C’est le genre d’idée que les plus riches et les gouvernements qui travaillent pour eux n’aiment pas du tout. D’ailleurs, lorsque Manon Deraison présente son projet à un banquier, il la reçoit gentiment et poliment et enfouit le dossier tout au bas de sa pile. Sa dinguerie : une cryptomanie basée sur l’entraide. Mais la jeune femme ne plie pas, et en quelques mois elle échafaude un système qui va faire tanguer tout l’équilibre financier et monétaire français et qui menace même de franchir les frontières de l’hexagone. Qui est derrière le projet Care, s’interroge – t on dans les hautes sphères. C’est d’autant plus agaçant que lorsque la vérité éclatera, la France découvrira qu’elle est la fille de l’homme le plus puissant de France après le président de la République, son propre père Jacques Deraison, un salopard de première.
Premier thriller de l’ancienne journaliste et psychanalyste Stéphanie Artarit, « L’Argent, tout le temps » dénonce autant les délires de l’argent que l’abus de pouvoir des puissants. L’intrigue démarre à Auckland, en Nouvelle-Zélande avec deux personnages bien campés que l’on retrouve très vite par la suite. David et surtout Ivo Butorac. L’un est un génie des mathématiques, l’autre un joueur d’échecs hors pair, pour ne pas dire un joueur tout court. D’où son surnom dans le monde opaque du jeu de Whale, « Baleine ». Combinaison gagnante pour ce tandem d’escrocs en col blanc qui à priori n’auraient jamais dû croiser la route de l’idéaliste Manon. Mais le COVID a changé la perspective de bon nombre de gens dont Manon qui rêve désormais d’un monde meilleur et a concrétisé cette idée avec Care, ce système d’échange de services.
Sans surprise, le papa n’apprécie pas du tout. Au début, il ne sait pas encore que sa propre fille a manigancé tout le bazar. Mais il est l’homme des propositions radicales. Il embauche Ivo, l’homme des solutions tout aussi radicales. Le combat est inégal. Deraison bénéficie de tout l’appareil d’État. Qu’importe que sa progéniture soit à l’origine. Il n’a jamais reculé devant rien ni personne. Mais Ivo n’a pas de scrupules et surtout s’y connaît en déplacement de pions. Il joue sa propre survie et celle de Manon. De quoi sérieusement motiver. Stéphanie Artarit a savamment dosé son roman. Entre psychologie et codes thriller, le livre se lit d’une traite. Exactement ce que l’on demande à ce genre de littérature.
« L’Argent tout le temps », par Stéphanie Artarit, Éditions Belfond Noir, 304 pages, 20 euros.