Une fille qui balance son père, même par accident, dans les escaliers et se tire avec un paquet de pognon, signe forcément le début d’un sacré roman noir. Gabriel Bergmoser fait preuve de beaucoup de talent pour capter notre attention en seulement deux pages. « L’Héritière » est une nana survoltée qu’il ne vaut mieux pas énerver.
Elle s’appelle Maggie et elle est apparue la première fois dans le roman précédent de l’auteur australien, « La Chasse ». Toujours aussi affûtée qu’une lame de couteau, elle s’est fixée un objectif et un seul : retrouver sa mère qui a fichu le camp lorsqu’elle avait cinq ans, lassée des coups de poings du paternel, la laissant ainsi seule face à la violence avinée d’un père en colère. Mais les recherches attendront. Le décès de son paternel, Eric, a quelque peu perturbé son emploi du temps.
On la retrouve serveuse anonyme dans un bar, à Port Douglas. Andrew le patron s’est montré très correct à son égard. Mais un soir, Len Townsend, un sale type, pénètre dans les lieux. Il va péter le nez de son patron. Conséquence directe : Maggie fait exploser son entrepôt. Solution extrême qui décidément nous la rend bien sympathique. Mais finie la tranquillité. Elle est obligée de prendre la tangente, remarque qu’elle est suivie. S’arrête à Cairns et reconnaît son suiveur. Harrison Cooper, flic et ancien collègue d’Eric. Que lui veut-il ? Que sait-il ? Il doute, cherche un disque dur, en rapport avec une vieille affaire qu’Eric n’avait jamais lâchée. Maggie est contrainte de retourner à Melbourne. La suite est une cavale jonchée de cadavres qui la conduira dans le territoire des cartels locaux.
Maggie les a tous aux fesses. Les Scorpions, ces Bikers avinés et sauvages de Len Townsend, et Harrison Cooper qui s’avère être un flic ripoux. Sans oublier un ex-flic, Jack Carlin, qui lui aussi a travaillé avec le père de Maggie, dans le temps. Il adore expliquer la vie aux gens et il lui lâche cette phrase sibylline. « Le crime est un écosystème dont la police est une composante. Bien sûr, il y a un héros de temps en temps ». La vérité se niche dans une descente, un jour, dans le passé. Un point de deal où Carlin, Eric et Harrison tombent (???) sur un sac laissé là dans un coin, rempli de billets. C’est Harrison qui a insisté pour garder le pognon. Mauvaise idée. L’argent appartient aux Scorpions dont le boss s’appelle Rook Gately. Le malfrat pas commode qui les tient dans sa main. Un tueur en série, de surcroît un tocard de dealer, achève leur belle amitié. Eric a descendu le mec. Dans les règles. Mais lui ne le vit pas comme ça, la bouteille à portée de main. Il procrastine sur cette bavure. Parce qu’il est sûr que ça en est une. Il dit avoir la preuve que c’est un gars de la bande des Scorpions. Autant dire une bombe à retardement pour les deux potes flics. Parce qu’ils le savent, avec une telle volonté de rétablir la vérité, le dénouement de cette affaire sera à double tranchant. Et là, terminé le tous pour un et un pour tous. Chacun pour soi.
L’atmosphère du roman est saturée de violence. Maggie, sorte de Lara Croft australienne, est déchaînée et sème les cadavres dans son sillage comme les cailloux du Petit Poucet. Une acharnée de la justice qu’elle entend bien administrer à sa façon. On imagine qu’il y aura une suite. Après le père, la mère. Celle de la faute originelle, de l’abandon. Maggie est dans les starting-blocks. Prête à dégainer. Et nous, on est bien content.
« L’Héritière » de Gabriel Bergmoser, traduit de l’anglais (Australie) par Charles Recoursé, Éditions Sonatine, 272 pages, 21.50 euros.