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« Les Berlinoises » de Inga Vesper : les péchés sont-ils jamais pardonnés ?

Un roman sur le fil. Où la romancière oscille habilement entre souvenirs familiaux et imagination fertile. « Les Berlinoises » de Inga Vesper nous happe. Littéralement. L’écrivain Robert Goddard a été le premier à le dire. Il a raison.

Berlin, 1946. La chute, la défaite. L’Allemagne nazie est à genoux. Les Alliés se sont placés sur l’échiquier géopolitique à venir. Les Russes entrés les premiers et avec l’aval de Moscou, se sont déjà salement servis. Viols et vols, les Berlinoises les redoutent par-dessus tout. Les Américains jouent les good guys mais détestent ouvertement les Allemands. Ils ont un job à exécuter :  dénazifier ce territoire pris d’une folie collective et sauvage. Vera sort justement de la caserne Roosevelt dans la zone d’occupation américaine de Berlin. Elle tient dans sa main son “certificat Persil” qui atteste qu’elle appartient à la Catégorie IV. ‘Qu’elle n’a été qu’une Suiviste du régime hitlérien. Le sergent le lui a dit. « Vous inquiétez pas, Madame Klug, vous étiez pas si mauvaise ». Atroce.

Elles sont sept. Sept femmes qui tentent de survivre dans une ville en ruines. Berlin est décrite sous toutes les coutures. Un personnage à part entière de ce roman haletant. Vera Klug est une ancienne actrice qui a eu son heure de gloire l’espace d’un malheureux film avant de disparaître dans les archives du système culturel nazi. Elle chante désormais pour les Yankees. Elle est le moteur de la maisonnée. Elle est en quête de rédemption. Pas ses camarades. Mais c’est le Nouvel An, les tensions seront pour plus tard lorsque Vera sera retrouvée morte, étranglée. Pour l’heure, elles sabrent… le lait de poule préparé avec de l’alcool dénaturé, des œufs reconstitués et autant de sucre. Infect. Mais tout est bon pour célébrer et surtout oublier. Que le froid mordille le corps jusque dans les maisons non chauffées, que la faim empêche de dormir, que le travail de nettoyage de la ville est harassant, pire, humiliant.

Le roman s’articule autour de trois personnages. Vera, mais aussi Rike et Billy. Le soldat Billy Keely tout droit sorti du Kentucky. Un nigaud qui attend tous les jours des lettres de sa Betty, la belle laissée là-bas au pays. Un nigaud raciste, empoté mais entêté. Qui a tué Vera et le sergent Coston, surnommé Le Lézard parce que quand il fumait, « il faisait glisser sa cigarette d’un coin de sa bouche à l’autre d’un coup de langue ». Il compte bien démasquer le ou les meurtriers. Il est le digne représentant d’un pays qui va remettre sur les rails une partie de cette nation dévoyée. « Soutenir la dénazification et la démocratisation de la zone occupée américaine ».

L’enquête le conduit dans cette maison où ces sept femmes ont trouvé refuge. Vera en était le poumon. Maintenant qu’elle a disparu, les couteaux sont tirés. Toutes ont quelque chose à se reprocher. Toutes ont été à minima complices tacites d’un régime barbare, et à maxima certaines ont même été actives. Tant que Vera était en vie, elles ont vécu dans l’illusion que le passé était derrière elle. Mais des hommes frappent à la porte. Et pas n’importe lesquels. Ernst Mückler, le mari disparu de Emmi et le redoutable Erich William Fischer, ex-Oberbefehlsleiter du Parti national-socialiste, section Berlin-Centre. Un gars qui pendant la période nazie en référait directement au Gauleiter Goebbels. Bizarre, les deux hommes ont l’air de bien se connaître. Les Sonderkommando, cela vous dit quelque chose ? Dans l’échelle des pourris, ils ont été Number one. Qu’allait faire Vera ? Les dénoncer ?

L’après-guerre est toujours une période de grands troubles. L’ordre passé fait place à l’anarchie. Une photo intrigue les protagonistes qui cherchent la vérité. Cela pourrait être la romancière qui elle-même, un jour, il y a bien longtemps, lorsqu’elle avait 14 ans, feuillette l’album de famille, et découvre sa grand-mère en tenue folklorique avec ses amies dans une clairière. Elles faisaient toutes le salut nazi. Ingrid interroge. « Grand-Mère, tu as été nazie » ? La réponse tombe, brutale, sous la forme d’un bruit sec. L’album que la grand-mère referme bruyamment. « Nous nous sommes bien amusés aussi, ce n’était pas si terrible ». Voilà de quoi parle le roman formidable de Inga Vesper. De la culpabilité, de la faute, la plus grande faute. Celle de nos parents et grands-parents. Et peut-être pire encore du tabou qui entoure le silence. Ne pas voir dit ou fait, ne pas avoir regardé. Avoir même été heureux. « Les Berlinoises » de Inga Vesper sont à l’image d’une partie de la population allemande empêtrée dans un passé impossible à refermer.

« Les Berlinoises » de Inga Vesper, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Thomas Leclere, Éditions de La Martinière, 416 pages, 22,90 euros.a

 

« Rebecca. Dans l’ombre d’Hollywood » de Michel Moatti

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Un bonbon sucré salé. Le dernier livre de Michel Moatti se déguste lentement avec un plaisir coupable. Celui de pénétrer en zone interdite, dans la vie privée des stars de cinéma. « Rebecca, dans l’ombre d’Hollywood”, relate le premier tournage américain du géantissime Alfred Hitchcock et de sa fascinante et ténébreuse Mrs Danvers.

On a toujours envie de connaître le dessous des cartes ou l’envers du décor. Au fond, qui savait à l’époque que la bouillonnante Vivian Leigh dans « Autant en emporte le vent » souffrait de sérieux problèmes psychologiques. Ou que Joan Crawford, méchante comme une teigne, couchait à peu près avec tout le monde si cela pouvait servir son insatiable méchanceté et nuire ainsi à tous ses ennemis, la liste étant sans fin. Non sans une pointe de sadisme sophistiqué, l’auteur a fouillé les tiroirs de la machine à rêves de Los Angeles et en a sorti tous les gossips possibles, afin de nous raconter l’histoire revisitée de l’adaptation du roman de Daphné du Maurier par le maître du suspense, lui-même, l’Anglais rondouillard Alfred Hitchcock.

Le cinéaste connaît les ficelles de la peur. La reconstitution d’une époque, 1939, ne pose aucun problème. Le manoir de Manderley, effrayant et situé en bord de mer, non plus. La fabrication de la défunte, Rebecca, que l’on ne voit jamais, n’est pas non plus un souci. Le veuf ambigu, Maximilien de Winter, sous les traits de Sir Laurence Olivier, évident. Le visage de la nouvelle épouse naïve et gauche relève déjà d’un plus grand défi. Toutes les stars de la Mecque du cinéma veulent le rôle. Y compris les deux sœurs, Olivia de Havilland et Joan Fontaine. C’est cette dernière qui l’emporte. Trouver une gouvernante toute vêtue de noire, rigide et malveillante, Mrs Danvers, ça c’est l’affaire personnelle du maître Hitchcock. Elle sera le point névralgique du film, il la veut ombre géante et terrifiante. Il la veut envahir le corps du spectateur, comme tétanisé. Ce sera Judith Anderson. C’est par sa voix que ce récit pour grandes personnes nous est conté. L’actrice dont ce fut le seul et unique grand rôle, se rappelle un tournage hanté par la folie et perturbé par une série de meurtres de jeunes femmes inexpliqués dans West Hollywood. « Parce que Rebecca cachait un récit criminel que les grands studios avaient soigneusement dissimulé pendant des décennies ». Le déroulement du film en est affecté. Les journaux baptisent cette sinistre série « L’affaire du Nocturne ». « Les meurtres furent une sorte de casting parallèle aux films qui se tournaient alors entre Sunset Boulevard, Studio City et Culver. Une métaphore du système fabriqué par l’industrie américaine du cinéma ».

