« Le Petit caporal » de Yann Zolets : coup de projecteur sur les taupes

Il y a comme ça des mini déflagrations lorsque vous lisez pas mal de polars, thrillers, romans noirs… « Le petit caporal » de Yann Zolets en est une, et une sacrée. Patrie, drapeau et trahison. À la manœuvre, les Russes de Poutine et les pommes pourries des services secrets français. Un roman plus que jamais crédible dans le contexte géopolitique actuel où la désinformation est autant une science qu’une arme de guerre.

Sally Demoreno, capitaine de l’armée de l’air, croupit en prison en attente d’un jugement pour le meurtre d’un officier de police… « qu’elle ne se rappelle pas avoir commis ». Le décor est, croît – on, planté. En réalité, pas vraiment. L’épisode de la prison n’est que l’amorce d’une histoire d’espionnage de dingue qui se déroule en partie dans les entrailles de la Marine nationale. Et pas n’importe lesquelles. Celles des sous-marins.

Flash-Back. On retrouve notre Sally pas encore derrière les barreaux. Elle bosse au sein de la cellule de renseignements Atlantique – Méditerranée. « Elle a quitté le sable pour la mer, et les avions pour les bateaux ». Désormais, elle est en charge « des comptes-rendus d’activité militaire maritime en zone Atlantique – Méditerranée des pays de l’OTAN et des autres nations, notamment la Russie, qui occupe une place toute particulière ». Justement un petit truc la chiffonne. Le sous-marin français Émeraude, qui aurait dû prendre le relais de la Frégate Provence après avoir capté le signal acoustique du submersible russe, a livré un compte-rendu plutôt laconique. Encore plus bizarre, la présence d’une « oreille d’or » (quelqu’un capable à l’oreille de donner le nombre de pales sur les hélices d’un bateau, sa vitesse, le type de navire de guerre, voire son nom) à son bord est tout à fait inhabituelle. Elle cherche et croit avoir trouvé. « Le service de la DGSE (Sécurité Extérieure) possède donc une source ayant accès aux mouvements des sous-marins russes ». Elle n’a pas encore la General Picture de l’affaire mais elle est sur la bonne voie. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’elle court à sa perte. Parce que ses talents instinctifs et inattendus d’enquêtrice ne vont pas plaire aux espions qui bossent pour le camp adverse.

On entre alors dans le dur du roman. Yann Zolets est un pseudonyme. On apprend juste qu’il a passé seize ans dans la Marine. Visiblement, il en a retenu toutes les bonnes leçons parce que son thriller géopolitique est fantastique. À l’environnement insolite qu’il a eu la bonne idée de vulgariser, se superpose une intrigue qui met en scène les gros méchants du moment, comme les Russes. On est harponné d’emblée.

Sacha est un agent clandestin du GRU, le Service des renseignements de l’armée moins connu du grand public mais redoutable et brutal. Sacha vit chez l’ennemi. Son travail : retourner des agents, des hommes politiques et autres. Tout ce qui peut saper l’Occident de l’intérieur pour le compte de Moscou et ses maîtres militaires. Les ressorts de la manipulation sont tous pareils quel que soit le pays. L’égo, l’argent, la frustration, et parfois l’idéologie. Dans son genre, Sacha est un artiste, formé pendant cinq longues années par les meilleurs mentors de l’espionnage russe. « Seuls trois des six stagiaires ont reçu la qualification opérationnelle de clandestins et ont été nommés capitaine ». Pour celui qui tombe dans les filets de cette machine de guerre, il est perçu comme un don du ciel. Mais le bienfaiteur devient toujours le bourreau parce que l’agent du GRU n’a qu’un amour, la mère patrie. L’officier marinier Christian Delgado va en faire les frais. Il ne sera pas le seul.

La nouvelle arrive à la connaissance des Français par la CIA. Réunion top secret. Un défecteur leur a lâché une bombe. Un illégal du SVR (Service de renseignements extérieurs de la fédération de Russie) en poste dans l’hexagone aurait infiltré les services français. Les gars de la CIA qui ne ratent pas l’occasion de se moquer des Frogs l’ont surnommé « Le Petit Caporal ». C’était le surnom donné affectueusement à Napoléon par ses soldats. En réalité, la CIA ne joue pas franc jeu et l’affaire devient un casse-tête inter service. DGSE contre DGSI (Sécurité Intérieure). Pas simple. Mais la réunion permet à Sally de comprendre qu’elle était sur la bonne voie, avec son histoire de sous-marin russe. Qu’un des leurs a trahi. Il n’est pas le seul mais à ce stade personne ne peut mesurer l’ampleur des dégâts. À Moscou, la confiance ne brille guère entre les hommes qui sont proches du pouvoir. Les couteaux sont tirés, Poutine se régale de les voir frétiller de peur. Il règne au-dessus de la mêlée. Son objectif reste la déstabilisation des démocraties occidentales. Cette fois, c’est la France du président Macron qui en tête de liste. Un roman sous tension, véritable billard à mille bandes avec des personnages habités et un traître de service bien cintré. L’intrigue solide s’appuie sur des données parfaitement maîtrisées par l’auteur. Un thriller d’espionnage français qui joue carrément dans la cour des grands.

« Le Petit Caporal » de Yann Zolets, Éditions La Manufacture de Livres, 384 pages, 15.90 euros.

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