Le commissaire Sonori ne va pas tellement mieux. Les choses, les gens lui échappent. Angela, la femme qui l’accompagne ces dernières années lui reproche ses humeurs. Il rétorque souvent que ce n ‘est pas lui l’inadapté mais le monde qui va de plus en plus mal. Et la suite des événements ne lui donne pas tort. Un mort de froid, un suicidé et une overdose plus que suspecte.
Avec l’auteur Valerio Varesi, cela commence toujours par un incident qui n’a ni queue ni tête. En l’occurrence, la disparition d’un patient à la clinique Villa Clelia, à Palerme. Disparu ou plutôt perdu, comme si cela était possible. Soneri en personne va vérifier cette histoire abracadabrante. Un vieux de 85 ans frappé de démence et qui prend la poudre d’escampette. Enlèvement ? Soneri en a vu d’autres. Il réfléchit deux secondes, direction l’escalier de secours. Le corps est là, sans vie. Mort de froid ? Ensuite, il y a deux croquemorts qui s’empoignent justement près de la Villa Clelia. Les deux réclamaient le même cadavre. Romagnoli, le disparu de la clinique. Soneri est comme tous les policiers, il n’aime pas les coïncidences. Voilà que Angela lui rapporte qu’elle a entendu de drôles de bruit en provenance de la rive du fleuve. Soneri s’y rend également et trouve un téléphone portable dernier cri. Il veut que l’on enquête, ses collègues le prennent pour un fou. Mais lui se dit : « Un type qui vole un objet de ce genre ne le bazarde pas. » Alors, le commissaire prend de l’altitude. Il emmène Angela un week-end à la montagne. Prendre l’air. Enfin, pas tout à fait. Il cherche le maire Corbellini qui a loué une chambre au Holiday pour une semaine. Et qui demeure introuvable. Lui aussi.
L’enquête de Soneri est un Rubik’s Cube qu’il a bien du mal à emboîter. C’est un peu sa marque de fabrique. Elle illustre son bazar intérieur, il ne sait que rarement et immédiatement lui donner un sens. Alors, il avance à l’instinct. Cela lui donne l’occasion de nous faire partager ses interrogations, sa mélancolie. Palerme, sa ville, aux prises de la mafia. Finis les crimes à tous les coins de rue, les mafieux ont d’autres habits. Des élus complices de la pieuvre, des truands qui ramassent de beaux paquets de votes, et les gangsters qui ont leurs entrées au Parlement. Tandis que d’autres échafaudent de subtils transports de drogue. Les uns en mourront, les autres feront fortune. Tout est la faute du contexte. Valerio Varesi a épousé la mélancolie il y a bien longtemps. Il n’a aucune intention de divorcer. Et il a bien raison.
« La Stratégie du Lézard », de Valerio Varesi, traduit de l’Italien par florence Rigollet, Éditions Agullo, 389 pages, 22.90 Euros.