Le romancier a écrit un script à sa mesure. Dont le but est de nous perdre en route, de nous faire douter de la réalité. Et le résultat est là. Magistral. Le mystère dans le mystère. Des victimes et un assassin. Oui mais lequel ? Judith Anderson enquête. Ces incidents pour ne pas dire ces tentatives d’assassinat à l’encontre de Joan Fontaine ou même contre elle ? Ne serait-ce pas l’œuvre de son ami, si tant est que l’on puisse en avoir un dans cet univers de faux-semblants, Sir Laurence Olivier ou bien encore Conrad Nagel, acteur, « un bellâtre en perte de vitesse ». Ou pourquoi pas Vivian Leigh en personne. Après tout, n’est-elle pas folle à lier. La pellicule de Michel Moatti se dédouble. On est à Manderley avec Mrs Danvers, ombre menaçante devant une Madame de Winter, terrorisée. « Oh, vous avez touché à ses brosses n’est-ce pas ? » La peur s’installe sur le plateau. Mais on est aussi hors champ avec la comédienne Judith Anderson qui doit tourner la dernière scène de Rebecca. Fait inhabituel, une voiture du studio vient la chercher à son domicile et la conduit à Culver où deux robes l’attendent. L’une d’elle doit prendre feu sans pour autant la brûler. Las. Manderley reconstitué prend feu et la robe avec. « J’ai compris…Rebecca n’était pas seulement un film. Un drame psychologique à la sauce hollywoodien qui raconte l’histoire d’une femme et d’une maison hantée. Rebecca serait un testament. Celui de « L’âge d’or d’Hollywood ». Le film de Michel Moatti est comme de la dentelle où s’entortillent des femmes sublimes et perdues dans les profondeurs d’une célébrité convoitée. Quitte à en payer n’importe quel prix. Qui se souvient de ces faits-divers sanglants où artistes et starlettes sont retrouvées mortes ? Mais on n’oubliera jamais Mrs Danvers. Longue vie à Hollywood.

« Rebecca. Dans l’ombre d’Hollywood », de Michel Moatti, Éditions Hervé Chopin, 238 pages, 19.50 euros.

 

« Petites Morts à Sonagachi » de Rijula Das : misère et splendeur au cœur de Calcutta

Il n’est ici pas question de morale, ni même de rédemption. Tout le monde ne voit pas l’existence par un prisme judéo-chrétien qui sous-entend qu’il arrivera forcément un moment, où le pécheur se rendra au châtiment de Dieu, à défaut de celui des hommes. Et ce n’est pas dans un bordel que l’on se posera toutes ces questions existentielles, alors que la survie est la vie. L’Inde n’est pas une fille facile. À la fois grossière et subtile, réaliste et rêveuse, douce et brutale. Paradoxale, insaisissable. Le premier roman de Rijula Das, « Petites Morts à Sonagachi », est époustouflant. Il nous transporte dans un pays brouillon, bruyant et chatoyant. Un pays où les femmes sont en première ligne, victimes de l’exploitation tous azimuts. De celle des hommes bien sûr, mais pas seulement. La sororité n’est pas un acquis. L’Inde le rappelle cruellement.

L’intrigue qui n’a que peu d’importance – la mort de prostitués n’intéresse personne dans ce pays hormis un flic assez fou pour ne pas être corrompu ou les coopératives féministes – repose néanmoins sur un crime atroce dans un milieu que l’autrice, chercheuse et traductrice du bengali, nous dévoile dans sa plus profonde réalité brute. Où les sentiments ne valent qu’en fonction de ce que l’autre peut offrir, en roupies sonnantes et trébuchantes. Dis-moi combien tu as, je te dirai combien tu vaux. Implacable, immuable. Nous sommes dans le quartier rouge de Calcutta. La ville est extrême. Elle abrite la plus grosse concentration de lupanars en Asie et Mère Teresa abrita le plus célèbre épicentre de la misère pendant longtemps. La romancière s’est intéressée à une combinaison double : sexe et misère. On va suivre les aventures de Lalee, prostituée rouée mais qui croît encore qu’elle verra la lumière au bout d’un interminable tunnel. Un jour.

Mohamaya est morte. Elle avait  28 ans et « une beauté désuète, des yeux de biche, de longs cheveux et la peau claire. Elle était morte la veille au soir, sans aucune discrétion, allongée dans un bain de sang ». Madame Shefali, une maquerelle pur jus, ne traîne pas et fait sortir le corps. Les clients n’attendent pas. « Les maisons d’ici sont comme des femmes, avait-elle dit, un jour. Il faut les louer pour gagner de l’argent; pas le temps de les retaper ». Pas de misérabilisme convenu, pas d’empathie, le Lotus bleu ne peut se payer ce luxe. Le bordel de Madame Shefali est comme un théâtre d’ombres. Des hommes entrent, disparaissent derrière des portes où des filles vont s’occuper d’eux. Lalee est tout le temps choisie par Tilu Shaw, une sorte de poète raté et recyclé dans des fictions érotiques, du style « Coquine belle-sœur », déclinées « au clair de lune », « au bain », « à la mousson »… Pas de quoi satisfaire son père qui, accablé par la déception, n’adresse quasiment plus la parole à son fils. Tilu est amoureux de Lalee et rêve de la sauver de cet endroit de perdition. Il est son misérable « babu » d’extraction de classe inférieure. Ce n’est pas de ça dont elle rêve.

Le bordel de Madame Shefali possède un étage. Inaccessible. Mais ce jour-là, elle convoque Lalee. « Cela faisait vingt ans qu’elles se côtoyaient. Elles s’étaient disputées, haïes, entraînées et protégées ». Elle lui annonce que Lalee va pouvoir s’y s’installer. Lalee se méfie. Mais a-t-elle le choix ? Non, bien sûr. Pas plus que de dire non, quand une voiture, une Sedan noire aux vitres teintées, l’attend, direction un bar à pole dance. Elle y rencontre Rambo Maity, un escroc à la petite semaine qui a les yeux plus gros que le ventre. Avec lui, une grande blonde, une fille de l’Est prénommée Shaka et qui préfère que Lalee s’adresse à elle sous le nom de Sonia, mais se fait appeler Jasmine quand elle est au bar. Véritable dédale identitaire où les filles semblent parfaitement naviguer. Les plus fortes revêtent des armures qui au gré des rencontres se transforment en cotte de maille, rempart infranchissable, dernier maillon d’une existence qu’elles veulent encore pouvoir contrôler. Sonia fait partie de ces dures à cuir. On leur prend tout, leur corps, parfois leur dignité, elles choisissent leurs prénoms.

