Le médicament miracle. Celui qui guérit de la maladie d’Alzheimer. L’espoir de tous les espoirs, la dernière trouvaille de la Suédoise Åsa Ericsdotter avec « Phase 3 », un thriller angoissant. Comment ne pas se raccrocher à la science quand un proche ne vous reconnaît plus. Comment ne pas céder à tenter l’impossible. Une pilule ou une injection pour retrouver celle où celui qu’on aime. Pourquoi pas.
Mais cela aurait dû leur mettre la puce à l’oreille. Une souris qui pète un plomb dans la laboratoire, à Boston. Puis c’est un juriste retraité qui se tire une balle dans la tête, à Paris. S’ensuit la tuerie de neuf personnes dans le rayon pour enfants d’Ikea, à Stroughton. Encore une histoire de retraité qui débloque à Hull dans le Massachusetts et qui poignarde quatre de ses voisins. Si la police patauge, l’équipe scientifique qui pilote le programme Re-cognize (qui signifie en anglais, reconnaître) a très bien compris ce qui se passait. Tous ont participé à l’essai clinique de ce médicament. Des essais prometteurs avec trois études réussies sur des souris. Puis dix, vingt-cinq cobayes humains qui ont parfaitement répondu au traitement. Les subventions ont afflué. Il y a eu du Prix Nobel dans l’air. L’étude humaine suivante a été encore plus spectaculaire. Une centaine de personnes avec les mêmes résultats stupéfiants. Et enfin, 2000 personnes. Autant dire 2000 zinzins prêts à dégoupiller quelque part. Que faire ?
Les mettre sous cloche. Aller les chercher un à un pour les enfermer pendant six mois dans un ancien hôpital militaire du Maine. Le temps de trouver ce qui a mal tourné dans ces expérimentations. Six mois de surveillance dans un environnement plus proche de celui d’une prison que d’un hôpital. Deux mille lits sous la direction du docteur suédois Benjamin Lager. Ce dernier n’est pas très à l’aise. Les patients sont coupés du monde et de leurs proches. Il se dit que cela ressemble de très loin à un hôpital. L’un des patients est le père de la doctoresse, Celia Jensen, l’une des membres de l’équipe de recherches. Elle a, elle-même, injecté la première piqûre à son père. Elle est au quatre-cents-coups. Prête à tout.
Åsa Ericsdotter a cartonné avec « L’Épidemie » qui abordait le thème du totalitarisme. Elle se replonge dans la science avec ce thriller qui nous montre que certains scientifiques s’emballent au nom du progrès. Et que la tentation de la mise au pas des citoyens sans leur donner d’explications, reste la solution privilégiée par les dirigeants quels qu’ils soient. C’est enlevé avec des romances qui plairont à certains. La romancière appuie là où ça fait mal. La peur des enfants dont les parents sombrent dans cette maladie et ne les reconnaissent plus. Au fond, l’ultime angoisse.
« Phase 3 » de Åse Ericsdotter, traduction du suédois par Hélène Hervieu, Éditions Actes Sud/Actes Noirs, 480 pages, 24 euros.