Cru millésimé pour la vingtième du Festival du Quai du Polar.

Avec plus de 100 000 visiteurs, ce n’est même plus le rendez-vous international et incontournable de la planète polar. C’est tout simplement devenue la grande messe des dieux en chair et en os, ces créateurs de « fiction criminelle » comme le dit si bien la chercheuse Nathalie Levet, que des milliers de visiteurs veulent voir et toucher. Pendant trois jours, du 5 au 7 avril, la Ville des Lumières de Lyon accueille la vingtième édition du Festival du Quai du Polar.

Voir James Ellroy, écouter Harlan Coben ou encore se dire que l’on a aperçu, avant qu’ils ne meurent, le Suédois Henning Mankell ou la Britannique P.D. James et son collier de perles. Telles sont les sensations que l’on peut éprouver pendant un week-end en déambulant aussi bien dans les allées du Palais des Bourses qui accueillent libraires, éditeurs et auteurs mais aussi dans toute la ville de Lyon. Le mystère fait corps avec la cité bordée par le Rhône et la Saône, les fondateurs de l’événement ayant multiplié les manifestations liées à cette thématique du crime. Imaginé un peu par hasard, il y a vingt ans par un petit groupe désireux d’offrir à un public plus large et totalement gratuitement, l’accès à cette littérature, le Quai du Polar attire désormais les vedettes internationales du monde entier. « Je venais de terminer le festival de Frontignan, se souvient Hélène Fischback, directrice et l’une des fondatrices de l’événement, quand des gens de la mairie de Lyon ainsi que des professionnels de la profession m’a approché. Puis plus rien. Je pensais à ce moment-là que rien n’aboutirait. Un rêve resterait un rêve. » Un an plus tard, la réalité prend forme et la suite est une sucess story à l’Américaine avec quelques moments phares comme les dix ans du festival. Parce que « le chacal » débarque en ville. Le créateur du Dahlia Noir, James Ellroy en personne, affole les compteurs. Ce n’est plus une rencontre, c’est un show. « Il y a eu un avant et un après, » concède Hélène Fischback. Et il y en aura d’autres. La Suédoise Camilla Läckberg, Donald Westlake (Rivages/Noir) avec qui les connaisseurs se frottent les mains, ou encore le Millenium de Stieg Larsson à l’origine d’un raz-de-marée scandinave qui va durer une décade avant de se calmer. La venue de l’Italien Roberto Saviano garde une place particulière dans la mémoire d’Hélène. « Il a fallu prévenir le ministère de l’Intérieur, on ne pouvait rien programmer : ni ses déplacements, ni ses apparitions. Les gens se sont levés à la fin de sa présentation, c’était très émouvant. Il y avait sept-cents personnes dans la salle. Et lui parlait de résistance. » L’homme est sous bonne garde escorté de gardes du corps en permanence. Hélène en sourit encore. « Il n’empêche. Un peu plus tard, je l’ai croisé totalement par hasard, marchant seul dans les rues… »

Au fil des ans, les organisateurs ont multiplié les manifestations liées au Noir. Films, expositions, débats, rencontres, énigmes à résoudre, tout est sujet à discuter à l’ombre du roman policier. L’édition 2024 devrait compter 135 auteurs de quinze nationalités différentes. De grosses têtes d’affiche étrangères : Joe Nesbo, Tim Willocks, Dennis Lehane, Ragnar Jonasson, et les Français : Dominique Manotti, Michel Bussi, Hanneylore Cayre, Hervé Le Corre ou bien DOA dont le roman Citoyens clandestins vient d’être adapté par la réalisatrice Laetitia Masson pour Arte. Maxime Chattam nécessite une organisation à lui tout seul. « Avec cet auteur, c’est l’émeute, dit encore Hélène Fischback, on a dû émettre un nombre de billets limités. » Au programme de 2024, de grands thèmes sociétaux seront encore abordés. Comme les défis de l’intelligence artificielle avec notamment la présence de Benjamin Fogel ou Sylvain Forges qui explorent le futur et ses dangers. Le polar du réel avec la journaliste Patricia Tourancheau. Et les anciens flics ou enquêteurs qui ont fait de cette matière première, une source d’inspiration de premier ordre pour leurs romans. L’ex- patron du 36 Quai des Orfèvres, Bernard Petit, l’ancien policier puis enquêteur privé, Danü Danquigny, Olivier Norek… « Le polar a perdu de sa substance marginale, poursuit, Hélène Fischback, et c’est une bonne chose. On a d’ailleurs invité Philippe Jaenada à deux reprises. La vague du True Crime ajoute à l’ambiguïté du genre. » En revanche, il y a peu de chances que tout ce beau monde se retrouve dans un des Bouchons lyonnais, restaurant typique de la région. « Nous avons arrêté, conclu Hélène Fischback, il y a eu quelques petits soucis de digestion. Tout le monde n’apprécie pas la cuisine française. Notamment les Anglo-Saxons… »

 

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