La suite du roman nous plonge dans la fosse du vice en tout genre. Gros maharaja adepte de tortures sur femmes dont tout le monde se fiche. Mais qui, pour des milliers de roupies, acceptent cette maltraitance organisée dans cette grande chaîne alimentaire du trafic sexuel. Rijula Das prend peu de gants. La réalité de son pays ne se prête pas au sentimentalisme de bonbon rose ou de créatures Bollywood. La petite mort de Rijula Das est un orgasme à double tranchant. La pleine extase pour les hommes et une mort lente pour les femmes. Splendide.

« Petites Morts à Sonagachi » de Rijula Das, traduit de l’anglais (Inde) par Lise Garond, Éditions Seuil/Cadre Noir, 384 pages, 23.50 euros.

« Everglades » de R. J. Ellory : dans le couloir de la mort

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La régularité d’un métronome. R. J. Ellory sort des romans à cadence soutenue. Un, quasiment chaque année. Ce qui en soi est déjà une belle performance. Mais là où l’écrivain anglais peut en scotcher plus d’un, c’est par la qualité de ses écrits. « Everglades » coche encore une fois toutes les cases.

Floride. L’État de Disneyland, l’État qui donne souvent toutes ses voix au président Donald Trump. Le shérif adjoint Garrett Nelson s’apprête à changer de vie. Mais il ne le sait pas encore. Il lui faudra attendre une mauvaise nuit et une journée, avant la fusillade fatale. Pour une histoire de drogue. Son supérieur l’avait prévenu. « Fais bien attention. La drogue, c’est pourri, et le trafic de drogue c’est un trafic de pourris ». Il aura raison. L’opération où Garrett Nelson n’était qu’en appui, parce que dirigée principalement par la Drug Enforcement Administration (DEA), foire dans les grandes largeurs. Garrett tue un homme et est lui-même blessé par balle. Il s’en sort mais traînera la patte toute sa vie. Adieu l’étoile du shérif.

Que faire ? Une kinésithérapeute l’a bien torturé à sa sortie d’hôpital, l’empêchant ainsi de s’apitoyer sur son sort. Une petite marrante avec la langue bien pendue. Elle le prévient, pas question de la draguer. Hannah Montgomery a grandi avec quatre frères, elle connaît la musique. Mais le convalescent sait y faire ou il n’y aurait de roman. Hannah parle de son père qui est gardien de prison. Il pourrait lui trouver du travail. Florida Southern State lui apporterait un salaire décent et une assurance santé. Vitale en ce qui le concerne. Hannah ne lui parle pas du couloir de la mort. Deux histoires en une. Joliment amenées. L’amour et la mort. Le romancier observe les gens à la loupe. Ils sont toujours traversés de fulgurances qui peuvent être aussi noires que lumineuses. Southern State incarne le désespoir. La romance que Hannah et Garrett n’attendaient plus eux-mêmes, sera l’espoir.

Maton, voilà donc ce qu’il est devenu. « La différence entre sa carrière passée et sa carrière actuelle, c’est qu’il baignait désormais dans un environnement totalement criminel ». L’ancien homme de loi qu’il est, se glisse dans cette nouvelle peau sans trop de problèmes. On lui a indiqué ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Il s’y tient. Un temps. Au point d’être placé rapidement dans le bâtiment des condamnés à mort. Sa première exécution sera effrayante. « Nelson avait fait tout ce qu’il fallait pour exorciser le souvenir de cet événement. Peut-être dans le but de s’expliquer pourquoi il continuait à faire ce travail, ou de trouver une justification personnelle à la peine de mort, Nelson prit le temps de comprendre les crimes des condamnés ». C’est ainsi qu’il franchit la ligne rouge.

Il échange avec l’un d’entre eux. C. J. Whitman. Noir et jugé coupable de meurtre au premier degré. À l’époque des faits, il avait 19 ans, il en a 26 aujourd’hui. Pas d’aveux, que des preuves indirectes. Il est pourtant broyé par la machine judiciaire. Garrett est troublé par le jeune homme. Y aurait-il eu une erreur ? Il franchit une deuxième ligne rouge, lui qui n’est plus policier, il enquête sur le cas de ce prisonnier modèle qui ne se défend pas.

Gardien dans le couloir de la mort est propice à la réflexion, à l’introspection. Hannah parle d’avoir un enfant. Dans un monde comme celui-là. Est-ce bien raisonnable? Florida Southern State empoisonne leur relation. Il lui est de plus en plus difficile de laisser les odeurs, les visages, les images des mises à mort lorsqu’il rentre le soir. Il y a ceux pour qui on n’a aucun doute. Et puis les autres, comme Whitman qui demeure une énigme aux yeux de Garrett. Surtout quand le détenu lui pose cette question : « Est-ce que avez parfois l’impression d’être un prisonnier, monsieur Nelson ?

Voilà ce qui intéresse R. J. Ellory, les paradoxes, les contradictions, les subtilités. Comment peut-on considérer qu’un tel ne manquera pas à la société et que tel autre, au contraire, ne devrait pas se trouver dans le couloir de la mort. « Everglades » n’est pas un pamphlet politique, ce thriller est bel et bien une profonde réflexion sur la nature criminelle d’un individu et sur l’application de la peine de mort. Le milieu carcéral ne réhabilite personne, les études sont unanimes. Il n’est pas davantage fait pour les soigner. Mais il est la seule solution que la société ait trouvée jusqu’à présent pour se protéger des hommes du genre de Florida Southern Gate. Il est peut-être temps d’envisager la punition sous un autre angle que la répression absolue et la condamnation à mort qui va avec.

« Everglades » de R. J. Ellory, traduit de l’anglais (États-Unis) par Étienne Gomez, Éditions Sonatine, 456 pages,24 euros.

« Le Petit caporal » de Yann Zolets : coup de projecteur sur les taupes

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Il y a comme ça des mini déflagrations lorsque vous lisez pas mal de polars, thrillers, romans noirs… « Le petit caporal » de Yann Zolets en est une, et une sacrée. Patrie, drapeau et trahison. À la manœuvre, les Russes de Poutine et les pommes pourries des services secrets français. Un roman plus que jamais crédible dans le contexte géopolitique actuel où la désinformation est autant une science qu’une arme de guerre.

Sally Demoreno, capitaine de l’armée de l’air, croupit en prison en attente d’un jugement pour le meurtre d’un officier de police… « qu’elle ne se rappelle pas avoir commis ». Le décor est, croît – on, planté. En réalité, pas vraiment. L’épisode de la prison n’est que l’amorce d’une histoire d’espionnage de dingue qui se déroule en partie dans les entrailles de la Marine nationale. Et pas n’importe lesquelles. Celles des sous-marins.

