Harbor. Apana, un brin cynique, est bien le gardien du temple. Il y a Hawi’i et il y a son Hawai’i.

Tout s’imbrique d’une manière bizarre, se dit le privé. Cette maison couleur corail aux 39 marches d’un producteur de cinéma, gardée par cette Mia qui s’entraîne comme une bête au triathlon, que dissimule – t – elle ? Elle-même est l’amie de Kay, alias Caroline. Le premier fil d’une pelote emmêlée et tordue parce qu’avec Kay existe aussi Matthew, le secouriste et petit copain. Vingt-deux jours d’enquête, au cours de laquelle le privé se heurte à la pègre locale, aux flic ripoux, se fait démonter la tête comme il se doit. Apana va de surprise en surprise, la vérité, bien sûr, n’a rien à voir avec les hypothèses de départ. Rodney Morales qui a enseigné longtemps à l’université de Hawai’i, imprègne le livre d’une nostalgie que l’on devine réelle. Les prédateurs ne rôdent même plus, ils se sont emparés des lieux pour leurs magouilles politico-mafioso-policières. Sans oublier le FBI et la DEA (Drug Enforment Agency). Son héros, David Kawika Apana, oscille entre présent et passé et tente de comprendre comment un meurtre vieux de vingt ans peut être lié à la disparition d’une jeune femme, à fortiori sa fille. Honolulu Noir se dévore et l’on se demande comment Philip Marlowe s’y serait pris.

« Honolulu noir » par Rodney Morales, traduction de Mireille Vignol, Éditions Au Vent Des Îles, 435 pages, 23 euros.

 

 

 

 

« L’Affaire Martin Kowal » d’Éric Decouty : dans le marigot politique sous Valéry Giscard d’Estaing

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Sans pathos, dans un style assez distancié, on patauge pourtant sévère dans l’arrière-cour politique française et de ses coups tordus. Et l’on sent un malin plaisir chez l’auteur à entraîner le lecteur dans l’envers crapoteux d’un gouvernement en place, de sa police et de ses services secrets. Du grain à moudre pour tous ceux qui croient dur comme fer que seul un petit nombre d’individus dirige un pays.

Le romancier s’appuie sur des personnages réels. Il place son intrigue à l’époque du président Valéry Giscard d’Estaing. Le 11 mai 1976, le général Joaquin Zentano Anaya, un diplomate bolivien, est assassiné en pleine rue, avenue du Président-Kennedy à Paris. A bout portant de trois coups de 7.65, alors qu’il se dirigeait vers sa BMW bleu métallique. Un appel téléphonique mystérieux passé à la radio Europe 1 revendique l’attentat et la personne se présente comme appartenant aux Brigades internationales Che Guevara. Joaquin Zentano Anaya était aussi général. Le dossier atterrit comme il se doit à la Centrale (Direction des Renseignements généraux) et plus précisément à la BOC, la Brigade opérationnelle centrage des RG, le gratin de la police secrète. Martin Kowal est un bon enquêteur mais un fils de traître à la nation et grand amateur de substances toxiques en tout genre. Un gars hanté par le passé tâché de son paternel et la cervelle ramollie par la dope. L’affaire est suivie par l’Élysée. Autant dire l’enfer. Il y a Robert (Pandraud) et Michel (Poniatowski) pour les plus connus. Mais aussi un certain Biseau, un conseiller, un homme de l’ombre. L’union faisant la force, il a été décidé au plus haut niveau que les RG et la DST travailleraient de conserve. Kowal a été désigné comme faisant partie de l’aventure. Mieux, il va être à la tête d’une mini-unité dédiée au dossier. Il doit cependant coopérer ou en référer à un homme, le commissaire Semprun. Un nom qui claque pour le jeune flic. L’ami de son père qu’il n’a pas revu depuis la mort de ce dernier. Il s’en réjouit.

A tort. Parce que l’affaire pue. Il y a bien la piste de la drogue, après tout on parle d’un coin de la planète où le trafic de drogue est un passe-temps comme un autre. Mais très vite autre chose se dessine. Que peuvent bien avoir en commun l’OAS (Organisation secrète et bras armée des énervés de l’Algérie française) et les dictatures d’Amérique latine ? Pour l’écrivain, c’est l’un des secrets les mieux gardés de la présidence d’Estaing. La passerelle sombre entre des individus qui vont transmettre à d’autres, un savoir-faire peu ordinaire : les techniques de torture utilisées pendant la Guerre d’Algérie par les plus zélés des gars de l’OAS. Un cocktail historique qui fait le miel d’Éric Decouty. Compromissions, coups tordus, tout y passe dans la galaxie politico-services secrets. On touche du doigt l’hubris de ces hommes d’État qui se retrouvent d’un seul coup avec comme joujoux à disposition totale, tous les flics de France et de Navarre. De quoi planer. De quoi franchir la ligne rouge. On connaît « L’Opération Condor » dans laquelle les Américains ont trempé jusqu’au cou. Ces Américains coupables mais qui ont aussi la faculté de faire face à leur propre Histoire et à ses saletés. La France n’en est pas là. Loin s’en faut. En 2003, Édouard Balladur, alors président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblé nationale a refusé la commission d’enquête parlementaire concernant le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires d’Amérique latine. Le pays était selon lui « irréprochable ». Heureusement, il reste la littérature. « L’Affaire Martin Kowal », dont le personnage fictif maigrichon est largué et touchant, se lit d’une traite. Et nous remonte un poil le moral. On n’échappe jamais à la vérité. Même si elle met du temps à éclater.

« L’Affaire Martin Kowal » par Éric Decouty, Éditions Liana Levi,336 pages, 20 euros.