« Saturation totale » de Jakub Szamalek : le monde de demain, une ligne de code mortifère

Les nouvelles matières du XXIe siècle pour lesquelles les gens tueront sûrement, seront les métadonnées. Dernier volet de sa série techno-polar, « Saturation totale » de Jakub Szamalek, nous plonge encore une fois dans le monde de l’internet avec sa version la plus aboutie du moment : l’IA, qui alliée au crime donne des résultats, genre époustouflants et flippants.

Le romancier polonais aux cheveux longs si l’on en croît la photo qui accompagne la notice presse, a eu l’air de vouloir finir en beauté une aventure commencée en 2022, avec ses personnages fétiches, la journaliste Julita Wójcicka et Jan Tran, ex-flic, geek de génie et partenaire d’enquête. Et voir plus, si affinités. La demoiselle toujours au taquet dès qu’il s’agit de surfer sur Internet, rêve encore de ce qu’elle appelle un sujet d’enquête sérieux, celui qui pourrait lui valoir respect et admiration de la part de ses pairs. Le dénommé Daniel Tadeusz Królak avec lequel elle a débattu en télé va peut-être le lui apporter. Lui, c’est le gars venu de nulle part, le maître des manipulations en ligne, en cheville avec Moscou, le roi de la Fake News. Travail de terrain classique, Julia se rend à l’adresse supposée de son entreprise. Qui est vide. Le gérant lui raconte dans quel état il a trouvé les lieux. « Tout le sol était couvert de bouts de papier, ces longues bandes magnétiques de déchiqueteuse, des ordinateurs, des imprimantes et des cheveux, partout, des tas ». Voilà comment commence un scoop. À l’aveugle, dans le noir total. Julia ne comprend pas encore grand-chose mais elle creuse. Elle sait faire.

Quel rapport entre son enquête et l’éboulement du barrage d’une mine de cuivre dans le pays, un homme d’affaires qui s’active à signer des contrats avec les grandes bibliothèques afin de numériser leur fonds et enfin, un virus étrange, isolé et qui intrigue les spécialistes. Sans oublier, ce mathématicien soviétique chasse de l’université à la fin des années 80 pour avoir créé ce qui fut considéré à l’époque comme un truc inutile, l’intelligence artificielle. L’intrigue à tiroirs est posée, le rythme est infernal comme toujours, aussi rapide qu’une ligne de code informatique. L’auteur qui a gagné en maturité connaît son sujet sur le bout des doigts, et sait le vulgariser afin de ne pas perdre le lecteur en route. Cette fois encore, on voyage pas mal, on va en Russie et aux États-Unis, en Californie, la Mecque des datas. Et en Suisse, ce coffre-fort international qui abrite tout ce qui rapporte toujours gros.

C’est là que leur rencontre aura enfin lieu.  Julita face à Królak. La confrontation est musclée, le pourquoi de toute cette affaire criminelle est vertigineux. Encore une fois, on mesure les dangers de cette invention aussi magique que diabolique en cas d’utilisation criminelle. Pas de pitié dès qu’il s’agit d’enrichissement personnel ou de contrôle de la majorité par une minorité. Jakub Szamalek nous alerte encore et encore sur les méfaits de la petite souris. Les concepteurs de la Silicon Valley ne s’y sont pas trompés. Eux qui désormais bannissent Internet à leurs enfants. Saturés de métadonnées et proies idéales d’une cybercriminalité toujours à l’affût.

« Saturation totale » de Jakub Szamalek, traduit du polonais par Kamil Barbarski, Éditions Métailié Noir, 400 pages, 22,50 euros.

 

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