Flash-Back. On retrouve notre Sally pas encore derrière les barreaux. Elle bosse au sein de la cellule de renseignements Atlantique – Méditerranée. « Elle a quitté le sable pour la mer, et les avions pour les bateaux ». Désormais, elle est en charge « des comptes-rendus d’activité militaire maritime en zone Atlantique – Méditerranée des pays de l’OTAN et des autres nations, notamment la Russie, qui occupe une place toute particulière ». Justement un petit truc la chiffonne. Le sous-marin français Émeraude, qui aurait dû prendre le relais de la Frégate Provence après avoir capté le signal acoustique du submersible russe, a livré un compte-rendu plutôt laconique. Encore plus bizarre, la présence d’une « oreille d’or » (quelqu’un capable à l’oreille de donner le nombre de pales sur les hélices d’un bateau, sa vitesse, le type de navire de guerre, voire son nom) à son bord est tout à fait inhabituelle. Elle cherche et croit avoir trouvé. « Le service de la DGSE (Sécurité Extérieure) possède donc une source ayant accès aux mouvements des sous-marins russes ». Elle n’a pas encore la General Picture de l’affaire mais elle est sur la bonne voie. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’elle court à sa perte. Parce que ses talents instinctifs et inattendus d’enquêtrice ne vont pas plaire aux espions qui bossent pour le camp adverse.

On entre alors dans le dur du roman. Yann Zolets est un pseudonyme. On apprend juste qu’il a passé seize ans dans la Marine. Visiblement, il en a retenu toutes les bonnes leçons parce que son thriller géopolitique est fantastique. À l’environnement insolite qu’il a eu la bonne idée de vulgariser, se superpose une intrigue qui met en scène les gros méchants du moment, comme les Russes. On est harponné d’emblée.

Sacha est un agent clandestin du GRU, le Service des renseignements de l’armée moins connu du grand public mais redoutable et brutal. Sacha vit chez l’ennemi. Son travail : retourner des agents, des hommes politiques et autres. Tout ce qui peut saper l’Occident de l’intérieur pour le compte de Moscou et ses maîtres militaires. Les ressorts de la manipulation sont tous pareils quel que soit le pays. L’égo, l’argent, la frustration, et parfois l’idéologie. Dans son genre, Sacha est un artiste, formé pendant cinq longues années par les meilleurs mentors de l’espionnage russe. « Seuls trois des six stagiaires ont reçu la qualification opérationnelle de clandestins et ont été nommés capitaine ». Pour celui qui tombe dans les filets de cette machine de guerre, il est perçu comme un don du ciel. Mais le bienfaiteur devient toujours le bourreau parce que l’agent du GRU n’a qu’un amour, la mère patrie. L’officier marinier Christian Delgado va en faire les frais. Il ne sera pas le seul.

La nouvelle arrive à la connaissance des Français par la CIA. Réunion top secret. Un défecteur leur a lâché une bombe. Un illégal du SVR (Service de renseignements extérieurs de la fédération de Russie) en poste dans l’hexagone aurait infiltré les services français. Les gars de la CIA qui ne ratent pas l’occasion de se moquer des Frogs l’ont surnommé « Le Petit Caporal ». C’était le surnom donné affectueusement à Napoléon par ses soldats. En réalité, la CIA ne joue pas franc jeu et l’affaire devient un casse-tête inter service. DGSE contre DGSI (Sécurité Intérieure). Pas simple. Mais la réunion permet à Sally de comprendre qu’elle était sur la bonne voie, avec son histoire de sous-marin russe. Qu’un des leurs a trahi. Il n’est pas le seul mais à ce stade personne ne peut mesurer l’ampleur des dégâts. À Moscou, la confiance ne brille guère entre les hommes qui sont proches du pouvoir. Les couteaux sont tirés, Poutine se régale de les voir frétiller de peur. Il règne au-dessus de la mêlée. Son objectif reste la déstabilisation des démocraties occidentales. Cette fois, c’est la France du président Macron qui en tête de liste. Un roman sous tension, véritable billard à mille bandes avec des personnages habités et un traître de service bien cintré. L’intrigue solide s’appuie sur des données parfaitement maîtrisées par l’auteur. Un thriller d’espionnage français qui joue carrément dans la cour des grands.

« Le Petit Caporal » de Yann Zolets, Éditions La Manufacture de Livres, 384 pages, 15.90 euros.

« Corps, corps, corps, carnet d’une médecin légiste » de Karine Dabadie et Macha Séry

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Ce sont des cailloux comme ceux du Petit Poucet. Jetés sur une route, mais surtout pas en ligne droite. Le texte du médecin légiste Karine Dabadie et de la journaliste Macha Séry, emprunte des voies détournées pour décrire un métier peu banal. Peut-être faut-il au moins cela pour se livrer comme on dissèque un corps posé, là, sur une table froide sous des néons blafards. La vie puis la mort. Un coup puis un autre. Le premier veut supprimer, le second veut comprendre. Pourquoi le nombre de féminicides ne baisse pas. Pourquoi les mamans frappent leurs enfants.

Il y a le temps de la scène de crime. Violente, souvent sanglante. Puis le temps de la dissection avec les lésions apparentes. Et les autres, celles que l’on découvre, anormales,  « un corps maigrelet, 11 kg pour 87 centimètres, qui au-delà du choc donne la cause du décès : mort à la suite d’une dénutrition et d’une déshydratation sévères avec œdème cérébral anoxo-ischémique dans un contexte de maltraitance d’une extrême gravité ». Le garçonnet avait huit ans. Sa mère le pensait envoûté. « Son cœur pesait à peine 68 grammes ». Des cas de ce genre, Karine Dabadie en a vu beaucoup. Trop. Alors, elle pose la question. « Pourquoi en est-on arrivé là ? Pourquoi ces plaintes non traitées ? Pourquoi avoir négligé des signes annonciateurs ? »

Il est là l’intérêt de l’ouvrage de cette médecin légiste. Karine Dabadie va au-delà de cette phase où le cadavre est une dernière fois malmené. Elle veut agir en amont. Prévenir. Faire en sorte que l’on entende lorsqu’une femme dénonce un conjoint, compagnon à la main lourde, que l’on secoue une administration rétive, voire hostile aux drames de tous les jours, ceux du quotidien, du banal que l’on tient à distance. Karine n’est pas faîte de ce bois-là. Pas question de se contenter de découper des cadavres toute la journée. L’Institut de médecine légale de Point-à-Pitre, en Guadeloupe, lui offre l’occasion dont elle rêve. Et de 2012 à 2016, elle met en place un nouveau protocole novateur de signalement des violences conjugales. « Ces six années aux Antilles resteront à jamais gravées en moi. J’ai pu concevoir le service que je souhaitais, soutenue en cela par une direction hospitalière et une institution judiciaire bienveillantes ».

Dans cet ouvrage « qui ne peint pas le médecin légiste en enquêteur hors pair », Karine Dabadie explique, décrypte, s’insurge, motive. En parlant d’elle, de son parcours, impeccable et pourtant cabossé. Cinq enfants, ce n’est pas rien dans la vie d’une femme qui travaille. Un supérieur mâle, très mâle, le piège du harcèlement, elle qui connaît pourtant les méandres de l’esprit et qui succombe. Se montrer forte et vulnérable, le destin de tout un chacun, peu importe le milieu social et le niveau d’études. Karine Dabadie a relevé la tête, repris le chemin de la réparation. Anticiper, former, écouter entre les mots, lire entre les lignes, ne jamais sous-estimer la souffrance. C’est un livre hybride entre la confession et l’essai qui parle du corps de l’autre, vivant et mort, et du sien agressé dans l’enfance. Un joli moment d’humanité.

