« Vine Street » de Dominic Nolan : Plongée tentaculaire au cœur de Londres.

Le personnage central du livre de Dominic Nolan ? Londres, London. Pas la capitale aseptisée et mondialiste d’aujourd’hui avec une City financière gangrénée par l’argent étranger mais Londres des séries Netflix, de White Chapel à Peaky Blinders et de son tout juste oscarisé, Cillian Murphy. Le Londres des laissez-pour compte, des putes et de leurs macs, de la misère qui colle aux semelles, le Londres du fog et de ce bon vieux Jack. « Vine Street », premier roman historique de cet écrivain anglais, est un tour de force.

Le livre commence en 2002 puis court très vite sur trois époques : 1930, 1940 et 1960. Un corps a été retrouvé dans un champ, dans les Costwolds du Nord. En réalité, deux corps. Il s’agirait de Leon Geats. On est d’emblée un peu dans le brouillard. On comprend que la partie s’est jouée à trois. Mark Cassar de la Brigade volante, alias le Flic le Flouze, un vrai dandy, Leon Geats, un castagneur picoleur, et Billie Massez avant de devenir Madame Cassar. Cette dernière représentait la branche féminine de l’époque, la A4. Rattachée à la Division C de Vine Street, à Soho. Le haut lieu des bars et des night-clubs. Le trio enquête sur une affaire. Qui deviendra l’AFFAIRE de leur vie.

Archer Street. 1935. Fifi, une Piccadilly Circus girl gît sur son lit encore habillée mais étranglée avec l’un de ses bas autour du cou. Elle s’appelait Josephine Martin et elle avait une fille. Nell. Qui s’est cachée. Geats le hargneux ne le sait pas encore. Mais il a un cœur. Pour un gars qui travaille aux mœurs. Mais ce sont ceux de la criminelle qui prennent le dossier en main. Le cas est classé suicide. De son côté Mark Cassar, sergent de rang, est obligé de remonter les ourlets de son pantalon pour éviter de salir. Lui aussi a un cadavre sur les bras. De quel clan vient le macchabée ? Celui des Grecs, des Italiens ou des Juifs ? « Ouais, pourrait bien être juif ». Le pénis tout rabougri sur la table du médecin légiste confirmerait la première impression. Le ton est donné.

L’intrigue est complexe. Tortueuse comme les venelles de Soho. Opaque comme la vie nocturne que Geats connaît comme sa poche. Il est un peu le roi de ces lieux. Il est le bras armé géographique du romancier. Avec lui, on visite le Londres de cette époque, la crasse, les bourgeois qui s’encanaillent, les Français ou les Russes blancs qui se disputent le marché de la prostitution et de la came. Son Londres, « ce sont des immeubles étroits, liés entre eux comme les piquets d’une palissade, des couloirs miteux et des caves humides dont la saleté prouvait que les vieilles pierres de l’ancienne cité grouillait encore. » On est au Yard, au Windmill Club ou encore Globe. Les musiciens de jazz font rugir leur trompette, les batteurs s’acharnent dans une lumière floutée par les cigarettes. Geats les connait toutes et tous. Max Kassel, le proxénète dézingué, était Russe. Pas bon à cette époque. Déjà. Un homme approche Geats. Se fait appeler, Harrison. Il n’est pas de Scotland Yard. Mais bien de quelque part. Que vient faire l’Abwehr, le service des renseignements militaires allemands du Reich dans cette histoire ? Harrison explique :  » Leur objectif : redoubler d’efforts pour recruter des espions dans toute l’Europe et tenter de placer leurs propres agents à l’étranger. » Le trio de flics est convaincu qu’un taré tue les filles de Soho. Mais la guerre ravage tout, les années passent, Léon quitte la police, les deux autres se marient. « Vine Street » est puissant, les dialogues sont signés d’époque, le travail de reconstitution topographique exemplaire, le suspens bien dosé et les personnages cabossés à souhait. Du Noir très très solide.

« Vine Street » de Dominic Nolan, traduit par Bernard Turle, Éditions Rivages/Noir, 672 pages, 24.90 euros.

 

 

 

 

 

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