« Halcyon » d’Elliot Ackerman : tout est dans l’interprétation de l’Histoire

Le présent. Incarné par l’historien Martin Neumann. Le passé. Porté par le sujet sur lequel Martin Neumann travaille depuis des années. Le futur, enfin. Qui survient par l’annonce d’une découverte extraordinaire, le moyen de conjurer la mort. Le présent, le passé et le futur. La nouvelle Sainte Trinité dans la peau de l’avocat et héros de guerre, Robert Ableson. 2034 nous projetait dans un futur en guerre. Elliot Ackerman qui décidément a un faible pour la SF, nous ramène cette fois en arrière, en 2004, avec un président Al Gore qui entame son second mandat, après avoir largement battu George Bush. Exactement le contraire de ce qui se produisit en réalité. Al Gore, ce fervent partisan d’un monde scientifique toujours à la pointe, a depuis fait pleuvoir une manne de dollars sur les centres de recherches. Résultat, mourir n’a plus rien d’irréversible. On est tous des Jésus Christ en puissance à l’aube de notre propre résurrection.

On va passer très vite sur la conclusion de cette expérience : ressusciter n’est pas une bonne idée. Imaginez, vous refaites votre vie, vos plans, vous allez même jusqu’à retomber amoureux et paf, l’autre revient d’entre les morts. Dire que cela va tout compliquer, est un euphémisme. Dans le roman de l’auteur américain, le revenant s’appelle Robert Ableson, héros de guerre devenu avocat, sorte de Gatsby de type senior passé entre les mailles du filet du mouvement MeToo mais désormais rattrapé par le gong du féminisme. Martin, l’historien de la Guerre civile américaine, loue un cottage à la famille Ableson, dans l’espoir de mener à terme son projet d’écriture qui le taraude depuis longtemps. Régulièrement, il reçoit la visite de ce Robert et apprend ainsi que cet homme est revenu d’entre les morts. Une première piste de réflexion.

Ableson incarne l’autre thématique du récit. Nous sommes à Richmond. Nous sommes dans le Sud de toutes les discordes. Le monument du général Robert E. Lee est dans le viseur des redresseurs de tort. Ils veulent le faire disparaître. Si Martin Neumann travaille sur un autre historien, Shelby Foot, chantre du compromis et marqueur essentiel de la démocratie américaine, Ableson est le représentant de l’ancien monde, celui qui estime que l’effacement d’une partie de l’Histoire de la nation n’est pas souhaitable. L’intérêt du neuvième roman d’Elliott Ackerman réside là, sur cette ligne de faille qui fracture la société outre-Atlantique. Depuis la sortie du livre, Donald Trump a été élu pour la seconde fois à la tête du pays. L’Amérique est plus que jamais divisée. Se servir du passé pour expurger le présent et pouvoir ainsi envisager un futur meilleur.

« Halcyon » d’Elliot Ackerman, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Janique Jouin-de Laurens, Éditions Gallmeister, 304 pages  23.90 euros. 

 

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