« Corps, corps, corps, carnet d’une médecin légiste » de Karine Dabadie et Macha Séry, Éditions Globe, 160 pages, 19 euros.

« Naufragés, un couple à la dérive » de Sophie Elmhirst : un récit subtil à l’image des rescapés

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Dans un certain contexte, on dirait qu’ils n’avaient vraiment pas le profil. Celui de larguer les amarres au sens propre du terme, celui de prendre la mer, cap vers la Nouvelle- Zélande. Non, vraiment, Maurice et Maralyn, deux êtres quelque peu passe-murailles, ont déjoué tous les préjugés. Ils en ont payé le prix.

Sophie Elmhirst s’est emparée de cette aventure hors norme et nous la raconte dans un ouvrage à l’image des deux protagonistes : simplement et directement. Avant de devenir un récit de survie, c’est l’histoire de Maurice Bailey, compositeur dans une imprimerie et de Maralyn, employée de bureau aux impôts de Derby, en Angleterre. Elle est plus jeune de neuf ans, plus volontaire. Ils se trouvent. « J’avais besoin de quelqu’un comme Maralyn dans ma vie pour compenser mon manque de confiance », écrira – t – il, plus tard. « Elle comblait les blancs », analyse finement l’autrice et journaliste, Sophie Elmhirst.

Les « M » se marient, ronronnent quelque temps avant de réaliser que mariage et enfants, ce n’est pas leur truc. L’idée du voyage prend forme. « Pour Maurice, ce fut une révélation. Repartir de zéro. Se débarrasser de tout ce qui signifiait l’Angleterre : son passé,  sa famille, lui-même ». Pour Maralyn, le véritable moteur dans l’histoire, l’idée de laisser ce pays pour ne jamais y revenir était tout bonnement ébouriffante. En juin 1972, à bord du Auralyn, ils quittent enfin la grisaille de la Grande-Bretagne. Leur dernière vision sera les falaises du Devon. Leur première escale sera la côte galicienne de l’Espagne. Ils voyagent cinq jours. Ils se sentent enfin libres.

Leur histoire d’amour éclot. Magnifique. Simple. Deux âmes en osmose, bienveillantes, une évidence. D’être là, ensemble, sans rien si ce n’est ce bateau et quelques affaires indispensables. Si tant est qu’ils aient eu des doutes, ils se sont dissous dans une certitude sereine et pérenne. Mais la nature a toujours son mot à dire. Le 4 mars 1973, à six cents kilomètres des Galápagos, un choc envoie valser les livres, et le cachalot se dresse là devant eux, effrayant et se vidant de son sang. « La décision d’abandonner le bateau fut prise en un instant. Il leur suffit d’échanger un regard ». Ils navigueraient sur le radeau de survie et l’annexe serait gonflée. Pendant des mois, Maurice avait eu un sentiment de contrôle et d’autorité en fendant les flots encore magnanimes. Désormais, il était à la merci des éléments fantasques.

Après avoir bien pleuré, Maralyn se ressaisit et organise la vie sur ce radeau d’un mètre quarante de diamètre. Elle rédige un emploi du temps et calcule les rations journalières. Une tasse d’eau le matin à partager, une chacun le midi, et le soir rebelote. La nourriture est insignifiante. Elle deviendra une obsession. Le 24 avril, date anniversaire de Maralyn, cela fait sept semaines qu’ils sont naufragés. Quelques jours plus tard, ils font une horrible découverte : leurs deux bateaux sont percés. À chaque galère, une solution. Maralyn possède encore du papier, elle écrit, « l’écriture fait sortit la solitude, elle fait exister ». Maurice la regarde souvent. « Le silence de cette activité l’excluait, comme un secret tissé entre elle et les mots ». Ils occupent leur place habituelle. Maurice dans l’annexe, Maralyn sur le radeau. Ils voient des navires mais ces derniers ne les voient pas.

Jusqu’au 30 juin 1973. Le Wolmi 306 est un vieux rafiot sud-coréen. Le capitaine s’appelle Duh Chong-il. Au milieu du Pacifique, il n’y a jamais rien. Sauf que ce jour-là, il y a une tache. Qui devient une puis deux formes. Deux corps, une femme, un homme, décharnés tous les deux. Les « M » sont à peine vivants, mais sauvés. Incroyable. Ils ont survécu. Le couple Bailey s’étonne de la folie qui s’empare de leur aventure. Leur histoire est extraordinaire à leurs yeux mais sans grande signification pour quiconque. Ils se trompent. Les journaux britanniques rivalisent d’offres pécuniaires afin qu’ils leur réservent la toute première interview. Puis ce sera le livre. De l’ombre à la lumière, d’un coup, d’un seul. Des révélations, des non-dits. Aussi. Pour protéger l’autre, le plus faible. Et pas forcément celui que l’on croit. « Car qu’est-ce qu’un mariage, en réalité, si ce n’est être coincé sur un petit radeau avec quelqu’un pour survivre ». Le couple raconte encore et encore. Avec une idée en tête. Reconstruire un bateau pour repartir. La journaliste s’est appropriée cette histoire dont elle a gardé les faits, et a réussi avec brio à nous faire vivre cet enfer de navigation ratée. On les voit, on les entend, on devine leur couple aux certitudes indéfectibles. Arrimé. Maralyn est morte avant Maurice. Il est retourné à sa solitude, est sorti du champ médiatique. Interrogé une dernière fois pour savoir s’il avait jamais regretté ce dramatique périple, il a répondu : « Je ne sais pas si vous pouvez vraiment vous imaginer ce que c’est que d’être assis sur un radeau de survie et de voir qu’une baleine s’approche de vous. C’est un tel cadeau… Rien que de voir ça, c’était merveilleux ».

« Naufragés, un couple à la dérive » de Sophie Elmhirst, traduit de l’Anglais par Karine Forestier, Éditions Paulsen, 272 pages, 22 euros.

 

« Loch noir » de Peter May : le retour de son héros fétiche, Fin Macleod

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L’examen de conscience viendrait-il avec l’âge ? Forcément un peu, quand le fameux sentiment d’immortalité qui caractérise la jeunesse s’est émoussé au fil des années écoulées. Carrément, lorsque son propre enfant est accusé d’avoir commis l’irréparable et qu’une jeune fille en est morte. Le dernier roman de Peter May, dans lequel on retrouve le héros de ses débuts, Fin Macleod, évoque cet état d’esprit si particulier alors que la tragédie a frappé. Mélancolique et fragile comme un vieil homme qui marche au bord de la falaise.

Le décor est  toujours là. Splendide, marin, pluvieux et venté. Des Hauts de Hurlevent malmenés par des éléments ingouvernables. Une nature omniprésente dans l’œuvre de cet auteur écossais qui a élu domicile dans l’hexagone. Nous sommes sur l’île de Lewis. Nous sommes là où tout a commencé pour Fin Macleod. Et où tout semble s’achever pour son fils, Fionnlagh, celui qu’il a eu avec Marsaili. Ce dernier est accusé d’avoir tué Caitlyn Black, jeune femme de 18 ans, téméraire amoureuse de son professeur… le fils de Fin. La nouvelle est doublement tragique.

