Paul Colize aime bien ses deux personnages, la juge Emma Toussaint et son greffier Fabrice Collet. Le duo incarne un savoureux Cosy Crime, la dernière production d’un écrivain touche à tout.
On dit qu’elle est la meilleure juge d’instruction de Bruxelles. On dit aussi qu’elle est un peu barrée et no-limit. C’est ce qui fait son charme. Enfin, c’est comme ça que la voit son bras-droit, Fabrice Collet. Au point de subir toutes les bizarreries de sa patronne sans broncher, comme sa façon de parler. « Qu’il aille se faire voir, accouche, le salopard… » Quand on lui confie cette « affaire délicate », comme la lui présente Émile Lerminiaux, le procureur du Roi, elle devine que c’est un cadeau empoisonné.
Tanguy Anselme, 45 ans, ou plutôt sa majesté Tanguy Anselme, avocat bouffi d’orgueil, a été retrouvé mort l’année d’avant, dans la nuit du 7 au 8 novembre 2022. Le corps était dans un petit village de Belgique, la voiture garée dans le centre de Mille, à plus de 280 kilomètres. Il y a aussi un baveux spécialisé dans la criminalité financière. Cest un bel imbroglio. Et pas vraiment le rayon de la juge et du greffier. D’autant qu’ils sont débordés. Mais Emma Toussaint a réponse à tout et explique à son subordonné qui s’interroge tout autant qu’il s’inquiète : « Parce que nous sommes les meilleurs », lui rétorque-t-elle, avec son aplomb habituel.
Alors, la voilà lancée au pas de charge. Elle réalise également que la justice s’est réveillée parce que la famille du défunt, lassée du peu d’avancée de l’enquête, avait engagé Marc Dauzier, un enquêteur privé français, « la cinquantaine ventrue, le cheveu rare le charme d’un ouvre-boîte », afin de faire avancer le dossier. De quoi piquer la susceptibilité des confrères belges. D’autant que le Marlowe gaulois a bel et bien levé quelques lièvres comme les opérations clandestines du défunt. Un peu plus gore, le rapport d’autopsie indique notamment qu’une pièce de 5 francs suisse était coincée dans la gorge de l’avocat. Un détail d’importance. Alors, tope- là ! Un check avec son greffier et en dépit de ses réticences initiales, Emma Toussaint est ferrée par l’intrigue.
On apprendra que l’avocat a, comme il se doit, une femme et une maîtresse dévouée, Olga Nikolaïevna, marchande d’art de son métier. En réalité, Monique Vermeulen de son nom de jeune fille. Moins exotique, fausse princesse, mais vraie épouse d’un homme d’affaires russe. Madame Anselme, quant à elle, a déjà repris son nom de jeune fille, nettement plus classieux, Marie Christine de Clermoy. Elle reçoit la justice dans un salon immaculé, et non sans montrer un léger agacement. Elle se présente flanquée de son conseiller, Bernard Dumont. Un monsieur très présent constate la juge qui surnomme immédiatement l’épouse « Diana Krall », pour sa ressemblance avec la chanteuse de jazz. Vous pouvez compter sur Emma Toussaint pour ne pas se laisser balader. Malgré des soucis personnels avec son fils, le seul être qui a le don de la laisser bouche cousue, elle va mener tambour battant cette enquête jusqu’à sa résolution.
Paul Colize prend un malin plaisir à nous raconter cette histoire. Le ton est léger, gentiment insolent, mais la recette du Cosy Crime est bel et bien maîtrisée. Avec en prime, une pointe d’humour belge comme on l’aime.
« Le Meurtre de la Rue Blanche » de Paul Colize, Éditions Hervé Chopin, 320 pages, 19,50 euros.