Fin n’est plus policier mais comme le lui rappelle Marsaili, inspecteur d’un jour, inspecteur toujours. S’il n’enquête pas pour son propre enfant, pour qui le ferait-il? Alors lui et sa femme quittent la terre ferme écossaise pour cette île qu’ils pensaient ne pas revoir avant longtemps mais sur laquelle leur fils a décidé de venir s’installer avec femme et enfant. George Gunn, son subordonné de l’époque les attend à l’aéroport et les conduit directement au commissariat. Petite faveur d’un ami à un autre. La rencontre parents/fils est terrible. Fionnlagh nie le meurtre mais revendique son amour pour Caitlin. « Ce n’était pas une enfant, hurle-t-il à sa mère. Je sais que les gens diront que douze ans de différence entre nous c’était mal. Mais nous savions que non. Dans vingt ans, personne n’aurait trouvé à y redire ». La colère submerge Fin. L’incompréhension s’installe. Alors qu’ils quittent leur fils et roulent en direction de Ness, le bourg principal de l’île, « tout ce qui leur avait été familier paraissait désormais étranger, comme s’ils n’étaient revenus que pour troubler les jours heureux et gâcher les bons souvenirs. C’était douloureux parce qu’ils en retiraient un sentiment de perte. Perte de l’innocence, du bonheur, de l’appartenance ». Mais de quelle innocence, au fond ? Celle du fils? Celle du père? Parce que lui aussi, Fin, a des choses à se reprocher.

Voilà ce qu’elle provoque cette île, elle l’oblige à remonter le fil du temps. Celui de souvenirs enfouis, celui des fautes. Un nom lui revient en mémoire, Niall Black, le fils de l’homme le plus riche de Lewis, celui qui possède une ferme piscicole avec des cages et des milliers de saumons enfermés. Que l’on fait passer pour des saumons sauvages parce que ceux-là rapportent gros. Les gamins sont à un âge où l’on fait des conneries. Fin n’aime pas ce passé où l’un de ses camarades est mort. Lui le policier intègre, qu’a-t-il fait enfant?

C’est une course contre la montre. Il lui faut essayer de trouver des preuves qui innocentent son fils. Il se heurte au mur de la science qui ne ment jamais. À celui de son propre enfant qui avoue avoir tué celle qu’il a eu la folie d’aimer. La mer possède ses propres mystères. Encore des cages, d’autres saumons, une association d’écologistes. La fougue d’une jeune femme voulant dénoncer les méchants. Le roman de Peter May est empreint de nostalgie douloureuse, d’une volonté sourde et incontrôlable de solder des comptes, comme de faire face à ce que l’on est devenu. Des ombres noires enveloppent Fin Macleod. Se laissera-t-il submergé ? Trouvera-t-il la paix en sauvant son fils et lui-même ?

« Loch noir » de Peter May, traduit de l’anglais (Écosse) par Ariane Bataille, Éditions Rouergue Noir, 366 pages, 22,80 euros.

 

« Tout va bien se passer » de Leye Adenle : l’African Beat du Nigéria

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Il y a un petit côté Marvel chez Amaka Mbadiwe, super héroïne du troisième et dernier roman de Leye Adenle. Le titre ne dit pas autre chose. « Tout va bien se passer » nous conte les dernières aventures de l’avocate survoltée de l’écrivain nigérian. On trépigne beaucoup, on accélère sévère, on souffle, on s’essouffle, on a chaud, on transpire mais on ne lâche pas d’une semelle la redresseuse de torts qui survole les artères saturées de la capitale Lagos.

Amaka coule des jours heureux avec Guy Collins à Londres depuis six mois. Tandis qu’il part travailler, elle va faire son jogging, puis après une bonne douche, elle s’offre un café tout en travaillant pour son association les Street Samaritains, qu’elle pilote pour l’instant à distance. Mais on ne se refait pas et justicière d’un jour, justicière toujours. Justement, de l’autre côté de la route, il y a un salon de manucure qui l’intrigue. Il y a des barreaux aux fenêtres du salon. Elle remarque aussi que les employées ne regardent jamais les clientes dans les yeux. Elle renifle l’exploitation. Cela lui rappelle les filles et les femmes vulnérables auprès desquelles intervenaient les Street Samaritains, et à qui elle a consacré sa vie.

Au  même moment, à des milliers de kilomètres, à Lagos, capitale du Nigéria, un autre drame est en train de se mettre en place. Au cœur de l’histoire, la bagatelle de cent millions de dollars. Pour cette somme là, on peut franchir beaucoup de lignes quand on veut mettre la main dessus. Par exemple, tuer. Ce que font Dave et Pete sans sourciller. Ils abattent un couple de pasteurs, Anita Brown et son mari, Frank Brown, un petit coquin qui avait rendez-vous avec une prostituée dans cette chambre d’hôtel avant que la partie de plaisir ne tourne vinaigre. Problème, la demoiselle a tout vu. Elle s’appelle Funk. Les deux lascars l’ont loupé parce qu’elle était bien cachée mais elle sait très bien que ce n’est qu’une question de temps avant que l’on apprenne qui elle est, et que surtout on la retrouve.

Et voilà Amika repartie dans son pays natal. La justice n’attend pas. On retrouve les sujets chers à l’auteur : corruption, police et politique, sexe, drogue et Africa Beat. Amika est comme un poisson dans l’eau. Telle une super héroïne avec une cape fendant l’air, elle ne craint pas de s’attaquer aux plus forts, souvent au péril de sa vie. Cette fois, c’est la connivence politico-religieuse qu’elle a dans le collimateur. La scène qui ouvre le roman avec ce pasteur adultère donne le ton. Le Nigéria est profondément croyant. Il faut avoir assister à une messe dans un quartier défavorisé pour se rendre compte de la mainmise des prédicateurs milliardaires sur leurs ouailles. Bien qu’elles soient déjà à peine en mesure de se nourrir ainsi que leurs familles, elles versent leur obole à des vampires porteurs de croix ou autre qui n’hésitent pas à les saigner toujours un peu plus. Amaka va tout faire pour retrouver Funk avant que cette dernière ne soit tuée. Mené tambour battant, avec un gentil flic et un gros ripoux qui met des bâtons dans les roues d’une Amaka aussi téméraire que obstinée, « Tout va bien se passer » est une critique sans concession des gouvernants et du monde bling bling des prédicateurs. Un polar fusion et passionné.

« Tout va bien se passer » de Leye Adenle, traduit de l’anglais (Nigérian) par Céline Schwaller, Éditions Métailié, 424 pages, 22 euros.

« Là où je n’ai plus pied » par Belén López Peiró : parler puis écrire pour guérir

Il était tellement gentil l’oncle Claudio qu’au début, c’est même elle qui demandait à aller chez lui. Les prédateurs ont toujours su y faire. Et puis un jour, elle n’a plus voulu. Personne n’a cherché à comprendre. Ni la mère, ni le père, chacun empêtré dans une vie propre qui allait les conduire au divorce. Virginia Belén López Peiró a cessé d’être une enfant joyeuse. Les gros doigts de son oncle étaient entrés en elle.

La confession qui fut tout autant une déflagration eut lieu en 2022. L’Argentine Bélen López Peiró ose raconter cet oncle et les viols qui seront disséqués ad nauseum plus tard, dans un premier livre, « Pourquoi tu revenais tous les étés » (Éditions Globe). « Là où je n’ai plus pied » nous emmène sur le chemin tortueux de la bataille judiciaire. La jeune femme va parler jusqu’à plus soif. Dans les grandes lignes, dans les détails et encore plus de détails. Une fois, dix fois, cent fois, neuf ans. Une locomotive puis un train lancé à grande vitesse balayant tout sur son passage. Parce que dans ce genre d’affaires, il y a les faits et les dégâts collatéraux. Il y a soi et les autres. Et ils ne sont pas rien, les autres. Ce ne sont pas eux que les gros doigts de l’oncle ont touchés. Surtout pas, ils n’en veulent pas. Entre les soutiens, les détracteurs et les accusateurs, ces moments de violation de l’intime échappent et deviennent la propriété de tous. Un enfer qui tourne en boucle indéfiniment.

Lorsque le processus de la parole est enclenché, il y a le soulagement. De courte durée. Parce qu’en réalité, rien ne change. La peine, la blessure, la honte, rien ne part jamais. Alors, on franchit un autre océan, on saisit la justice. On est déjà allé au commissariat, on a porté plainte et on a décidé d’aller plus loin. On veut que l’oncle soit reconnu coupable et qu’il subisse une peine. Aussi grande que la sienne. Impossible, jamais, alors on se contentera d’une privation de liberté.

Le texte de Belén López Peiró est polyphonique et rythmé par l’insertion des procès-verbaux. La voix du père traduit l’incrédulité, celle du frère le fait qu’il n’ait rien vu, celle de la fille de l’agresseur est synonyme de colère et de déni tout comme celle de l’épouse. Le premier avocat est aussi convié à se faire entendre dans cette symphonie discordante. C’est donc une narration hachée, inventive où sont insérés des SMS, des définitions de mots trouvés sur Internet. Sans oublier les réseaux sociaux. Le viol est une arme vieille comme le monde. C’est le fusil de l’homme faible. Il peut être inconnu mais il peut aussi être le voisin, le père, le frère ou l’oncle. Il échappe à l’usure du temps, il a une capacité de renouvellement infini. Comment en parler en réinventant sa narration ? Comment capter l’attention pour partager une douleur commune à toutes les victimes ?

La journaliste argentine de formation nous emmène dans ce labyrinthe émotionnel et judiciaire et nous fait vivre cette double peine que s’infligent parfois certaines victimes. Il y a de grands moments de découragement, d’envie de renoncement tout au long de la préparation du procès. « Je ne vais plus à la fac, je ne me présente pas à mon dernier examen de master ». On lui propose une procédure abrégée. Elle a déjà mis cinq ans à trouver une avocate, une représentante et une commission capable de l’accompagner. Et voilà qu’on lui propose une solution. « Oublier? Lâcher ? Laisser tomber ? Est-ce qu’on peut réparer le corps comme on répare une tasse ébréchée ? »

2023, c’est fini. Un dossier de 500 pages, deux avocats, une représentante, une commissaire judiciaire, quinze ans de thérapie, la famille coupée en deux et le village qui couvre l’abuseur. Quand le procès s’ouvre enfin, il dure cinq jours  et la sentence tombe : dix ans de prison. « À partir de maintenant, je vais commencer à écrire autre chose ».

 » Là où je n’ai plus pied », de Belén López Peiró, traduit de l’espagnol (Argentine), Éditions Globe, 384 pages, 24 euros.

 

« Il est long le chemin du retour » de Attica Locke : un roman, véritable manifeste politique

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C’est sans doute le plus politique des romans de Attika Locke. Celui où elle ne mâche pas ses mots à l’encontre du président de son pays. Pas de faux-semblants, pas de politically correct, la romancière texane dénonce avec force le racisme systémique qui frappe encore et encore les États-Unis d’Amérique. Mais elle va bien au-delà. Elle se sert de son Texas natal pour étendre son message : celui d’un appel aux citoyens à se réveiller, à sortir activement de ce cauchemar avant d’atteindre un point de non-retour.

Darren Matthews, son personnage principal et récurrent de la trilogie, n’est pas en très grande forme. Il a quitté les Texas Rangers, emberlificoté dans un procès dont Bell, sa propre mère, a joué un rôle crucial. Elle est celle qui pourrait bien l’envoyer derrière les barreaux. Aussi est-il estomaqué lorsque sa génitrice surgit un jour, après des années d’absence, et lui demande de l’aide. Ayant accumulé des décennies de rancœur à son égard, il ne l’accueille pas les bras ouverts. Loin s’en faut. Mais elle insiste, affirme qu’elle ne boit plus depuis deux ans. Lui, le fils, a pitoyablement pris le relais et le bourbon Jim Beam est devenu son plus fidèle compagnon.

Attica Locke pose ainsi les fondations de son dernier roman policier. Sera Fuller, étudiante noire d’origine modeste, faisait partie de la sonorité entièrement blanche de l’université du Texas. Selon Bell qui fait le ménage dans la résidence, la jeune fille a disparu. Il lui est sûrement arrivé quelque chose parce qu’elle a retrouvé ses affaires en vrac, dans la poubelle derrière le bâtiment. À partir de là, la romancière tisse la toile de l’intrigue, la réconciliation chaotique du tandem mère/fils, avec un oncle, le frère de la maman, qui remplit les blancs de bien d’interrogations. Et qui surtout change dramatiquement le récit familial des deux autres oncles toujours très critiques envers Bell et son mari. Ce sont des pans entiers de vérités supposées qui explosent comme si Darren avait marché sur des mines anti personnelles. Le duo bancal examine la piste raciste, après tout on est au Texas, que faisait la jeune fille dans une sororité blanche ? Les parents vivent et le père travaille dans l’entreprise Thornville. Sur le papier, l’employeur idéal qui offre logement, sécurité sociale, une forme de philanthropie capitaliste bon teint qui interpelle.

En réalité, la rencontre d’une femme et d’un homme. Carey-Ann Thorn et E. J. Hill, deux héritiers de l’aristocratie texane, bien décidés à imposer leur vision de la société. Et qui inclue une curieuse prise en charge de leurs employés regroupés dans une ville sortie de terre, jouxtant l’usine de viande du couple. « Une ville représentant toutes les caractéristiques d’une version XXIe des villes-scieries d’antan ». C’est là que Darren et sa mère rencontrent Joseph, le père de Sera qui ne semble pas s’inquiéter de la disparition de sa fille. « Il s’agit d’une de nos familles modèles; l’une de nos plus grandes réussites », explique Carey-Ann Thorn, comme si elle vantait les mérites d’une voiture dernier cri. D’ailleurs, Joseph rêve de raconter son histoire au gala de Keep America Working, qui souligne la générosité et réussite de la vision du couple texan. Joseph est prêt à se renier lui-même afin de garder son travail et tout ce qui va avec. Mais au-delà, c’est son identité qu’il dissout au profit d’une utopie qui n’est même pas la sienne. Joseph incarne clairement l’inverse de la romancière, guerrière en marche. Une sorte de soumission instrumentalisée par les Blancs depuis des années. Thornville est le piège parfait, il offre puis reprend. Sans pitié et avec méthode. Le parallèle avec ce qui se passe aujourd’hui en Amérique est flagrant.

La destruction interne du Ranger démissionnaire se confond avec le tournant tragique que le pays a pris depuis l’arrivée de Donald Trump sur la scène politique américaine. Attica Locke ne se cache derrière aucun artifice littéraire et se montre volontairement parfois irrévérencieuse. « Un charlatan avait pris le volant, et atteint la Maison Blanche… La réalité elle-même ne semblait plus réelle, le sol se dérobait sous nos pas. Nous flottions sans garde-corps dans un monde en plein délire ». Le roman est un constat sans appel mais aussi un cri d’alarme pour ne pas dire un hurlement. « Il fallait accepter que les Pères fondateurs, cette bande de types grandiloquents, intarissables dès qu’ils buvaient un coup de trop, avaient griffonné des lois et des idéaux qui se contredisaient une fois sur trois, et qu’ils s’imaginaient pouvoir édifier un monument de liberté sur des fondations creusées par des esclaves. Ce n’était qu’un château de cartes. Un écran de fumée ». Attica Locke aime  cet État du Sud qui ne fut jamais une terre amicale pour les Noirs d’Amérique. Lorsqu’elle l’évoque ou le décrit par le menu, l’amour est là. Sans couleur si ce n’est celle d’une nature torturée par des hommes que l’on croyait au fil du temps peu à peu maîtrisés. Mais qui dernièrement sous l’impulsion de vents mauvais, reviennent en force, cette fois à visage découvert, ivres d’un retour qu’ils estiment légitimes. Sous couvert de distraire un lecteur avide d’intrigues complexes, le roman d’Attica Locke relève quasiment du manifeste politique. Courageux et nécessaire .

« Il est long le chemin du retour » d’Attica Locke, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Paul, Éditions Liana Levi, 304 pages, 21 euros.

 

« Le Baiser de la Demoiselle » : histoire d’une femme décapitée de Kate Foster

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C’est un premier roman furieusement féministe. Une fiction tirée d’une histoire vraie ayant eu lieu en 1679. La justice de l’époque n’allait pas rater une accusée de ce calibre. Une lady, adultérine, putain et meurtrière, surnommée la « Dame blanche de Corstorphine ». La romancière écossaise Kate Foster aussi n’est pas passée à côté de ce true crime fabuleux et nous conte l’aventure malheureuse d’une femme de sang bleu qui s’est crue tout permis, et qui fut punie de cette audace, décapitée par la lame tranchante du « Baiser de la Demoiselle ».

Un bien joli nom donné à l’ancêtre de la guillotine française, la redoutable machine, « conçue  pour décapiter les membres de la noblesse », avec un mécanisme rapide et réputé moins douloureux que cette bonne vieille hache. « Sans qu’aucune de ses victimes n’a survécu pour en témoigner ». Le roman de Kate Foster est savoureux. Il nous transporte à une époque de libertinage absolu et d’obscurantisme religieux tout aussi vivace. L’église est toute puissante. Elle régit l’existence de ses ouailles. Seuls les nobles s’enhardissent et tentent de s’en affranchir.

Comment a-t-elle pu croire qu’elle n’allait pas en payer le prix ? Lady Christian Nimmo s’est amourachée de son oncle lord James Forrester. Ce fut un long et patient processus de la part de ce dernier. En bon prédateur qu’il est, il a repéré sa proie à l’adolescence, bénéficiant de son statut familial de proximité. Le père de Christian est mort. Lord James gère les comptes. « Il ne repartait jamais les mains vides. Les biens disparaissaient dans les voitures qu’il envoyait. Et pendant un certain temps, nous avions droit aux meilleurs morceaux de viande, aux tourtes au bœuf et aux rognons. Aux robes neuves. Ils vendaient nos biens au nom de Mère ». Le gentil tonton ne prend pas que ça. Il considère sa nièce comme une prise de guerre. Nécessaire à sa libido insatiable.

Lord James joue sur du velours. L’enfant devenue femme a épousé un marchand de tissus. Un homme bon et généreux, respectueux au point de l’ignorer lorsque la nuit tombe et que les couples se retrouvent à l’abri des regards dans leur chambre fermée. En réalité, Andrew Nimmo n’a que peu d’appétence pour le corps féminin. Or, lady Christian déborde d’un appétit sexuel que ce cher oncle James a su attiser. Cela tombe bien. Andrew part souvent en voyage. L’épouse délaissée trouve refuge chez cet amant libidineux qu’elle croit tout à elle.  Si les apparences restent sauves quelque temps, le sens des conventions s’envole au fil des pages et du drame annoncé. D’autant que Christian découvre une autre femme qui intéresse aussi James : Violet la servante qui n’en n’est pas une mais une prostitué que le laird extirpe régulièrement du bordel du coin pendant plusieurs semaines, et qu’il cache dans une aile de la demeure. Les deux femmes finiront par se rencontrer.

Le portrait de la prédation à cette époque est remarquable. Dans une toute puissance caractéristique, ce nanti protégé par une impunité totale, se sert de son statut social pour traîner toutes les femmes dans son lit. Christian qui se brûle d’amour pour cet homme comprend trop tard sa bévue. Mais ce n’est pas l’ère MeToo. La transgression sociale de Christian est allée trop loin. Pour cette fois, même sa parole n’aura pas le poids de celle d’une fille de joie. Comment est-ce possible ? Kate Forster dresse un magnifique portrait de femme. Ou plutôt de femmes. Toutes, quel que soit leur statut, sont prises au piège de la volonté et du désir de l’homme. Il n’y a pas d’affranchissement possible.

Le désir, voilà ce dont parle Kate Forster. Et celui de la gent féminine ne peut exister dans cette société bon teint et religieuse jusqu’à l’excès. Celui de ces messieurs est en revanche tout puissant, même si dans le cas de James, il le conduira à sa perte. La mère de Christian, sa sœur, toutes savaient ce qui se tramait, mais la peur du déclassement les a poussées à fermer les yeux. Laissant la jeune fille bien incapable de résister aux assauts de cet homme sans limite. Le jour fatidique, elles sont trois autour de leur proie : Christian, Violet et Oriana, la bonne. Cette dernière, faussement et tragiquement renvoyée du château pour vol, a dû goûter à l’infâme séance de repentir imaginée par l’ecclésiastique, et elle s’est retrouvée  assise sur le tabouret à l’église, sous les yeux de tous. Ce jour-là, pourtant, ce trio bafoué, humilié et incapable de se défendre, a pris son destin en main. Un poignard et une mise à mort. Une seule en paiera le prix fort. Lady Christian meurt vêtue d’une robe en dentelle exquise. Offerte par son marchand de tissus de mari. Un homme qui aimait habiller les femmes mais sans jamais les toucher.

« Le Baiser de la Demoiselle » de Kate Foster, Éditions Phébus, 406 pages, 22,90 euros.